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CRITIQUE | Jean-Philippe Sylvestre au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles: qui peut le plus peut-il le moins?

Par Dominique Joucken le 19 novembre 2017

Jean-Philippe Sylvestre lance cet automne son premier album avec ATMA Classique. C’est le compositeur québécois André Mathieu qu’il a retenu pour ce projet mené avec l’Orchestre Métropolitain, sous la direction d’Alain Trudel. (Crédit photo: Nathalie Blanchard)
Jean-Philippe Sylvestre était en récital à Bruxelles le 18 novembre 2017. (Crédit photo: Nathalie Blanchard)

Le pianiste québécois Jean-Philippe Sylvestre donnait hier soir un récital au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Au programme, Bach, Mozart, Balakirev et André Mathieu. Notre critique, Dominique Joucken, était sur place. Émerveillé par le musicien dans Mathieu et Balakirev, il n’est cependant pas convaincu par son interprétation de Bach et de Mozart. Critique.

La musique est comme la religion catholique. Elle propose à ses fidèles des mystères. Ce sont des articles de foi, que l’on ne peut ni comprendre ni expliquer, qu’il faut se contenter d’accepter, de méditer et d’admirer. La virtuosité est l’un de ces mystères. Non seulement parce qu’elle permet à l’humain de franchir des barrières infranchissables, de se libérer des contraintes corporelles, mais aussi parce qu’elle fait naître des contradictions qui semblent impossibles à expliquer.

Ainsi, l’adage « qui peut le plus peut le moins » ne semble plus s’appliquer dans le cas des virtuoses. Ils peuvent sans difficulté apparente venir à bout des morceaux de bravoure les plus redoutables, pour ensuite se retrouver désarmés dans des pièces dont les exigences sont moindres sur le plan digital.

Jean-Philippe Sylvestre appartient sans conteste à cette catégorie d’interprète. Son Islamey de Balakirev stupéfie : rigueur rythmique, sonorités pleines, même dans les cascades de notes les plus folles, vélocité, chant, propreté de chacun des traits, tout cela dans la pièce qu’on s’accordait à trouver la plus difficile du répertoire avant que Ravel n’écrive son Scarbo. Ce n’est pas donné à tout le monde. Les moyens techniques du pianiste sont simplement fabuleux, et tout cela est livré sans gesticulation, sans mimiques, avec l’œil sec et le cheveu en ordre.

On constante la même maîtrise absolue dans le Concerto de Québec d’André Mathieu, arrangé pour piano seul par Jean-Philippe Sylvestre lui-même. L’écriture extrêmement large et hyperromantique du compositeur québécois, que les auditeurs belges découvrent, pour la plupart, est rendue avec une assurance de chaque instant. Élans irrésistibles, houle des sentiments, expressivité constante. Jamais la musique de Mathieu n’a sonné aussi proche de celle de son mentor Rachmaninov.

Bach et Mozart

Tous ces moyens sont-ils utiles à notre héros du jour dans la 4e Partita de Bach ? Sans doute, ils le sont dans la mesure où il déjoue sans difficulté les pièges de la polyphonie, notamment dans les deux fugues, données avec lisibilité, là où de nombreux pianistes se contentent d’une bouillie indifférenciée.

Toutefois, l’attitude globale face à l’esprit de l’œuvre est plus discutable. Comme désarçonné par la simplicité de certaines danses, le pianiste semble vouloir étoffer le propos en désarticulant la rythmique, en plaçant des accents qui n’existent, pas, en variant le tempo selon des critères arbitraires.

Les choses empirent dans la Sonate de Mozart K. 331, où tout parle de simplicité, de chant et de dépouillement. Ici, notre pyrotechnicien semble carrément mal à l’aise. Il bute sur des traits qui sont en apparence anodins, ne parvient pas à trouver cette motricité qui donne vie à la forme mozartienne, charge son propos et effectue des virages à 180 degré.

Tout ce qu’il avait magnifiquement réussi chez les romantiques (et dans le Prokofiev et le Ginastera donnés en rappel) lui donne du fil à retordre dans une forme aussi lumineusement simple que cette sonate à la frêle carrure. On repense alors à la phrase du grand pianiste Artur Schnabel : « Mozart est trop facile pour les enfants, et trop difficile pour les adultes. »

Le public belge repartira cependant ravi d’avoir pu découvrir un artiste aux moyens très prometteurs, qui parvient à établir une connivence avec les spectateurs grâce à de petits exposés introductifs aussi brefs que sympathiques. La manière dont il passe de cette convivialité à une concentration absolue, imposant le silence par de longues minutes passées à attendre devant son clavier, est elle aussi un mystère. Ne sommes-nous pas tous tissés d’inextricables contradictions ? La musique, métaphore de la condition humaine …

Récital de Jean-Philippe Sylvestre, piano

Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 18 novembre 2017, 20h

Jean-Sébastien Bach : Partita n°4
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate K.331 « alla turca »
André Mathieu : Concerto de Québec
Mili Balakirev : Islamey

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