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CRITIQUE | L'immense bonheur de retrouver l'Orchestre Métropolitain

Par Caroline Rodgers le 27 mars 2021

L'Orchestre Métropolitain a retrouvé son public à l'occasion d'un premier concert à la Maison symphonique, le 27 mars 2021. (Photo: Antoine Saito)
L’Orchestre Métropolitain a retrouvé son public à l’occasion d’un premier concert à la Maison symphonique, le 27 mars 2021. (Photo: Antoine Saito)

Aujourd’hui, 27 mars 2021. Entre le dernier concert auquel j’ai assisté avant la fermeture des salles et celui-ci, je n’ai pas mis les pieds à la Maison symphonique depuis exactement 188 jours. Cela m’a semblé une éternité. Ces secondes retrouvailles avec l’Orchestre Métropolitain en un an me donnent l’impression d’avoir vécu ma plus belle journée depuis longtemps.

On ne le dira jamais assez: avec les minutieuses précautions prises avant, pendant et après, les concerts de musique classique ne peuvent pas être un lieu de contagion. On entre sous surveillance avec l’impression de franchir les douanes à l’aéroport, on garde son masque pendant tout le concert, de quatre à six sièges sont vides entre chaque spectateur ou couple, il n’y a pas d’entractes, et on nous fait maintenant patienter à la fin pour sortir par appels de rangées. Je ne vois pas à quel moment du processus on pourrait se contaminer.

 

Cette photo du public à la Maison symphonique, le 27 mars 2021, démontre bien que la distanciation physique est très bien respectée. (Photo: Antoine Saito)
Cette photo du public à la Maison symphonique, le 27 mars 2021, démontre bien qu’une importante distanciation physique entre les spectateurs est respectée. (Photo: Antoine Saito)

Yannick Nézet-Séguin arrive sur scène avec son masque. Il le retire, prend le micro et déclare: « Même à travers mon masque, vous pouviez voir que je souriais », et ajoutera « dans la prudence, profitons de ce moment de joie ici à la Maison symphonique ». Oh que oui.

(Note à moi-même no 1: je ne sais pas où YNS a acheté cette merveilleuse chemise décorée d’instruments de musique, mais j’en veux une). 

Mélangeant le connu et la découverte, le programme choisi par l’OM est sans faille: musique nouvelle, rare concerto et symphonie que tout le monde adore.

La pièce contemporaine intitulée Umoja, Anthem for unity, commandée par Yannick Nézet-Séguin pour l’Orchestre de Philadelphie à la compositrice Valerie Coleman, est plus que réussie, elle est même passionnante. Commençant dans la douceur comme le jour qui se lève, avec de belles et longues phrases mélodiques, elle évolue vers une partie plus rythmée qui rappelle énormément Stravinsky.

(Note à moi-même no 2: tiens, l’octobasse monte encore la garde, en haut. Elle a dû trouver le temps bien long, toute seule)

 

Le pianiste chinois Tony Siqi-Yun, soliste invité de l’Orchestre Métropolitain, 27 mars 2021. (Photo: Antoine Saito)

Concerto de Clara Schumann avec Tony Siqi Yun

J’ai toujours trouvé que l’on abusait du terme « prodige » en parlant des musiciens. Qu’un pianiste ou un violoniste soit capable de jouer des pièces extrêmement difficiles à un tout jeune âge n’a pas toujours des développements heureux, plus tard dans sa carrière.

Au-delà du sensationnalisme qu’il y a à exhiber des jeunes talentueux dans les médias comme s’ils étaient des phénomènes de foire, ce qui nous intéresse est de savoir comment ces musiciens évolueront pour devenir de véritables artistes. C’est donc avec une certaine méfiance que j’attendais Tony Siqi Yun, premier prix du Concours musical international de Chine et qualifié de prodige. Ce fut une agréable surprise.

Tout en dégageant cette forme unique d’énergie et de franchise propres aux jeunes interprètes, Toni Siqi Yun, 19 ans, démontre aussi une assurance et une maturité rassurantes qui se manifestent notamment dans sa relation harmonieuse avec l’orchestre et son chef.

Doté d’un toucher raffiné, il déploie une riche palette de nuances dans un concerto fort bien choisi pour son style et sa personnalité. La sincérité et la musicalité se dégagent de son interprétation qui gagnera en profondeur avec le temps. Pour le moment, apprécions la beauté de la musique qu’il fait entendre, tout simplement. Si l’on me disait « tu vas entendre Toni Siqi Yun une fois par semaine, pour les prochains six mois » je répondrais « volontiers », car il n’est jamais ennuyeux.

Que le Concerto pour piano de Clara Schumann ne soit pas joué plus souvent est un scandale. Comme Yannick Nézet-Séguin l’a expliqué juste avant, il n’avait pas été entendu à l’OM depuis 25 ans. Conçu en un seul mouvement, il nous rappelle souvent Chopin, avec une élégance et un charme qui lui sont propres. La partie centrale, un long solo de piano qui évolue en dialogue avec le violoncelle (ici joué par Caroline Milot) est une drogue romantique injectée par intraveineuse sonore.

(Note à moi-même no 3: pleurer avec un masque, c’est quand même compliqué)

 

Yannick Nézet-Séguin, 27 mars 2021. (Photo: Antoine Saito)

Brahms: une nourriture après six mois de famine

Ceux qui lisent Ludwig van Montréal depuis son lancement savent que j’ai accompagné l’Orchestre Métropolitain deux fois en tournée: en Europe en 2017, et aux États-Unis en 2019. Autant ces concerts m’ont passionnée, je crois que je n’avais jamais été aussi concentrée et attentive qu’aujourd’hui, dans la Symphonie no 2 de Brahms que j’aime tant. Plus qu’au Concertgebouw, plus qu’à Carnegie Hall. Un sentiment de plénitude se dégage, ce grand soupir de soulagement, cet « ENFIN » qui n’arrive qu’en concert.

Revivre.

C’est qu’il s’agit d’un phénomène qui ne peut pas être senti sur disque, ou sur écran. La webdiffusion, cela dépanne peut-être en temps de pandémie, mais seule la musique vivante permet ce bonheur d’être dans le moment présent avec l’orchestre, dans une salle, pour entendre une œuvre que l’on connaît par cœur et que l’on adore.

Le premier mouvement, très posé, prend le temps de dire les choses avec des angles bien polis, une sonorité ronde, un thème principal superbement énoncé aux cordes, majestueux, équilibré.  L’attention des 250 personnes présentes est exceptionnelle. Le silence, après le premier mouvement, en dit long.

(Note à moi-même no 4: c’est incroyable, personne ne tousse. Plus personne n’ose)

On suit le développement de cette oeuvre grandiose avec intérêt, parfois surpris par certaines décisions du chef en ce qui concerne le tempo (mais après tout, pourquoi pas?), jusqu’à une finale qui décoiffe, tonitruante. Fair enough.

On dirait qu’ils n’ont jamais arrêté de jouer, depuis un an. Malgré la distance, ils sont restés ensemble.

J’espère tellement qu’on pourra encore les retrouver, le 11 avril.

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