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CRITIQUE | Hockey noir, L'Opéra: un spectacle multisensoriel qui ne vous laissera pas de glace

Par Michel Joanny-Furtin le 4 mai 2018

Pascale Beaudin et Michiel Schrey dans Hockey Noir, L'Opéra, au Monument-National (Crédit: Maxime Boisvert)
Pascale Beaudin et Michiel Schrey dans Hockey Noir, L’Opéra, au Monument-National (Crédit: Maxime Boisvert)

Le hockey comme sujet d’opéra ? Voilà bien une tradition canadienne qui tardait à fouler les planches. Pour le 30e anniversaire d’ECM+, c’est chose faite avec cette production vraiment intéressante, créative et originale dont la première avait lieu hier soir au Monument-National. Une seconde représentation aura lieu ce soir, 19 h 30.

L’ouverture, très brève, donne le ton dramatique de cette histoire toutefois ponctuée de moments d’humour et de clins d’œil, tant dans la mise en scène que dans la mise en image habilement orchestrées par Marie-Josée Chartier. Le livret de Cecil Castellucci, une passionnée de hockey… et de films noirs, est bien ficelé et ne s’égare pas dans les histoires individuelles tout en conservant une relative fantaisie dans les péripéties.
Inspirés par un fait divers – la disparition d’un joueur vedette des Maple Leafs, peu de temps après avoir remporté la coupe Stanley en 1951 – Cecil Castellucci et André Ristic se sont amusés à broder une histoire de magouille digne d’un roman noir.

Détective à la Bogart, l’inspecteur Loiseau (Jean Marchand, narrateur en voix « off ») recherche un jeune talent du hockey, Bigowski (Pascale Beaudin, soprano), criblé de dettes. Pour compliquer le tout, Bigowski est amoureux de Madame Lasalle (Marie-Annick Béliveau, mezzo), la maîtresse de son débiteur, le mafioso Romanov (Pierre-Étienne Bergeron, baryton), lequel lui demande de truquer un match.

Pour échapper à ce contrat sordide, il disparaît, mais revient dans les estrades, travesti en femme (Gal Friday), pour coacher son ami, le vétéran Guy Lafeuille (Michiel Schrey, ténor) qui compte terminer sa carrière en gagnant cette coupe Stanley.

 

Hockey Noir, L'Opéra (Crédit: Maxime Boisvert)
Hockey Noir, L’Opéra. Chanteuses: Pascale Beaudin et Marie-Annick Béliveau. (Crédit: Maxime Boisvert)

Comique et tragique… comme la vie !

Travestissement et confusion des sentiments, séduction et duperie, jeux de pouvoir et complots, l’histoire et sa musique ne manquent pas de rebondissements. À l’instar du livret, la partition d’André Ristic joue sur deux tableaux en permanence, combinant une musicalité très classique à des sons d’autres univers comme l’orgue des arénas, le glissement des patins, le bruit de la rondelle contre les bandes et les bâtons, la Zamboni, etc.

Sa composition entraîne ce décalage nécessaire entre l’humour et l’amertume d’une finale à l’image à la fois des Noces de Figaro et de Don Giovanni. Entre la mort ou le statu quo, peu d’espoir; les choses semblent rester telles que la réalité les montre : les gens de pouvoir, tricheurs ou pas, restent au pouvoir; les rêves des jeunes sportifs s’écrasent contre les murs de la réalité, et les femmes naviguent à vue pour trouver et faire leur place, au risque d’y perdre leur intégrité…

Le talent tragi-comique et vocal de Marie-Annick Béliveau est à son meilleur, alternant les registres expressifs parlés, chuchotés, chantés forte ou pianissimo avec une aisance et une diction remarquable. Michiel Schrey n’est pas en reste, et ce pour les mêmes qualités vocales et dramatiques.

La soprano Pascale Beaudin est agréablement surprenante dans un rôle masculin qui doit jongler sur les facettes des genres, tout en restant crédible dans cette trame qui se joue sur scène. La voix posée, enracinée même, de Pierre-Étienne Bergeron lui permet presque de cabotiner, au sens positif du terme, un personnage nuancé entre la caricature et cet effroi nécessaire à l’histoire. Enfin, la voix et le texte de Jean Marchand ramènent cette part de réalisme noir, presque terre à terre, qui définit l’ambiance de l’œuvre.

 

Véronique Lacroix, directrice artistique de l'Ensemble contemporain de Montréal. (Crédit: Maxime Boisvert)
Véronique Lacroix, directrice artistique de l’Ensemble contemporain de Montréal, et les musiciens. (Crédit: Maxime Boisvert)

Un opéra graphique

La production se définit comme un opéra graphique. Les projections y sont nombreuses et rythment la scénographie. Toutefois, comme le souhaitait Véronique Lacroix, directrice artistique de l’ECM+ (LIRE NOTRE ENTRETIEN AVEC VÉRONIQUE LACROIX), les illustrations de Kimberlyn Porter et les animations de Serge Maheu, si elles aident à la compréhension et la dynamique de la mise en scène, n’empiètent jamais sur la musique qui reste au premier plan.

De plus, les différents niveaux de langages des années 50 où se situe l’intrigue s’amusent de nos travers identitaires entre l’anglais et le franglais, entre le « perlé » français versus le joual, et ajoute à la musicalité tout en soutenant l’effet comique.

Deux scènes mémorables vont dans ce sens : Mme Lasalle chez le détective où un porte-voix traduit ses véritables sentiments en joual, alors que sa bouche use de (et s’use à la) diplomatie en massacrant « allegretto » l’imparfait du subjonctif. Dans le même ordre d’idées, ajoutons deux airs chantés par Romanov, « les sacres » ponctués de « bips » de censure; et « les chiffres », qui rappellent l’air du Catalogue de Don Giovanni.

Partition, livret, direction, scénographie, imagerie, l’ensemble se tient d’un bout à l’autre et rien ne s’égare. Chaque phrase musicale, chaque image projetée, chaque digression humoristique procèdent habilement à mettre en place la trame narrative. Bref, un spectacle « multisensoriel » qui ne vous laissera pas… de glace !

« Hockey Noir, l’Opéra » d’André Ristic, sur un livret de Cecil Castellucci, avec l’ECM+ (quatuor à cordes, percussions et synthétiseur) sous la direction de Véronique Lacroix, et les voix de Pascale Beaudin, soprano; Marie-Annick Béliveau, mezzo; Michiel Schrey, ténor; Pierre-Étienne Bergeron, baryton; et Jean Marchand (voix hors champ) au Monument-National, ce vendredi 4 mai à 19h30.

La production sera en tournée à Toronto les 10 et 11 mai prochains au Jane-Mallett Theatre à 20h, puis à Mons et Bruxelles en Belgique les 29 novembre et 2 décembre. 

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