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ENTRETIEN | Le Royaume de Michabous : la création d'un opéra des Premières Nations

Par Frédéric Cardin le 11 décembre 2017

L’œuvre du compositeur de la nation crie Andrew Balfour amènera les spectateurs à faire un voyage temporel des origines de la Terre au monde contemporain. (Photo: courtoisie)
L’œuvre du compositeur de la nation crie Andrew Balfour, Le Royaume de Michabous, amènera les spectateurs à faire un voyage temporel des origines de la Terre au monde contemporain. (Photo: courtoisie)

Les 15 et 16 décembre, Le Royaume de Michabous (Michaabooz’s Realm), un opéra inspiré d’une légende autochtone, sera créé sur scène au Studio-théâtre Alfred Laliberté de l’UQÀM à Montréal. En collaboration avec l’Opéra de Montréal et son Atelier lyrique, l’œuvre du compositeur de la nation crie Andrew Balfour amènera les spectateurs à faire un voyage temporel des origines de la Terre au monde contemporain, tout en adressant symboliquement la relation conflictuelle entre les Premières Nations et le jeune Canada, qui fête son 150e anniversaire en 2017.

J’ai rencontré le compositeur Andrew Balfour.

Que raconte Le Royaume de Michabous?

Il s’agit d’un opéra teinté de fantastique et de symbolisme autochtone qui présente le personnage (ou l’esprit) de Michabous, un être ni bon ni mauvais qui cherche à éduquer les humains en leur imposant des épreuves de diverses natures.

L’opéra est divisé en 3 actes. Le premier se situe avant l’arrivée des Européens. J’y évoque la création du monde, la découverte du langage et la célébration de l’union entre la race humaine et la Terre. Au deuxième acte, la présence européenne prend deux formes. D’abord la présence des Français (que j’évoque grâce à des chansons), relativement équilibrée et respectueuse des Premières Nations. C’est d’ailleurs un détail que j’ai remarqué dans les recherches historiques effectuées relativement à cette création : les colons français se mêlaient plus facilement et plus harmonieusement avec les autochtones. Ce fut pour moi une très heureuse découverte.

Le compositeur Andrew Balfour. (Photo: courtoisie)
Le compositeur Andrew Balfour, auteur de l’opéra Le Royaume de Michabous. (Photo: courtoisie)

Dans un deuxième temps, l’arrivée des Anglais correspond à une période plus sombre, reflétée dans la musique. Le style de colonisation des Anglais, très impérialiste, se manifeste entre autres avec les erreurs commises dans les quelques 200 dernières années, 150 d’entre elles passées sous un gouvernement « canadien ». Amherst et ses couvertures infectées sont évoqués, John A. Macdonald aussi (qui n’a pas été un enfant de chœur en ce qui concerne les droits des autochtones). On parle bien entendu également des pensionnats autochtones, et d’autres choses encore.

Le troisième acte questionne l’avenir et notre relation conflictuelle avec la nature (pollution, destruction de l’habitat, réchauffement climatique, etc.). J’y évoque les Sept Prophéties de la tradition ojibwée. Elles sont fascinantes : les Anciens avaient annoncé il y a longtemps le type de développement effréné qu’apporteraient les Européens et les problèmes que cela causerait. Nous devons reprendre contact avec les traditions, pour mieux construire notre avenir. Et celui-ci sera collectif et respectueux, ou ne sera pas. Il y a tout de même de l’espoir.

Deux chanteurs de l’Atelier lyrique parlent du Royaume de Michabous (en anglais) :

Vous avez parlé de tradition ojibwé. Pourtant, vous êtes Cri. Pourquoi avoir fait ce choix?

L’opéra a été initialement commandé pour la compositrice Barbara Croall, d’origine odawa, une nation liée aux Ojibwés, mais elle a dû quitter le projet pour des raisons de santé. C’est à ce moment que l’on m’a contacté. Je suis embarqué dans un train en marche, en quelque sorte.

A-t-il été difficile de vous approprier un récit traditionnel issu d’une autre culture que celle de votre nation d’origine?

Il y a bien sûr des difficultés. Vous savez, chaque nation amérindienne a une culture et une langue différente. C’est comme les nations d’Europe! On l’oublie souvent. Mais en vérité, la plus grande difficulté a été artistique. Je ne voulais pas être un imposteur et raconter une histoire entièrement créée par quelqu’un d’autre, et me substituer à sa voix. J’ai dû écrire le livret pour faire miens les éléments  de l’histoire. Pour ce faire, je suis allé à la rencontre d’anciens qui m’ont raconté les légendes de la tradition orale. Je suis également allé voir les pétroglyphes d’origine ojibwée qui se trouvent dans une caverne à l’extérieur de Peterborough et qui datent de quelque 10 000 ans. Une expérience très touchante.

De quels moyens disposiez-vous?

Pas énormes, on s’entend. Mais, tout de même, suffisamment pour réussir à faire quelque chose dont je suis très heureux jusqu’à maintenant. Qui plus est, les musiciens de l’Atelier lyrique sont fantastiques. Ils ont accueilli ce projet avec une grande ouverture d’esprit et un profond respect. J’ai été profondément touché par l’expérience. Et au courant du processus, j’ai senti grandir en moi une nouvelle compréhension et une solide proximité émotive avec la réalité du peuple québécois. Sa lutte pour sa survie culturelle, pour sa langue et pour son identité est une lutte comparable à celles des Premières Nations. Je pense qu’il est significatif que cet opéra soit monté ici à Montréal.

L’équipe créative du Royaume de Michabous parle de l’opéra (en anglais) :

Quel type de musique avez-vous écrite pour Le Royaume de Michabous?

Il s’agit d’une musique tonale, à mi-chemin entre Stravinsky et Arvo Pärt. J’ai aussi intégré plusieurs chansons traditionnelles autochtones, interprétées par des artistes mohawks. Et puis, il y aura de la danse traditionnelle et du mime. Il s’agit d’une véritable fusion entre diverses traditions autochtones et non autochtones. Aussi, l’opéra est chanté en quatre langues : anglais, français, ojibwé et mohawk.

Ce fut difficile pour vous de coller ensemble tous ces éléments?

Pas tant que ça. Je le fais depuis plusieurs années maintenant avec un chœur de chambre que je dirige (la Camerata Nova de Winnipeg). C’est un travail que j’aime beaucoup et ça me permet d’explorer de plus en plus toutes les possibilités de création croisées entre les univers autochtones et non autochtones.

Comment êtes-vous devenu compositeur?

L’amour de la musique me vient de ma famille adoptive. J’ai été adopté à 6 mois par une famille blanche. J’ai été élevé dans un esprit artistique riche et j’ai appris la trompette, jusqu’à en jouer dans des ensembles. Cela dit, mes racines musicales sont baroques! C’est la musique que j’ai pratiquée et étudiée avec le plus d’attention. Si vous me demandiez mes opéras préférés, je vous répondrais la plupart, de Monteverdi à Händel!

Quelle relation aviez-vous avec vos racines cries?

Dans un premier temps, cette relation a été très ténue. Ma famille n’avait pas les ressources pour m’initier à mes racines préadoptives. C’est dans la vingtaine que j’ai repris contact définitivement avec mon histoire et mes ancêtres. C’est un travail de résurrection intérieure qui continue encore, et probablement jusqu’à la fin de ma vie.

Quelle impact aimeriez-vous qu’ait l’opéra sur le Canada contemporain?

Grand, bien sûr! Plus humblement, j’espère qu’il contribuera à répandre le message d’unité de tous les humains vivant au Canada, peu importe leur origine. Nous sommes tous semblables et il est inconcevable de se nuire les uns les autres. Il est surtout inconcevable de nuire à la nature et à notre environnement. Nous devons prendre conscience de notre connexion à la Terre qui nous porte, et les Premières nations peuvent contribuer à cette nouvelle conscientisation.

Quelle importance a cet opéra pour vous?

C’est l’œuvre la plus profonde et la plus riche que j’ai écrite jusqu’à maintenant.

Si vous avez l’occasion d’écrire un autre opéra à l’avenir, quel sujet aimeriez-vous aborder?

Pendant longtemps, j’ai rêvé d’écrire un opéra en allemand portant sur la Deuxième Guerre mondiale. Je suis passionné de cette période historique. Mais désormais, je pense que ce sera sur un sujet autochtone. Je ne peux pas dire quoi encore. Après celui-ci, je prendrai au moins deux semaines de congés!

 

Lauren Margison, soprano et membre de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal. (Crédit: Brent Calis)
Lauren Margison, soprano et membre de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, chantera dans le Royaume de Michabous (Crédit: Brent Calis)

 

Nathan Keoughan, baryton et membre de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal. (Crédit: Brent Calis)
Nathan Keoughan, baryton et membre de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, chantera dans Le Royaume de Michabous. (Crédit: Brent Calis)

Mishaabooz’s Realm (Le Royaume de Michabous)

LES 15 & 16 DÉCEMBRE À 19h30, Studio-Théâtre Alfred-Laliberté, UQÀM, 405 Rue Ste-Catherine Est | Montréal

LES 21 & 22 DÉCEMBRE À 19h30, Northern Lights Performing Arts Pavilion, 5358 Haliburton County Rd. 21 | Haliburton

ÉQUIPE CRÉATIVE

Andrew Balfour, Compositeur

Valerie Kuinka, Metteur en Scène

David Sweeney, Concepteur d’éclairage/Coordination vidéo et conception

Bryan Besant, Conception vidéo

Ka’nahsohon Kevin Deer, Conseiller Autochtone

LES MUSICIENS

Louise-Andrée Baril, Directrice Musicale et Piano

Andrew Balfour, percussions et voix

Lauren Margison, soprano*

Nathan Keoughan, baryton*

Tara-Louise Montour, violon

Ka’nahsohon Kevin Deer, percussions autochtones et voix

Chœur

*Membres de l’Atelier lyrique de l’opéra de Montréal

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