C’est un pari réussi pour Yannick Nézet-Séguin, lui qui souhaitait, avec son Orchestre métropolitain, jouer devant au moins 60 000 spectateurs, au pied du Mont Royal. S’il semble bien que l’objectif de foule ait été atteint, l’objectif de communication est le plus beau succès de cette soirée.
Plusieurs heures avant que la première note ne soit entendue, on sent déjà que les gens sont heureux d’être là : les sourires font écho à la splendeur de cette journée absolument parfaite avec du soleil et un 22 degrés plus qu’agréable.
« Nous sommes amis avec les dieux de la météo’’ dira plus tard le chef d’orchestre. Sur l’avenue du Parc, qui longe la montagne, des gens se ravitaillent en pogos coréens, churros, poutines, burgers et autres délices vendus par quelques food trucks.
Quelques minutes avant le début, le site fourmille de gens de toutes sortes, qui ne peuvent qu’admirer la vue sur les sommets d’un centre-ville montréalais de plus en plus dense et impressionnant. Une certaine grandeur qui se marie parfaitement avec l’immense conque qui enveloppe les musiciens en train de se préparer.
Katerine Levac
L’animatrice de la soirée est Katerine Levac, qu’on ne soupçonnait pas d’affinités classiques, chose qu’elle confirme d’ailleurs de façon candide, mais respectueuse. Ce sera la belle surprise de la journée : une animatrice totalement néophyte en ce qui concerne le sujet principal, mais qui a su enrober cette méconnaissance par une admiration juvénile pour l’objet symphonique (elle a fait sourire avec ses ‘’trop nice’’ et a marqué un bon coup en qualifiant Yannick de mélange entre Mozart et 50 cents). Son humour simple et bon enfant se marie très bien avec l’énergie de Yannick et, surtout, le look radicalement… estival de celui-ci!
Une œuvre de la Canadienne Jean Coulthard était annoncée pour lancer la soirée, mais on entend plutôt le Mambo de West Side Story, de Bernstein, qui frappe le public avec le punch nécessaire. Bonne idée, il faut capter l’attention instantanément! Il faut dire que les bermudas et le veston scintillant de Yannick avaient déjà donné le ton.
La pièce de Coulthard suit, après avoir été bien mise en contexte par le chef. Kalamalka (Lake of Many Colours) est un hommage à la nature autant qu’à la vision pastorale des Autochtones de l’Ouest canadien. L’œuvre déploie des couleurs et des atmosphères impressionnistes grâce à des jeux séduisants de mélodies que s’échangent flûte, hautbois et basson en introduction, le tout sur lit frémissant de cordes. Ensuite, la musique oscille constamment entre monumentalité (on imagine les Rocheuses derrière le lac) et introspection contemplative. Beaucoup de personnes ont probablement été surprises par la beauté d’une œuvre canadienne moderne. Excellent choix.
Les 3e et 4e mouvements de la Symphonie no 7 de Dvořák suivent. Le Scherzo est adéquatement leste et aérien, alors que le Finale, même s’il n’a pas eu tout l’allant nécessaire, apporte une dose de puissance et de solennité qui avait manqué jusque-là.
Alain Lefèvre
On enchaîne avec la Rhapsodie romantique d’André Mathieu, avec Alain Lefèvre au piano. Égal à lui-même, le pianiste se donne à fond dans cette partition ultra-romantique, où le geste généreux et les mélodies dessinées à très grands traits se lovent dans une trame émotionnelle qui pulse continuellement, allant de gonflements d’intensité à rétractations intimistes.
La Rhapsodie, qui devait être créée en 1967 par l’OSM, sur ce même Mont Royal, ne l’a jamais été car le chef Wilfrid Pelletier avait alors refusé de l’interpréter. Il snobait le compositeur qui vivotait en organisant des pianothons racoleurs. Justice a été rendue hier, ironiquement, par l’autre orchestre montréalais.
La dernière pièce officiellement au programme est la Danzon no 2 d’Arturo Marquez, une œuvre mexicaine festive, qui boucle la boucle en nous ramenant à l’atmosphère colorée et rythmée du Mambo initial.
Ariane Moffatt
Mais on nous avait préparé une surprise pour la fin! Yannick se présente sur scène avec un nouveau veston d’un fushia intense. Le rose allait servir de point focal : en faisant référence au fait qu’il soit en couple avec l’altiste Pierre Tourville, et que l’animatrice Katerine Levac est en couple avec la réalisatrice Chloé Robichaud (dont on nous annoncé la sortie du prochain film, dans lequel l’OM apparaît!), on a voulu saluer la communauté LGBTQ+ en lui dédiant une interprétation de… La vie en rose, non pas en version symphonique, mais chantée par Ariane Moffatt, autre représentante bien connue de la communauté. La chanteuse en en livré une interprétation très juste dans un arrangement étoffé d’Antoine Gratton.
En cette veille de célébration de la Fierté à Montréal, l’OM a encore une fois démontré son pouvoir rassembleur.
À venir avec l’Orchestre Métropolitain:
- L’OM au Festival des arts de Saint-Sauveur, le 4 août, 20 h DÉTAILS
- Concert gratuit au parc Ahuntsic-Cartierville, le 5 août, 19 h 30 DÉTAILS
- Nézet-Séguin et Cho: l’ivresse du sentiment, Festival de Lanaudière, 6 août, 14 h DÉTAILS
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