
La compositrice Sofia Gubaidulina, figure majeure de la nouvelle musique, est décédée aujourd’hui à son domicile à l’âge de 93 ans. En 2023, elle comptait parmi les 100 compositeurs·ices les plus joué·e·s dans le monde, selon les statistiques annuelles établies par Bachtrack. Son nom est cité aux côtés de ceux d’Alfred Schnittke et d’Edison Denisov en tant que représentant·e·s de la musique russe de la deuxième moitié du XXe siècle. Lors de son examen final au Conservatoire de Moscou, elle a reçu les encouragements de Dmitri Chostakovitch, alors que les autres examinateurs considéraient sa musique « irresponsable » et « une erreur ».
Née à Tchistopol, aujourd’hui situé dans la république russe du Tatarstan (faisant d’elle une compatriote du compositeur et chef Airat Ichmouratov et de l’altiste Elvira Misbakhova), la compositrice a profité de la tombée du Rideau de fer pour quitter son pays d’origine et les mesures répressives dont elle avait fait l’objet sous le régime soviétique pour s’établir dans un petit village allemand en périphérie de Hambourg en 1992. Elle avait été précédée dans l’Ouest par sa réputation, grâce entre autres aux efforts du violoniste Gidon Kremer, qui avait fait connaître son Premier concerto pour violon dans les années 1980. Anne-Sophie Mutter, Mstislav Rostropovich, le Quatuor Kronos et Sir Simon Rattle lui ont tous·tes commandé des œuvres au long de sa fructueuse carrière. Ce dernier disait d’elle qu’elle était comme une « hermite volante » parce qu’elle « est toujours en orbite et ne visite la terre ferme qu’occasionnellement, pour nous partager sa lumière, avant de retourner en orbite. »
La musique de Gubaidulina est empreinte d’une forte dimension spirituelle. Elle percevait la composition comme un « acte sacré », disant : « Je comprends le terme « religion » dans son sens litéral, soit re-ligio, c’est-à-dire la restauration des connexions, la restauration du legato de la vie. Il n’y a pas de tâche d’une plus grande importance pour la musique que celle-là. » Ses compositions sont par ailleurs généralement programmatiques, c’est-à-dire que la compositrice puise son inspiration d’une source extérieure à la musique, soit un texte poétique, un rituel ou un geste instrumental. Elle a manifesté jusqu’à la fin de sa vie un intérêt pour les instruments rares et rituels des cultures de la Russie, du Caucase et de l’Asie centrale et de l’Est.
Au cours des dernières années, les mélomanes montréalais ont pu entendre ses pièces The Light of the End et Fairytale Poem à l’OSM. Le mois dernier, la cheffe Mélanie Léonard et l’Ensemble de musique contemporaine de McGill inteprétaient son œuvre Hommage à T. S. Eliot. À la SMCQ, on a pu entendre De Profundis, In Erwartung et des extraits des Préludes. De son côté, le Quatuor Molinari a fait paraître en 2015 chez ATMA un album de deux disques de ses œuvres pour cordes.