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CRITIQUE | Nelligan au TNM: la souffrance de la créativité

Par Michel Joanny-Furtin le 18 janvier 2020

Nelligan se poursuit au TNM jusqu’au 16 février (Photo: Yves Renaud)

Une photo – rarement vue – d’Émile Nelligan à 40 ans a inspiré la mise en scène de Normand Chouinard pour cette production anniversaire de Nelligan présentée au TNM jusqu’au 16 février, et dont la première avait lieu hier soir.

« Après 20 ans d’enfermement, les yeux sont fixes, sombres et menaçants. Ils révèlent un être enfermé avec ses fantômes », écrit le metteur en scène dans une note du programme. Sa mise en scène raconte ainsi la descente aux enfers de l’étincelle de génie de Nelligan.

Émile Nelligan est un monument identitaire du Québec. Relater sa vie induit donc une mise en scène relativement conventionnelle, voire muséale, mais qui a su faire ressortir, du livret de Michel Tremblay, les atermoiements de l’âme de Nelligan, ses conflits intérieurs et relationnels, la souffrance de l’exigence, la douleur mais aussi la merveille de la création… et le détachement insidieux de la réalité.

Rappelons que cette adaptation pour piano et un violoncelle a été commandée par l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Montréal en 2010 afin de souligner les 20 ans de l’œuvre lors d’une production au Monument-National.

Un bravissimo aux trois musiciennes qui portent sur les épaules, mais surtout au bout des doigts, ce monument musical composé par André Gagnon : Esther Gonthier, Marie-Ève Scarfone (et Rosalie Asselin en alternance) au piano, et Carla Antoun au violoncelle. C’est un excellent choix que de mettre une formation instrumentale réduite offrant une version plus intimiste et plus théâtrale de cette histoire pleine d’intériorité. La musique ainsi soutient fort bien le texte, sans le parasiter, tout en le servant dans un écrin soyeux.

Un décor unique où les éléments se déplacent, les lits deviennent terrasses sur la mer, ou prie-Dieu. Un autel et son tabernacle, un bureau, un fauteuil, une table d’appoint sont les seuls éléments qui s’ajoutent temporairement sur cette scène dépouillée où quatre colonnes imposent la tragédie qui se joue.

Mon bémol…

Un bémol toutefois : à l’opéra ou au théâtre musical, l’alternance de textes chantés et parlés restent parfois une bonne chose pour ne pas diluer la dimension dramatique de l’histoire portée par la musique, le texte parlé venant la renforcer. Sans doute dans cette adaptation, aurait-il fallu faire ce choix sur certaines scènes.

À l’image des Parapluies de Cherbourg où chanter certaines banalités du quotidien frisent – de nos jours – le ridicule et brise le lien dramatique avec le public, la scène de beuverie de Nelligan dans la première partie et celle de l’église dans la seconde aurait, selon moi, gagné en intensité en jouant le texte plutôt qu’en le chantant.

D’autant plus qu’avec les acteurs de cette distribution de très haute qualité, on pouvait se le permettre. Mais bon, cela n’engage que moi et reste un point de détail, j’en conviens…

Une distribution de haut niveau

À ce propos, plusieurs membres de la distribution ont déjà largement fait leurs preuves dans d’autres productions de théâtre musical, et Normand Chouinard a eu la très bonne idée de leur faire confiance. Je pense à Jean Maheux, Linda Sorgini (sublime dans L’indifférence), Frayne McCarthy, Jean-François Poulin.

Sans oublier la merveilleuse Kathleen Fortin dans le rôle d’Émilie Hudon, la mère de Nelligan. J’ai eu l’occasion à deux reprises de l’entendre chanter des extraits de Nelligan dans le spectacle Les quatre saisons d’André Gagnon. Sa complainte d’Émilie Hudon m’arrache chaque fois des larmes. À elle aussi parfois ! C’est dire l’intensité que la comédienne met dans son jeu et dans son chant. Je n’ai pas assez de mes deux mains pour l’applaudir…

Un beau talent dramatique aussi, celui d’Isabeau Proulx-Lemire dans le rôle d’Arthur de Bussières, ami très proche de Nelligan. Passion et doute, amour et désillusion, tout est en nuances chez lui. Quelques défauts de justesse à une ou deux occasions, mais rien qui ne soit correctible lors des prochaines représentations. Un chanteur/acteur à apprécier…

 

Nelligan se poursuit au TNM jusqu’au 16 février (Photo: Yves Renaud)

Deux Nelligan

N’omettons pas l’incontournable ténor Marc Hervieux dont le talent de comédien est encore à découvrir. On le requiert plus souvent pour chanter que pour jouer. Or, il incarne ici avec justesse et discernement un Nelligan âgé, vouté et errant sur la scène, spectateur lui-même de ses souvenirs qui prennent alors vie devant nous,. Un « jeune talent » d’acteur à suivre…

En parallèle et plus souvent qu’autrement dans cette œuvre, le baryton Dominique Côté occupe aussi la scène avec un jeu intense et enthousiaste même s’il est dramatique qui exacerbe le personnage qu’il incarne en lui donnant toute sa dimension fragile et émotive.

Pour résumer tout cela, je crois que l’ovation debout de toute la salle du TNM est à même de démontrer que ce spectacle mérite d’être vu. Six supplémentaires ont déjà été ajoutées au calendrier. C’est une invitation.

Vous voulez y aller?

Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 15 février, du mardi au samedi à 20 h (mardi 19 h 30)
+ les samedis à 15 h, et le dimanche 16 février à 14 h 30 (2 h 40 avec entracte)

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