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CRITIQUE | Gloire soviétique à l'Orchestre de l'Université de Montréal : une superbe démesure contrôlée

Par Michel Joanny-Furtin le 13 octobre 2019

 

Jeana Kim, OUM
Concert Gloire soviétique : Jaena Kim, flûtiste et soliste à l’Orchestre de l’Université de Montréal, 12 octobre 2019. (Photo : Antoine Saito)

Intitulé Gloire … soviétique avec trois points de suspension comme un doute sur la « gloire » d’une système politique dictatorial, ce premier concert de la saison 2019-2020 de l’Orchestre de l’Université de Montréal (OUM) a présenté des œuvres importantes à la salle Claude-Champagne.

Un concert politique? C’est un peu réducteur de le présenter ainsi, mais les pièces choisies démontraient combien les compositeurs par leur art arrivaient à traduire, sous le manteau, les émotions et l’expression de tout un peuple.

Si la salle était comble… jusque dans les combles, la scène l’était tout autant : près de 70 musiciens, soit tout un orchestre symphonique très « cordé », au propre comme au figuré, sous la férule dynamique de Jean-François Rivest. C’est en soi un vrai spectacle de le voir diriger un tel ensemble avec autant de fougue que de précision. De plus, au regard des œuvres au programme, il fallait bien un tel vaisseau instrumental.

Que la lumière fût

Lumière fossile, la création de Benoit Groulx (1er prix du Concours de composition 2019 de l’OUM) décrivait de manière quasi filmique la création et l’expansion de notre univers et la naissance de la lumière : des moments passionnés alternés de temps plus intimes, de longues notes plus réfléchies comme des pauses dans la furie du big bang créateur de notre univers.

Mettant en valeur les cordes, une partition très expressive qui mise sur la marche inexorable de l’espace/temps et sur l’apaisement final d’un univers bien ordonné qui a trouvé sa place dans l’infiniment vaste. Bref, un magnifique voyage auditif.

 

Jaena Kim, flûtiste, Orchestre de l'Université de Montréal
Concert Gloire soviétique: Jaena Kim, flûtiste, soliste de l’Orchestre de l’Université de Montréal, 12 octobre 2019. (Photo : Antoine Saito)

Le vaisseau instrumental et son capitaine nous ont servi un splendide Concerto pour violon en ré mineur (1940) d’Aram Khatchatourian dans une transcription pour flûte de Jean- Pierre Rampal. Un instant intense de virtuosité grâce à la prestation hors pair de Jaena Kim (1er prix du Concours de concerto 2019 de l’OUM) à la flûte traversière.

Très inspiré de danses et cadences populaires et de chants folkloriques, l’œuvre du compositeur d’origine arménienne offre une musique par moments légère et virevoltante comme un papillon. Près d’un orchestre aussi calme qu’un géant qui dort et dont on craint le réveil, elle semblait bien fragile, cette flûte traversière… Que nenni! La forme du concerto lui faisait tenir tête aux fortissimos de l’ensemble par la puissance et la qualité de jeu de Jaena Kim.

L’étiquette dicte de ne pas applaudir entre les mouvements, mais la virtuosité de Jaena Kim a emporté le public dans un applaudissement enthousiaste à l’issue du 1er mouvement (allegro con fermezza). Le deuxième mouvement (andante sostenuto) plus vaporeux, « étheré », nous a fait vivre une perte d’équilibre, un envol entre les sens. Bref, un bien joli moment de suspension.

Une symphonie comme un manifeste

Le chef a pris quelques instants pour relater l’épisode de la création de la Symphonie no 5 de Dmitri Chostakovitch et la remettre dans le contexte de cette époque de purges staliniennes où le compositeur craignait chaque matin d’être emmené au goulag.

À cause de son opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk, trop libertaire au goût des apparatchiks, Chostakovitch devient persona non grata. Pendant un an et demi, il dormira sur le palier de son appartement avec sa valise pour ne pas déranger la maisonnée si le KGB venait l’arrêter dans la nuit. Tout en composant ce pari presque suicidaire qu’est sa Symphonie no 5 en ré mineur op. 47 (1937).

 

Jean-François Rivest, chef d'orchestre, Orchestre de l'Université de Montréal
Concert Gloire soviétique : Jean-François Rivest dirigeant l’Orchestre de l’Université de Montréal, 12 octobre 2019. (Photo : Antoine Saito)

L’orchestre et son chef ont magistralement rendu le double discours tenu par Chostakovitch et son double jeu avec la censure soviétique, mêlant en miroir, comme dira Jean-François Rivest, des mesures ridicules mais complaisantes au pouvoir avec des moments doux emplis de poésie de douceur et d’espoir.

J’ai particulièrement apprécié l’attaque magnifique des violoncelles et des contrebasses lors du deuxième mouvement (allegretto). Et il y eu bien d’autres passages tout aussi expressifs et marquants dans cette incroyable conversation, intense, et puissante, entre les cordes, les vents et les percussions. Une démesure bien contrôlée par Dmitri Chostakovitch, mais aussi Jean François Rivest qui nous l’a bien rendu. Son orchestre est prometteur d’une fort belle saison à venir…

Rappelons qu’au début du concert, la doyenne de la Faculté de musique, Nathalie Fernando est venue se présenter au public en l’invitant à suivre assidûment la riche saison riche musicale de la Faculté de musique de l’Université de Montréal tout en rendant hommage à ceux qui la font rayonner chaque jour, professeurs, personnel, étudiants, partenaires et donateurs, etc.

***

Critique du concert Gloire soviétique, 12 octobre 2019, Orchestre de l’Université de Montréal, salle Claude-Champagne, direction Jean-François Rivest.

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