Jamais l’expression « opéra de poche » n’a été aussi vraie que pour décrire cette 27e production d’opéra des Jeunesses Musicales Canada, avec six artistes sur scène et un décor aisément transportable pour voyager au Québec et dans les Maritimes. Le talent d’Alain Gauthier à la mise en scène en prime!
Tout d’abord, un décor composé de portes, fleuries comme celles d’un boudoir. Des portes qui cachent, qui protègent ou enferment selon les nombreux quiproquos que l’œuvre met en place pour notre grand plaisir. Des portes qui deviennent arbres et bosquets dans un jardin sombre tel que décrit dans la scène finale des Noces de Figaro de Mozart et Da Ponte.
Il faut que ce décor ingénieux soit léger puisque cette petite troupe va se déplacer. Devant une salle pleine à craquer, la représentation de ce jeudi 3 octobre à la Maison de la Culture Claude-Léveillée lançait une tournée de 20 autres dates au Québec et dans l’est du Canada, notamment au Nouveau-Brunswick.
Petite troupe, disais-je, mais grands talents! Ils sont cinq chanteurs et un pianiste. Un grand bravo au pianiste Bryce Lansdell, qui porte la responsabilité d’un orchestre absent pendant la totalité de cette présentation de haut calibre.
Avec moins de personnages secondaires, cette formation épurée permet de mettre en valeur toute la dynamique théâtrale imaginée par Beaumarchais, avec ses intrigues et ses pièges amoureux. Les airs prennent alors tout leur sens dans cet écrin plus modeste. Une jolie réussite.
Pas de chœur et moins de personnages, voilà tout un défi pour Alain Gauthier qui signe la mise en scène. On connait et on apprécie son talent pour sa façon de nous coudre des œuvres intimistes, avec la délicatesse de ces « ouvrages de dames » comme on disait jadis, et c’est encore une fois réussi. L’opéra dans sa réduction se défend bien, et l’expressivité des voix supplée l’absence de l’orchestre.
Un équilibre vocal réussi
Parlant des artistes, le baryton-basse Scott Brooks est remarquable aussi bien dans la voix que dans le jeu de Figaro. La Susanna incarnée par la soprano Catherine St-Arnaud occupe, souvent d’ailleurs, la scène avec passion et un plaisir contagieux, et un timbre vraiment riche.
Marie-Andrée Mathieu se révèle une très agréable surprise dans le rôle travesti de Cherubino. La proximité du public dans ce type de production plus intimiste permet à cette mezzo-soprano – un talent à découvrir – de mettre toutes les nuances que ce rôle adolescent suppose : émotions, doutes et… hormones. Bien joué! Un fait amusant qui démontre la qualité de jeu de Marie-Andrée, dans ce rôle travesti : elle faisait plus « garçon » une fois habillée et maquillée en fille par la Comtesse et Susanna…
Une mention spéciale pour la soprano Odéi Bilodeau dans le rôle de la Comtesse. Une interprétation profonde, parfois dramatique, avec une voix nourrie aussi bien dans les graves que les aigus, sans trémolo excessif. Un timbre à apprécier sans modération, du bonheur pour les oreilles.
Le baryton Stephen Duncan donne une belle prestance, tout à fait crédible, au Comte qu’il incarne, tout en restant sur la réserve en termes de puissance vu la taille de la salle. L’ensemble des duos qui deviennent trios, quatuors, puis quintettes était dans un bel équilibre vocal et scénique.
Des costumes intemporels d’un 18e siècle revisité par des modistes des années 50 donnent beaucoup de charme à l’ensemble. Un seul regret : la redingote trop longue à mon goût (mais ce n’est que mon goût, après tout) du Comte. Par contre, un coup de chapeau en ce qui concerne l’ingéniosité des accessoires de couture (manchettes, épaulettes, etc.) pour la transformation de Chérubino en soldat. Bref une production à voir dans une salle… pas trop loin de chez vous, espérons-le!
Vous voulez y aller? La production sera de retour à Montréal le 20 mars 2020…en attendant, elle se déplace un peu partout au Québec et dans les Maritimes. Voyez l’horaire complet des représentations sur le site des JMC.
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