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CRITIQUE | Werther à l'Opéra de Québec: justice à l'art lyrique

Par Samuel Croteau le 21 octobre 2018

Werther
Julie Boulianne (Charlotte) et Antoine Bélanger (Werther) dans la production de Werther à l’Opéra de Québec, octobre 2018. (Photo: Louise Leblanc)

«Le public de Québec va passer une soirée inoubliable.» Tel était le pari de Grégoire Legendre, directeur de l’Opéra de Québec, qui rêvait depuis longtemps de présenter Werther. Ayant réuni une solide distribution entièrement canadienne, une mise en scène primée sur la scène européenne et un directeur musical passionné, tous les éléments étaient en place pour faire de cette production un succès. Il a gagné son pari : le public de la capitale a eu droit à une très belle soirée d’opéra!

Jules Massenet était dans la quarantaine lorsqu’il composa Werther, créé à Vienne en 1892. Il s’agit d’une adaptation des Souffrances du jeune Werther, roman épistolaire écrit par Goethe dans sa jeune vingtaine et qui propulsera sa carrière littéraire. Autant le roman de Goethe paru en 1774 est troublant et révolutionnaire, autant l’opéra de Massenet reflète les goûts plus pondérés de la bourgeoisie parisienne.

Comment présenter au public du 21e siècle une œuvre en apparence si ringarde? Nous avons un héros qui accompagne son amie au bal, lui déclare son amour, essuie un refus et envisage le suicide en quelques heures à peine. Plus tard, l’hémorragie causée par le coup de pistolet qu’il s’inflige dans la poitrine ne l’empêchera pas de chanter un acte complet!

La solution du metteur en scène Bruno Ravella était de jouer le livret tel qu’il est, avec une certaine sobriété, en laissant les spectateurs faire la part des choses. Il n’y avait pas d’exagération pathétique ou d’abstraction incompréhensible, mais un drame joué de manière classique. Le décor de l’acte 3 était particulièrement saisissant, tout en noir et blanc et en angles droits. À l’acte 4, la scène était presque vide, baignée d’un bleu surnaturel. Si les grandes lignes étaient réussies, quelques détails m’ont paru étranges : Werther qui arrive seul à la maison du Bailli et chante « Merci » à l’intention de personne, le couple de Brühlmann et Kätchen qui apparaît et disparaît sans explication, Johann qui chante « Tiens!… ceux-là… par exemple! » en désignant le fond de la scène, vide.

 

Werther
Hugo Laporte (Albert) et Magali Simard-Galdès (Sophie) dans Werther, à l’Opéra de Québec, octobre 2018. (Photo: Louise Leblanc)

Chanteurs

Dans la distribution, je relève d’abord la splendide performance de la soprano Magali Simard-Galdès en Sophie, la jeune sœur enjouée de Charlotte. Au 2e acte, elle tente de séduire Werther en lui promettant le premier menuet de la soirée avec une énergie toute juvénile, une aisance vocale et une justesse redoutable. Au 3e acte, lorsqu’elle est témoin du désarroi de Charlotte, son timbre devient plus sombre, reflétant son inquiétude. L’articulation des mots est toujours claire et naturelle.

La mezzo-soprano Julie Boulianne a donné le meilleur d’elle-même en Charlotte lors du 3e acte, particulièrement dans « l’air des lettres ». Son ton de tragédienne, son timbre riche et sa puissance vocale ont laissé une forte impression et donné un élan passionné à la deuxième partie de la soirée. Un peu plus loin, le « Ah! Reviens! » qu’elle lance à Sophie était déchirant! Le contraste entre les voix de Boulianne et Simard-Galdès rendait évident le contraste entre Charlotte (mature et raisonnable) et Sophie (jeune et instinctive).

Le rôle-titre était tenu par le ténor Antoine Bélanger. Si la voix semblait un peu forcée dans les aigus forte, sa maîtrise des nuances douces est impressionnante. Il brillait le plus dans les pages « récitatives » dont Massenet a le secret. C’était le cas de la fin de l’acte 2, lorsque Werther légitime son projet de suicide en évoquant un retour vers Dieu (« Oui! ce qu’elle m’ordonne… »).

Le baryton Hugo Laporte jouait Albert, le mari de Charlotte, un personnage difficile à saisir. Alors qu’on le croyait magnanime et compréhensif, souhaitant tout le bonheur possible pour Werther, son caractère est beaucoup plus sombre lors de la fatidique nuit de Noël. Le metteur en scène semble vouloir en faire une victime, ou du moins le montrer envahi par le remord, lorsque qu’il le fait s’écraser par terre, en crise, après avoir fourni ses pistolets à Werther. Laporte démontre une belle homogénéité dans son registre, les aigus gardant leur pleine couleur de baryton. La qualité des voyelles françaises est également une de ses forces.

Le chef et l’OSQ

Dans la fosse, le chef Jean-Marie Zeitouni a alimenté la flamme orchestrale avec ardeur durant toute la soirée. Nous avons eu droit à une démonstration du « son français » de l’Orchestre symphonique de Québec qu’évoquait son chef Fabien Gabel. Le dosage avec les voix était bien réglé (à l’exception peut-être du duo entre Charlotte et Werther au 3e acte). Les grands moments de passion étaient soulignés avec une sonorité pleine et voluptueuse rendant justice au romantisme de Massenet. Dommage que la salle Louis-Fréchette ne soit pas pourvue d’un orgue à tuyaux, car l’instrument électronique utilisé laissait clairement voir sa qualité artificielle. Un peu d’effet de réverbération aurait-il aidé? Par contre, j’ai apprécié le saxophone de Julie Bellavance, dont le léger vibrato offrait un contrepoint idéal à « l’air des larmes » de Charlotte.

Soirée inoubliable? Peut-être, pour certains. C’était assurément une soirée qui a rendu justice à l’art lyrique. On ne cherchait pas à révolutionner la conception de l’opéra, à proposer un nouveau paradigme artistique ou à chambouler les codes. Simplement raconter une histoire avec passion et excellence.

Prochaines représentations de Werther: 23, 25 et 27 octobre, 20 h, salle Louis-Fréchette. DÉTAILS.

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