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MUSIQUE BAROQUE | La Passion selon saint Marc : imaginer le passé

Par Samuel Croteau le 4 avril 2019

Church of St. Andrew and St. Paul

Pour les chrétiens, le Vendredi saint est un jour particulier. Deux jours avant la fête de Pâques, cette journée est consacrée au récit de l’arrestation, du procès et de la mise à mort de Jésus. Ce drame riche en symboles et en émotions a inspiré les artistes de toutes les époques.

À l’église presbytérienne St. Andrew and St. Paul de Montréal, la tradition est de présenter le soir du Vendredi saint une grande œuvre pour chœur et orchestre.

L’an dernier, c’était la Messe en si mineur de J.S. Bach, et en 2017, la messe en do mineur et le requiem de Mozart dans la version de Robert Levin. Cette année, l’oeuvre choisie est la Passion selon saint Marc de J.S. Bach. Oui, oui, selon saint Marc!

Alors que la grande Passion selon saint Matthieu BWV 244 et la Passion selon saint Jean BWV 245 de J.S. Bach sont des classiques du répertoire choral, la Passion selon saint Marc BWV 247 est encore un objet de curiosité.

C’est qu’elle nous est parvenue sous une forme incomplète : nous n’avons que deux copies du livret (c’est-à-dire du texte des récitatifs, chœurs, airs et chorals) qui correspondent aux productions de 1731 et 1744.

Aucune partition, même fragmentaire, n’a survécu à l’épreuve du temps. À moins d’une découverte inattendue (comme cela s’est produit pour le Chant funèbre de Stravinsky, dont les parties ont été découvertes en 2015), nous n’entendrons jamais la musique de la Passion selon saint Marc telle que l’a conçue le cantor de Leipzig.

Malgré tout, l’étude de l’œuvre de Bach et des pratiques musicales de son époque permettent de poser certaines hypothèses concernant la partition. Stimulés par ce défi, de nombreux musicologues et musiciens amoureux de Bach ont élaboré des « reconstructions » de la Passion selon saint Marc.

Selon une recension de l’historienne Marlite Halbertsma, il y aurait eu 21 reconstructions différentes depuis 1964. Celle présentée le 19 avril prochain à l’église St. Andrew & St. Paul est l’œuvre du claveciniste et musicologue néerlandais Robert Koolstra. Elle fut créée par le Luthers Bach Ensemble en mars 2017. La production de St. Andrew & St. Paul en sera la première canadienne.

Pastiche

Comment reconstruire une partition dont il ne reste aucune note? L’avenue la plus commune est celle du pasticcio (pastiche ou parodie), qui consiste à réutiliser une musique déjà existante dans un autre contexte. Loin d’être un banal exercice de copier-coller, un pastiche réussi crée une nouvelle œuvre à part entière, parfois en changeant la tonalité, l’instrumentation ou les valeurs rythmiques.

Comme les autres compositeurs de son époque, J.S. Bach réutilisait beaucoup sa propre musique. Jusqu’à 20% de toute son œuvre serait ainsi recyclée. Par exemple, voici le premier mouvement du Concerto brandebourgeois no. 3 BWV 1048 réarrangé comme ouverture de la cantate Ich liebe den Höchsten von ganzem Gemüte BWV 174.

 

 

De même, plusieurs mouvements de l’Oratorio de Noël BWV 248 proviennent d’œuvres antérieures. Par exemple, le chœur d’ouverture Jauchzet, frohlocket reprend celui de la cantate BWV 214, Tönet, ihr Pauken! composée pour le 34e anniversaire de Maria Josepha, épouse de l’électeur de Saxe Frederick Augustus II.

Voyant ce que J.S. Bach faisait avec ses propres œuvres, des musiciens d’aujourd’hui ont tenté l’expérience à leur tour. Par exemple, le chef et arrangeur François Panneton avait créé en 2007 un « Requiem de Bach » à partir du texte latin de la messe pour les défunts et de mouvements de cantates.

Les sources

Pour reconstruire la Passion selon saint Marc, Robert Koolstra marche dans les pas de ses prédécesseurs en utilisant les trois choeurs et les trois airs de la cantate funéraire Laß, Fürstin, laß noch einen Strahl BWV 198 (aussi appelée Trauerode, ode funèbre) chantée en 1727 à l’occasion du décès de Christiane Eberhardine de Brandebourg-Bayreuth, épouse d’Augustus II.

 

Les autres airs et chœurs sont tirés de huit cantates d’église antérieures à 1731. L’air d’alto Falsche Welt, dein Schmeichelnd Küssen (« Monde trompeur, ton baiser flatteur »), qui suit la scène de la trahison de Judas qui embrasse Jésus, est remarquable par les dissonances de ses premières mesures. Il provient de la cantate pour voix d’alto solo Widerstehe doch der Sünde, BWV 54.

 

Les auditeurs inconditionnels de Bach pourront ici et là reconnaître des passages de la Passion selon saint Matthieu et de la Passion selon saint Jean dans les récitatifs de l’Évangéliste, de Jésus et des courtes interventions du chœur, par exemple les Weissage! (« Fais le prophète! »), Creutzige! (« Crucifie-le! ») et Gegrüßet! (« Salut à toi, roi des Juifs! »).

En comparaison avec les deux autres, la Passion selon saint Marc contient moins d’airs et davantage de chorals, ces mélodies simples chantés par l’assemblée dans le cadre de l’office religieux et qui touchent de près à l’identité luthérienne.

Selon Eduard van Hengel, la grande quantité de chorals serait une réponse aux critiques adressées à la Passion selon saint Matthieu chantée en 1727 et 1729. On y retrouve le très beau « choral de la Passion » (« Mystère du Calvaire », dans certaines églises francophones).

 

 

Comme l’avait fait Ton Koopman et d’autres avant lui, Robert Koolstra a composé (dans le style de J.S. Bach) les récitatifs pour les versets de l’Évangile de Marc dont il n’existait pas de mise en musique de Bach.

D’autres versions de la Passion selon saint Marc font lire le texte par un narrateur, ou bien utilisent les récitatifs de Reinhard Keiser (1674–1739).

Fait à souligner, Robert Koolstra a généreusement rendu disponible les partitions complètes de sa reconstruction en licence libre sur le site de la Petrucci Music Library (IMSLP). Les lecteurs curieux d’en apprendre plus pourront consulter la préface de l’oeuvre.

Vous êtes donc invités à entendre le fruit de cette démarche le vendredi 19 avril, 19 h 30 à l’église St. Andrew & St. Paul (3415, rue Redpath à Montréal, près du Musée des Beaux-Arts).

Le chœur et les solistes (entre autres Philippe Gagné, Évangéliste; et Dion Mazerolle, Jésus) sont accompagnés par l’Ensemble Caprice, le tout dirigé par Jean-Sébastien Vallée. L’organiste Jonathan Oldengarm donnera une conférence pré-concert à 18 h 30 ainsi qu’un prélude d’orgue 19 h 10 (Partita sopra Sei gegrüsset, Jesu gütig, BWV 768).

Contribution volontaire.

Page de l’événement sur Facebook  

VISITER LA PAGE-MEMBRE DE A&P Music: The Church of St. Andrew & St. Paul. 

 

 

 

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