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CRITIQUE | Nouveau Quatuor à cordes Orford : les nouveaux chemins de la musique d’ici

Par Frédéric Cardin le 17 mars 2018

Le Nouveau Quatuor Orford: Jonathan Crow, Andrew Wan, Brian Manker et Eric Nowlin. (Crédit: Alain Lefort)
Le Nouveau Quatuor Orford: Jonathan Crow, Andrew Wan, Brian Manker et Eric Nowlin. (Crédit: Alain Lefort)

Le Nouveau Quatuor à cordes Orford a décidé de nous offrir, avec l’album Par Quatre chemins, trois nouveaux quatuors à cordes, signés par autant de compositeurs québécois vivants, issus de trois générations différentes : François Dompierre, Tim Brady et Airat Ichmouratov.

 

ATMA Par quatre chemins

L’outsider

Le doyen de ce triumvirat est François Dompierre, un compositeur qui a toujours revendiqué son indépendance stylistique. À une époque (les années 1960 et 1970) où la seule voie d’avancement et de reconnaissance dans le milieu de la composition classique moderne était l’atonalisme rugueux, Dompierre s’épivardait dans le jazz, la chanson et la comédie musicale.

À l’image d’André Gagnon, il restait en marge de l’establishment pour rejoindre la cohorte des « populaires ». À la différence de Dédé, cela dit, Dompierre était plus éclectique, voire polystylistique.

Puis, les temps ont changé. Depuis une dizaine d’années, les termes « accessible » et « sérieuse » peuvent être utilisés sans négation répulsive dans une même phrase.

François Dompierre a, semble-t-il, retrouvé l’appel de la composition pure, celle pour « le concert » et dans les formes éprouvées par la tradition : 24 préludes (pour Alain Lefèvre), concerto grosso (Concertango grosso pour Louise Bessette) et ce quatuor à cordes Par quatre chemins (qui donne son titre à tout l’album), écrit pour le Nouveau Quatuor à cordes Orford.

Par quatre chemins comme pour dire qu’on prend le temps de s’éparpiller à travers diverses esthétiques musicales afin d’en opérer une synthèse étonnante. Dompierre est champion à ce jeu.

Les 5 mouvements de l’œuvre portent des titres particulièrement évocateurs des chemins de traverse fréquentés par le compositeur, et de leurs étonnants croisements (ainsi que de l’humour fin et subtil de leur auteur!).

Hornpipe tripatif, Cantilène spleené, Musette cosmique, Pavane solitaire et Scherzo hachuré. Vous voyez un peu le genre? Mais rassurez-vous : il ne s’agit pas de musique comique. On parle ici de clins d’œil. Ce qu’on entend est tonal, accessible, agréable, mais sérieux et rigoureux.

On se laisse bercer par le Cantilène où le spleen de Baudelaire perce doucement et la Pavane languissante. On est amusé par la légèreté du Hornpipe (une danse irlandaise) qui est moins « tripatif » qu’attendu, mais n’empêche. La Musette et le Scherzo ont des allures de danses de cour un peu déglinguées.

Le néotonal

Airat Ichmouratov est le jeunot. 44 ans, c’est à peine le début de l’âge adulte pour un compositeur. Et pourtant, le Montréalais d’origine russe prend de plus en plus de place sur la scène musicale depuis une dizaine d’années. Il a déjà une quarantaine de numéros d’opus à son actif, une majorité en musique orchestrale ou concertante!

Le public aime sa musique tonale, à la fois néo-classique et néoromantique, aux accents rythmiques affirmés et mariés à une palette dramatique et expressive efficace. Ichmouratov n’écrit pas, à ma connaissance, de musiques de film. Mais il pourrait, et elle serait bonne!

Son Quatuor à cordes no 4, op. 35, « Le Temps et le Destin » a été écrit en 2012 après le décès d’Eleonora Turovsky, épouse de Yuli Turovsky, dont Airat était proche.

Le Temps, pour Ichmouratov, prend l’aspect (sonore) de motifs saccadés qui rappellent les tic-tacs d’une horloge. Simple et efficace. Prévisible? Oui, peut-être. Mais la faculté du compositeur à construire une narration pertinente et intéressante, et à colorer ses toiles sonores avec dextérité, élève l’ensemble à un niveau musical supérieur.

Le thème du Destin, quant à lui, apparaît surtout au 3e mouvement. Une musique diaphane, comme en apesanteur et planant au-dessus de l’auditeur, en prenant du coffre et de l’énergie, un tant soit peu, ici et là.

Le tout est magnifique, mais (il faut l’avouer) très semblable à du Chostakovitch. Ce qui n’est certainement pas une insulte.

L’audacieux

Tim Brady est de cette génération pour qui les choix stylistiques ont été difficiles.

Voyez-vous, pour la génération précédente (celle de Dompierre), les options étaient simples, parce que limitées. Soit on rentrait dans le rang du modernisme intransigeant, soit on restait à l’extérieur (en musique populaire).

À l’inverse, pour celle d’Ichmouratov (plus récente), la liberté est totale. Fais ce que tu veux et trouve ton public.

Tim Brady, lui, a atteint sa maturité au moment de la transition, longue et incertaine. Le cadre restrictif de l’académisme montrait des signes de fissuration, mais demeurait contraignant.

Ajoutez à cela le fait que Brady joue de la guitare… électrique, et vous avez le portrait d’un artiste qui a dû (et doit toujours) être audacieux pour faire entendre sa différence, et surtout la faire accepter.

L’avantage de cet artiste montréalais est qu’il est doué. En raison de son instrument de prédilection, il a été amené à côtoyer des genres musicaux extérieurs au monde de l’académisme, et en a intégré certains codes dans ses compositions. Et contrairement à Dompierre, il n’a jamais rejeté l’approche atonale dans ses œuvres. Il a donc opéré une synthèse musicale complexe, riche et charnue.

Son Quatuor à cordes no 2 « Journal » est la pièce maîtresse de l’album. Une œuvre qui juxtapose brillamment des éléments rythmiques dignes de la musique répétitive américaine (à tort appelée minimaliste) avec des dissonances modernes qui créent des textures me rappelant vaguement des fuzz de guitare électrique.

Rythmes frénétiques insistants, accords soutenus grinçants (comme du « white noise ») et épisodes introspectifs lyriques s’accordent dans un chef-d’œuvre important de notre musique contemporaine québécoise. Bravo.

Là où Dompierre et Ichmouratov sont plaisants (très), Brady est saisissant et essentiel.

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