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CRITIQUE | L'Orchestre Métropolitain tournoie en tournée

Par Béatrice Cadrin le 18 juin 2025

Yannick Nézet-Séguin dirigeant l'OM le 15 juin 2025. (Photo : François Goupil)
Yannick Nézet-Séguin dirigeant l’OM le 15 juin 2025. (Photo : François Goupil)

L’Orchestre Métropolitain et Yannick Nézet-Séguin, en compagnie du soliste invité Alexandre Kantorow, présentaient dimanche après-midi à la Maison Symphonique le programme substantiel qu’ils interpréteront dans cinq villes européennes – Bruxelles, Paris, Vienne, Hambourg et Baden Baden – du 23 au 29 juin. Un concert pré-tournée a la mission délicate de convaincre le public local que l’orchestre est prêt à récolter le succès à l’étanger, tout en laissant place à une maturation supplémentaire de façon à atteindre l’apogée au moment le plus opportun. Il faut donc se projeter un peu dans le futur et anticiper la forme achevée sur la base des indices fournis dans le présent.

La prestation de dimanche dernier offrait certainement la promesse d’un concert extraordinaire à venir. Un aspect particulièrement réussi se trouvait dans la palette de coloris exprimés dans les nuances douces, que ce soit la délicatesse, la tendresse, la vulnérabilité, etc. Cela s’entendait chez les cordes, mais aussi chez le premier clarinettiste Simon Aldrich, qui a joué avec raffinement et sensibilité chaque fois qu’il était mis de l’avant.

Le point principal empêchant le concert de dimanche de s’élever à un niveau réellement mémorable était simplement un souffle généralisé de prudence de la part des instrumentistes de l’orchestre, qui semblaient se surveiller eux-mêmes d’un œil – d’une oreille, plutôt – extérieur.

Cela n’a pas permis à La valse de Ravel, par exemple, de donner l’illusion de perte de contrôle et d’effondrement foudroyant que son tourbillon désaxé est censé entraîner : les pieds valsants touchaient un peu trop fermement le sol, plutôt que de l’effleurer.

La pièce Eko-Bmijwang (Aussi longtemps que la rivière coule) de Barbara Assiginaak, qui suit La valse, est un excellent choix comme carte de visite pour la musique canadienne. L’écriture est efficace, variée, en adéquation avec le thème aquatique exprimé. L’OM en donne une interprétation mûrie, l’ayant intégrée à son répertoire depuis quelques années maintenant. Son seul défaut est qu’elle est trop vite passée, donnant l’impression de servir d’introduction à autre chose qui ne vient pas. J’ai l’impression que l’ordre de présentation inverse – Assiginaak en ouverture, Ravel ensuite – serait plus efficace, accordant un poids rhétorique et dramatique plus substantiel aux deux œuvres. L’ordre actuel plombe le déroulement de la première partie, l’empêchant d’atteindre un élan organique.

 

Alexandre Kantorow dans le Concerto pour piano no 2 de Saint-Saens. (Photo : François Goupil)
Alexandre Kantorow dans le Concerto pour piano no 2 de Saint-Saens. (Photo : François Goupil)

Concerto pour piano no 2 de Saint-Saens

Alexandre Kantorow a livré une prestation remarquable du Concerto no 2 de Saint-Saens, déployant une sonorité plus ronde et plus riche que lors de sa visite à l’OSM dans le Concerto no 2 de Tchaïkovski, en 2023. Son agilité et la précision de ses articulations, évoquant par moments la finesse de Mendelssohn, se mariaient élégamment avec celles de l’orchestre.

Dans le premier mouvement, cependant, lorsque les cordes reprennent le thème tandis que le piano s’active dans des enchaînements virtuoses, la sonorité des cordes était diffuse. La même chose s’était produite dans Mozart avec Christian Blackshaw en mars : si c’est un effet acoustique propre à la scène de la Maison symphonique, peut-être du fait de l’écran créé par le piano devant les violons, on n’a pas à s’inquiéter que cela se reproduise lors des concerts de tournée. Autrement, il y a un petit ajustement à faire à cet endroit.

Dans le cours du deuxième mouvement, le pianiste a choisi d’interpréter l’indication tranquillo comme un ralentissement du tempo, plutôt qu’une indication de caractère, ce qui peut en soi se justifier – mais Kantorow opte pour un changement soudain dont l’effet est déstabilisant. La déconstruction finale du thème, exécutée avec humour, a provoqué des murmures amusés dans l’auditoire.

La tarentelle du presto final était rendue avec une vivacité et un mordant emportants.

Tchaïkovski – Symphonie Pathétique

À l’image de la première partie, la symphonie a bénéficié d’une mise en place quasi exemplaire (deux petits décalages se sont manifestés dans le premier mouvement, entre les violons 1 et les violoncelles d’abord, puis chez les cors). Le manque restant à gagner dans son interprétation résultait probablement de la même disposition d’esprit que dans le Ravel, soit un manque de cet abandon qui permettrait aux grandes lignes de se déployer avec plus de lyrisme et de sentiment.

Une des nombreuses qualités de Yannick Nézet-Séguin est sa façon de maintenir la tension en suspension dans les silences. Cela s’est manifesté à plusieurs occasions, mais la grande pause du quatrième mouvement et la férocité de l’attaque qui a suivi chez les premiers violons étaient parfaites. Étrangement, cette confiance dans le temps suspendu lui a fait défaut au moment d’enchaîner les troisième et quatrième mouvement, le chef précipitant l’entrée des cordes, alors même qu’il avait préparé le public à cet enchaînement et qu’il aurait pu se permettre de laisser le moment respirer avec beaucoup plus d’aise.

Dans l’ensemble, le dosage des cuivres mériterait un léger ajustement vers le bas. Chez les cordes, les appogiatures dans le thème du deuxième mouvement demandent d’être articulées avec plus de clarté.

Applaudissements

Dans sa présentation au micro avant la symphonie, le chef a demandé au public de ne pas applaudir après le troisième mouvement, même si la fin de celui-ci invite à une manifestation bruyante d’enthousiasme. « Je sais que ça va être difficile, il faut pratiquement s’asseoir sur ses mains », a-t-il prévenu l’auditoire. Il a alors ajouté une phrase qui est souvant l’argument manquant dans les débats autour de cette pratique : « Vous avez tout à y gagner! », epxliquant que la conception d’ensemble et le choc du contraste ne pouvaient s’exprimer que sans cette rupture que créeraient les applaudissements. C’est cela qu’il faut mettre de l’avant : ce n’est pas par respect entêtu d’une tradition poussiéreuse que cette attente est posée, mais parce que l’expérience de tout le monde en est rehaussée.

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Béatrice Cadrin
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