
Au terme des épreuves de demi-finales avec orchestre, qui ont eu lieu mardi et mercredi soir à la Maison symphonique, le jury du CMIM a sélectionné les cinq candidat·e·s appelé·e·s à poursuivre en finale vendredi soir.
Voici les noms des élu·e·s (en ordre alphabétique) et leur répertoire pour la finale :
Fleuranne Brockway, mezzo-soprano, Australie
- Bizet : Près des remparts de Séville (Carmen)
- Massenet : Werther … qui m’aurait dit la place (Werther)
- Bellini : Se Romeo t’uccise un figlio (I Capuleti e i Montecchi)
Yewon Han, soprano, Corée du Sud
- Donizetti : Chacun le sait (La fille du régiment)
- Rossini : Una voce poco fa (Le barbier de Séville)
- Bellini : Ah! non credea mirarti (La sonnambula)
Junho Hwang, ténor, Corée du Sud
- Puccini : Che gelida manina (La Bohème)
- Rachmaninov : Vzglyani, pod otdalyonnïm svodom (Aleko)
- Offenbach : Il était une fois à la cour d’Eisenach (Les contes d’Hoffmann)
Julia Muzychenko-Greenhalgh, soprano, Russie
- Massenet : Je marche sur tous les chemins (Manon)
- Rimski-Korsakov : Ivan Sergeich, khochesh’, v sad poydyom? (La fiancée du Tsar)
- Verdi : È strano … Sempre libera (La traviata)
Theodore Platt, baryton, Angleterre
- Thomas : Ô vin, dissipe la tristesse (Hamlet)
- Mahler : Ich atmet’ einen linden Duft (Rückert-Lieder)
- Tchaïkovski : Ja vas lyublyu (Pikovaya dama)
Demi-finale
Pour la demi-finale, les candidat·e·s devaient présenter deux airs extraits du répertoire d’opéra ou avec orchestre, et un air d’oratorio. Il existe des oratorios de toutes les époques, mais l’âge d’or du genre a été la période baroque, ce qui soulève alors la question des choix stylistiques. Plusieurs candidat·e·s ont contourné la question, jusqu’à un certain point, en choisissant un extrait d’Elijah de Mendelssohn, probablement le plus opératique des oratorios composés avant le XXe siècle. C’est un choix légitime, mais à mon avis, c’est ce qu’on appellerait en anglais un « cop out » – une façon d’adhérer aux règles sans quitter sa zone de confort. (Ce qui n’est pas pour dénigrer la valeur des airs de Mendelssohn, qui fournissent de soyeuses lignes lyriques aux interprètes pour déployer les qualités de leur voix. J’en ai juste contre la dominance de la version en anglais, à la prosodie malhabile, sur la version allemande, plus naturelle.)
Trois chanteuses se sont rabattu sur des extraits du Exsultate, jubilate de Mozart, une œuvre aux vocalises brillantes permettant encore une fois d’en quelque sorte éviter une plongée profonde dans les questions d’interprétation historiquement informée.
Seul·e·s trois téméraires ont embrassé le genre de l’oratorio à bras le corps, le baryton Chanhee Cho avec l’air « Why do the Nations » extrait du Messie de Handel et les mezzo sopranos Jingjing Xu et Fleuranne Brockway en se lançant dans des airs de la Passion selon Saint-Mathieu de J.S. Bach, soit « Können Tränen meiner Wangen » pour l’une et « Erbarme Dich » pour l’autre (le solo de violon de ce dernier air étant joué par Olivier Thouin). Bien que je salue leur courage, je suis sidérée qu’en 2025, quelque 60-70 ans après le début du mouvement d’interprétation historiquement informée et environ 10-15 ans après son acceptation dans le courant dominant, quelqu’un puisse aspirer à une carrière d’interprète sans démontrer le début d’une capacité de différentiation stylistique inspirée par cette approche.
Même si j’accepte une certaine marge de manœuvre au niveau de l’emploi du vibrato (marge de manœuvre complètement dépassée par les candidat·e·s en question, mais j’essaie d’être magnanime), je refuse d’adopter la même souplesse en ce qui a trait aux questions agogiques de répartition de temps forts et faibles. Jouer et chanter « Erbarme Dich » de façon absolument linéaire est pour moi pratiquement cause d’élimination immédiate – même si le timbre est chaleureux et même si l’interprète se jette corps et âme dans une interprétation prenante. Serait-ce prendre un trop grand risque que d’abandonner son vibrato opératique et son legato de bel canto le temps d’un air en concours? La réponse est non, puisqu’Eva Zaïcik l’a fait au Concours Reine Élizabeth en 2018 et s’est mérité le deuxième prix.
La seule candidate ayant fait preuve d’une réelle compréhension des exigences de la musique pré-Beethoven et démontré la plasticité vocale nécessaire est Fanny Soyer, dans son air de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) lors de la première épreuve. Je crois sincèrement qu’elle se serait rendu service en présentant un air de la période pré-baroque ou baroque en demi-finale plutôt que le Mozart qu’elle a choisi : cela lui aurait permis de se distinguer encore plus du lot de candidat·e·s timoré·e·s. Tout le long de sa participation au Concours, Soyer est celle qui a fait les choix les plus audacieux au niveau du répertoire, de l’air de Rameau en première épreuve à l’extrait de The Rake’s Process de Stravinsky en demi-finale, en passant par la Chanson du bébé de Rossini durant l’épreuve de Mélodie. Le seul autre à avoir poussé un peu l’audace en direction du XXe siècle dans son choix de répetoire pour la demi-finale est Theodore Platt, avec un extrait de l’opéra Die tote Stadt de Korngold. Soyer est aussi celle qui a inclus le plus d’œuvres de compositrices féminines ou non-binaires (Cecilia Livingston, Danika Lorèn et Jean Coulthard). À moindre échelle, d’autres en ont également inclus ou avaient l’intention d’en inclure s’ils ou elles étaient passé aux prochaines épreuves (Gena Branscombe, Libby Larsen, Clara Schumann, Cécile Chaminade, Kendra Harder, Maria Grever, Vivan Fung, Gladys Davenport, Amy Beach, Lili Boulanger).
Comparaison
À titre de comparaison, la très grande majorité des candidat·e·s des éditions Violon du CMIM en 2019 et 2023 a su jouer les Sonates et Partitas pour violon seul de J. S. Bach avec une esthétique appropriée. L’intégrale mythique de Henryk Szeryng continue d’avoir ses adeptes, mais dans l’ensemble, ces œuvres-là ne sont plus interprétées ni même enseignées de cette façon. Qu’est-ce qui empêche les chanteurs·euses de suivre le courant?
FINALE : 6 JUIN, 19 H 30, MAISON SYMPHONIQUE DÉTAILS ET BILLETS
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