
Le texte que vous lisez n’est pas celui que j’avais d’abord envisagé écrire. En rentrant du concert de l’altiste Antoine Tamestit et des Violons du Roy à la Salle Bourgie, leur deuxième collaboration après Requiem pour cordes en 2023 qui leur a valu un prix Opus, je repassais le concert dans ma tête : la pénombre du début, le choral de Bach chanté à mi-voix par une moitié de l’orchestre, l’autre moitié le jouant pianissimo, enchaîné avec la Trauermusik de Hindemith, musique funéraire composée en quelques heures lors du décès du roi George V se concluant sur le même choral; les deux magnifiques mélodies de John Dowland, d’une simplicité et d’une beauté désarmantes, clés secrètes de l’émouvant Lachrymae de Britten qui a suivi; et, après la pause, la transcription pour orchestre à cordes par Antoine Tamestit lui-même de l’immense Quintette avec deux altos en sol majeur de Brahms, un voyage musical dans un tout autre univers que celui présenté en première partie, expansif, fougueux et, disons-le, romantique, là où, de Bach à Britten, la première partie se jouait dans des timbres dépouillés et sans fard.
Je me préparais à expliquer que, tout en admettant que ça avait été un concert mémorable, j’avais des réserves sur la pertinence de la transcription parce que d’une part ceci, d’autre part cela, et peut-être encore ça aussi. Ayant formulé quelques phrases bien tournées, dont j’espérais me souvenir au moment de les transcrire, je me suis mise à penser à autre chose.
C’est en songeant à ces autres choses que je me suis rendue compte que j’envisageais l’avenir avec plus d’optimisme, plus de courage et plus de confiance, que je me sentais grandie, que peut-être même je respirais un peu plus librement qu’autrement.
Et c’est là que j’ai changé d’idée. Décortiquer l’expérience de ce concert de façon analytique n’apporterait rien à qui que ce soit : si vous étiez au concert, vous n’y auriez pas reconnu l’expérience que vous veniez de vivre, et si vous n’y étiez pas, ça ne vous aurait en aucune façon communiqué l’essence profonde de cette soirée.

Les instrumentistes des Violons du Roy mettent toujours leurs grandes capacités musicales individuelles au service d’une vision musicale unificatrice, et quand la personne qui les guide a la grandeur d’âme, la profondeur humaine, l’humilité authentique et l’imagination créatrice d’Antoine Tamestit, le résultat nous élève et nous transforme – ce dont nous avons grand besoin par les temps qui courent.
Un petit oiseau m’a dit que des pourparlers sont déjà en cours pour réunir de nouveau Antoine Tamestit et les Violons du Roy dans le futur. Gardez l’œil – et l’âme – ouverts.