
Le concert Arion au Café Zimmermann entendu samedi soir à la salle Bourgie et repris dimanche après-midi a offert une démonstration éclatante de l’influence du violon solo d’un ensemble sur la sonorité globale du groupe. La fonction était dans ce cas-ci occupée par Pablo Valetti, violoniste formant avec la claveciniste Céline Frisch l’ensemble Café Zimmermann, invité d’Arion pour ces concerts représentant l’aboutissement d’un projet reporté depuis la pandémie.
Historiquement, le Café Zimmermann était un café de Leipzig où étaient présentés des concerts hebdomadaires, d’abord sous la charge de Telemann puis de J. S. Bach. Il n’existe aujourd’hui aucune source permettant d’établir le répertoire présenté lors de ces concerts, mais il est probable que les œuvres au programme du concert de cette fin de semaine, composées par Johann Friedrich Fasch, Telemann et des membres de la famille Bach, aient pu en faire partie.
Menées par Valetti, les cordes déjà vives et réactives d’Arion, auxquelles s’ajoutaient selon les besoins deux hautbois et un basson, revêtaient une sonorité directe et éclatante, aux attaques ultra mordantes, dont ont profité en particulier les pièces d’ensemble. Ainsi, l’Ouverture de la Suite en ré mineur de Fasch a ouvert le programme avec une efficacité glorieuse et brillante. De même, la Sinfonia en fa majeur de Wilhelm Friedemann Bach, pour cordes seulement, a été jouée avec une énergie ardente presque féroce.
Démonstration, disais-je, de l’influence du violon solo, car l’orchestre sonnait de façon nettement différente sous la direction de Valetti que sous celle de la violoniste suisse Leila Schayegg, l’invitée d’Arion en novembre dernier. Alors qu’avec Schayegg, c’était le raffinement et l’intelligence musicale qui primaient, au dépens, justement, d’un certain éclat, on se trouvait devant la situation inverse avec Valetti : les interprétations frappaient par leur caractère assuré, franc, direct, mais manquaient de variations de couleurs et de sensibilité aux différences harmoniques.

Du côté de la variété des couleurs, il faut dire que le répertoire sélectionné s’occupait d’en présenter un éventail, mettant de l’avant les séduisants timbres du hautbois et du basson baroques, trop peu répandus, (Concerto pour basson en do majeur de Fasch, habilement joué et dirigé par Mathieu Lussier, et charmant Concerto pour deux hautbois et basson en do majeur « a la Francese » de Telemann, avec Matthew Jennejohn et Karim Nasr aux hautbois et Mathieu Lussier toujours au basson) ainsi que ceux plus connus du clavecin (gracieux Concerto pour clavecin en la majeur de Carl Philipp Emanuel Bach avec l’invitée Céline Frisch) et du violon (énergique Concerto en la mineur de J. S. Bach, avec Pablo Valetti lui-même).
De façon générale, pour les œuvres concertantes, il aurait été souhaitable de réduire le groupe du continuo trop présent, jusqu’à omettre l’archiluth : bien que j’aie un faible avoué pour la richesse qu’apporte l’archiluth dans un continuo, ici le dédoublement des cordes pincées au clavecin et à l’archiluth empiétait sur le basson soliste lorsque celui-ci jouait dans un registre trop proche du leur.

Il était intéressant de voir l’usage sélectif de techniques peu répandues dans le jeu historiquement informé telles que le jeu en position élevée sur la corde grave du violon et les glissandos, employés d’une part par le soliste sur un petit intervalle plaintif dans le mouvement lent du concerto pour violon, et en groupe sur un grand intervalle dans la Sinfonia de W.F. Bach, pour des effets tout à fait judicieux.
Dans l’ensemble donc, un concert extrêmement dynamique et brillant, laissant une impression de transport, réussissant mieux dans l’expression énergique que lyrique, et qui aurait profité de plus de moments de légèreté gracieuse comme celui offert par les menuets de la Sinfonia de W.F. Bach.
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