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CRITIQUE | La Chapelle de Québec et Les Violons du Roy, les vraies étoiles d'un Messie très réussi

Par Béatrice Cadrin le 17 décembre 2024

Les Violons du Roy et La Chapelle de Québec sous la direction der Bernard Labadie au Palais Montcalm de Québec. (Photo : David Mendoza Hélaine)
Les Violons du Roy et La Chapelle de Québec sous la direction der Bernard Labadie au Palais Montcalm de Québec. (Photo : David Mendoza Hélaine)

Samedi soir, Les Violons du Roy et La Chapelle de Québec montaient sur la scène de la Maison symphonique en compagnie des solistes Liv Redpath (soprano), Iestyn Davies (contreténor), Andrew Haji (ténor) et William Thomas (basse) pour leur troisième représentation du Messie de Handel en autant de soirs, les deux premières ayant eu lieu à Québec. Il s’agissait pour Bernard Labadie de sa 70e représentation du célèbre oratorio, un nombre impressionnant qui ne diminue en rien l’exploit du chef de tout diriger de mémoire.

Le premier constat général concerne le choix des articulations. Alors qu’on aurait pu s’attendre à une approche plus legato à l’Orchestre Métropolitain lundi dernier et à une approche plus articulée aux Violons du Roy, purement sur la base de l’allégeance esthétique générale de chaque ensemble, c’est exactement le contraire qui s’est produit : Yannick Nézet-Séguin saupoudre ses phrasés d’articulations courtes pour ajouter du relief, tandis que Bernard Labadie, à la tête de ses troupes rompues au jeu historiquement informé, insiste sur l’ajout dosé de legato, amplifiant par là le souffle lyrique de certains passages.

Le deuxième constat a trait aux effectifs : la partition de Handel contient des indications d’alternance entre ripieno (toutes les cordes) et concertino (sections réduites), mais à quatre violons par partie, les cordes des Violons du Roy ont choisi d’ignorer ces instructions, sans perte de sens ou d’effet. D’ailleurs, l’orchestre, entraîné par la violon solo Pascale Giguère, a produit des pianos exquis à plusieurs reprises.

Toujours au sujet des effectifs, la participation des jeunes artistes du programme Émergence gonflait le nombre des cordes graves à trois violoncelles et à deux contrebasses, auxquelles s’ajoutaient le théorbe (Sylvain Bergeron) , l’orgue (Tom Annand) et le clavecin (Mark Shuldiner) pour former le groupe de basse continue. Dans ce contexte, trois altistes projetant vers le fond de la scène suffisaient tout juste, et l’ajout d’un quatrième alto n’aurait certainement pas nui.

Solistes

La soprano Liv Redpath, dont c’était la première apparition avec l’ensemble, possède un timbre superbe, plus robuste que cristallin, et un legato envoûtant. Malheureusement, le soir où nous l’avons entendue, l’Américaine laissait l’intonation glisser de façon notable vers le haut, abandonnant l’orchestre derrière elle. La pause entre les deuxième et troisième parties lui a été profitable, puisqu’au retour, elle s’est rattrapée en livrant un « I know that my Redeemer liveth » parfait. La redondance du matériau musical n’en fait habituellement pas mon air préféré, mais l’interprétation doucement réconfortante de Redpath a su me convaincre et éviter les pièges de la redite.

Le contre-ténor Iestyn Davies est, lui, un habitué des Violons du Roy et un soliste plus expérimenté que ses jeunes collègues. Il agrémente ses exécutions d’ornementations stylistiquement justes et raffinées, qui, entre autres moments réussis, sont venues rehausser une interprétation déjà délicieusement déchirante de « He was despised ». Cependant, la partie centrale de cet air, comme celle de « For who may abide » en première partie, manquait de mordant et d’intensité (au contraire des sforzandos extrêmement incisifs des violons dans « For he is like a refiner’s fire »). Pour ces passages, j’accorde ma préférence sans ambage à une voix de femme dans le grave, particulièrement quand celle-ci possède l’intensité démontrée par Emily d’Angelo, plutôt qu’à celle d’un homme dans l’aigu, même aussi compétent que Davies. Inversement, l’air « O thou that tellest good tellings », mettant à profit l’éclat et la plénitude de son timbre, lui convenait parfaitement.

Dès « Ev’ry valley », Andrew Haji priorise l’animation procurée par des variations de nuances et de phrasés ainsi que la logique d’une interaction sentie avec le chœur et l’orchestre, de préférence à quelque démonstration de bravoure. Son « Thy rebuke hath broken His heart », lourd et morne, allait droit au cœur. Par ailleurs, certains passages restent parfois trop timides, comme le duo avec Davies « O death, where is thy sting », exclu de la version Nézet-Séguin, dans lequel le ténor aurait pu se permettre d’être plus présent sans crainte de couvrir le contre-ténor.

William Thomas possède une voix de basse remarquable, magnifiquement résonnante et aussi agile dans le grave que dans l’aigu. Avec lui, aucun souci que les vocalises ralentissent : il est pile sur le temps à travers les mélismes les plus exigeants. Cela représente bien sûr une qualité énorme, suffisant presque à ce que nos oreilles se déclarent satisfaites. Cependant, le jeune chanteur est d’un stoïcisme déconcertant, pour ne pas employer un autre mot. On doute que son appel tépide réussisse à ressusciter les morts dans « The trumpet shall sound » (qui, par le hasard d’un remplacement de dernière minute, était repris par le trompettiste Antoine Mailloux qui l’avait joué en début de semaine avec l’Orchestre Métropolitain). Son imperturbabilité, pouvant passer pour de la retenue mystérieuse, a quand même bien fonctionné le temps d’une phrase au début du récitatif « Behold, I tell you a mystery », et il s’est animé légèrement pour « The kings of the earth rise up » dans la partie centrale de « Why do the nations ». Sa notice biographique fait pourtant état de prestations dans des rôles d’opéra faisant appel  à un registre émotif plus élaboré que le stoïcisme immuable.

 

(Photo : David Mendoza Hélaine)

Chœur et orchestre

Les plus grands moments sont attribuables au raffinement sophistiqué du chœur et de l’orchestre, tous deux finement accordés aux intentions de leur chef fondateur.

La Chapelle de Québec combine une sonorité centrée et transparente avec un fondu admirable. Les unissons impeccables sont d’un impact percutant, pas par le volume, mais par le force cumulative des voix parfaitements unifiées. L’orchestre, en plus des articulations précises et des nuances extrêmes déjà mentionnées, a également le mérite de jouer avec une conscience de son apport au discours, dans la continuité de ce qui a été proposé par le chœur (« O thou that tellest », « He trusted in God ») ou dans l’apport d’un nouvel affekt (« Behold, and see »).

Un Messie donc qui distille les meilleurs caractéristiques de l’approche baroque pour un résultat vivant et captivant.

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Béatrice Cadrin
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