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CRITIQUE | Éternel Orlando à l'OM : interroger les genres

Par Béatrice Cadrin le 28 novembre 2024

Marcel Pomerlo en Reine Élisabeth 1 et Rachel Graton en tant qu'Orlando. (Photo : Denis Germain)
Marcel Pomerlo en Reine Élisabeth I et Rachel Graton en tant qu’Orlando. (Photo : Denis Germain)

Le roman Orlando de Virginia Woolf est une exploration des genres masculin et féminin à travers un personnage qui se métamorphose de l’un à l’autre et des effets qu’a cette transformation sur son identité et sa façon d’agir en société. En faisant passer Orlando de la page à la scène, Lorraine Pintal et l’Orchestre Métropolitain, dirigé par Naomi Woo, posent à leur tour des questions sur l’expression de genre, incluant les genres artistiques, et les attentes qui y sont rattachées.

Située quelque part au point de rencontre de la pièce de théâtre avec musique et du concert avec texte acté, la formule développée met en scène cinq acteurs et actrices se glissant dans la peau de personnages du roman, selon une distribution fluide faisant fi de l’adéquation entre le genre des acteurs et le genre des personnages.

 

Le violoncelliste Seth Parker Woods et la compositrice Nathalie Joachim saluant aux côtés de la cheffe Naomi Woo. (Photo : Denis Germain)
Le violoncelliste Seth Parker Woods et la compositrice Nathalie Joachim saluant aux côtés de la cheffe Naomi Woo. (Photo : Denis Germain)

Les genres musicaux sont également remis en question : le Concerto pour violoncelle de Nathalie Joachim, co-commande de l’Orchestre Métropolitain, du Spolato Festival et du New York Philharmonic, s’affranchit des critères habituels de construction d’un concerto et offre une pièce de musique atmosphérique proche du courant néo-classique. Dans le langage de ce concerto, contrairement au modèle conventionnel, la virtuosité n’est pas la priorité. Le soliste Seth Parker Woods, présence sereine, est surtout appelé à exploiter le côté lyrique de son instrument.

Voyage à travers le temps

Le personnage Orlando s’affranchit non seulement des contraintes physiques de genre, mais également des contraintes du temps, vivant de la période élisabéthaine au début du XXe siècle. Cela donne l’occasion d’élaborer un panorama musical étendu, débutant avec Monteverdi et se concluant avec une création contemporaine. Parmi quelques pièces aisément reconnaissables, telles que des extraits de la Royal Firework Music de Handel et un mouvement de la Sérénade pour cordes de Tchaïkovski, se glisse une découverte fort intéressante, l’ouverture The Wreckers de la compositrice et suffragette Ethel Smyth. L’opéra qu’elle préface, d’abord composé sur un livret français et portant le titre Les naufrageurs, raconte l’histoire de villageois celtiques qui attiraient des bateaux de marchandise dans des guêts-apens pour en voler le contenu et survivre aux âpres conditions de vie de cette région infertile. L’ouverture contient des thèmes bien caractérisés dans une écriture dynamique et presque cinématographique.

Défis

Lorsqu’on crée quelque chose d’aussi complexe que ce spectacle hybride, le défi est de mettre le doigt sur la bonne formule. Les passages théâtraux et musicaux présentent tour à tour des longueurs, et la simplification du fin roman d’observation de Woolf donne un ton revendicateur au propos qui, sans être invalide, en transforme l’expérience.

Du côté des plus, la proposition semble avoir interpellé un public plus jeune : la dernière rangée du parterre était occupée par des étudiant·e·s enthousiastes qui ont joint leurs applaudissements et leurs cris à ceux de l’ensemble du public debout. Avec ce spectacle courageux abordant de front les questions d’identité, l’OM continue d’investir l’expression artistique du rôle d’agent de changement qu’on lui accorde parfois de façon abstraite, mais qui s’assume ici de façon évidente. Je salue la mission et serai curieuse de faire l’expérience de ses prochaines manifestations.

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Béatrice Cadrin
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