
Le 26 août, la compagnie MakeMusic a semé l’émoi aux seins des communautés musicales de tous genres en publiant une annonce aussi abrupte qu’inattendue : elle cesse la vente et la mise à jour du logiciel Finale, le premier logiciel de notation musicale à avoir trouvé une utilisation répandue. Pour l’instant, Finale continuera de fonctionner sur les appareils sur lesquels le logiciel est présentement installé, mais à partir du mois d’août 2025, il ne sera plus possible d’obtenir l’autorisation pour une installation sur un nouvel appareil, ou d’obtenir une nouvelle autorisation pour un logiciel ayant déjà été installé. De plus, le soutien technique ne sera plus offert à partir de cette date.
Même s’il n’était pas le tout premier logiciel de notation musicale – ce statut étant généralement attribué à SCORE, développé en 1967 par Leland Smith -, Finale a été le premier à faire une percée sur le marché grand public. Depuis 1988, année de sa sortie, plusieurs logiciels sont venus le rejoindre dans l’arène, ses compétiteurs les plus établis étant Sibelius, Dorico et MuseScore. Les deux premiers sont des produits commerciaux, et ont en fait été développés par la même équipe : quand Sibelius a été acheté par Avid, toute l’équipe de développement a été congédiée, et rengagée en bloc par Steinberg afin de développer un nouveau logiciel, devenu Dorico. MuseScore, quant à lui, est un logiciel open source, c’est-à-dire que les usager·e·s contribuent eux-mêmes à l’évolution du logiciel.
Dans son annonce publiée sur le site de la compagnie, le président de MakeMusic Greg dell’Era révèle qu’une entente a été prise avec Steinberg pour que les propriétaires d’une licence d’utilisation de n’importe quelle version de Finale puissent se procurer le niveau professionnel de Dorico à un prix fortement escompté (149 $ plutôt que 579 $).
Dans l’industrie des logiciels, quatre décennies représentent une longue durée. Les supports technologiques changent, les systèmes d’opération Mac et Windows évoluent, et les millions de lignes de code de Finale s’additionnent. Tout cela a rendu la livraison de valeur bonifiée pour nos client·e·s exponentiellement plus difficile avec le temps.
Aujourd’hui, Finale ne représente plus le futur de l’industrie de la notation musicale – un fait incontournable après 35 ans, et je tiens à être transparent à ce sujet. Plutôt que de continuer à dévoiler de nouvelles versions de Finale n’offrant qu’une valeur marginale à nos usager·e·s, nous avons pris la décision de cesser son développement. – Greg dell’Era, président de MakeMusic (ma traduction)
Conséquences
Mis à part l’investissement financier nécessaire pour se procurer un nouveau logiciel de notation musicale, si telle est l’option choisie, les utilisateurs·ices de Finale font surtout face à un investissement de temps considérable pour apprendre à le maîtriser et pour y transférer leurs archives de documents musicaux composés, arrangés ou transcrits à l’aide du logiciel. Le transfert de partition musicale ne se fait jamais sans heurt, et même dans le meilleur des cas, plusieurs couches d’informations sont perdues qu’il faut réinsérer.

Pour les maisons d’édition, la situation est d’une importance et d’une complexité encore plus grandes. Éric Dussault, co-propriétaire et graveur musical chez Les Productions d’OZ et Les Éditions Doberman-YPPAN, explique que chaque maison d’édition développe sa propre feuille de style distinctive. Pour se faire, il est probable qu’elle doive importer ou créer ses propres polices de caractère dans le logiciel. D’une part, cela peut représenter un avantage au moment de migrer vers un autre logiciel de notation, puisque la maison d’édition n’est pas dépendante des offres de caractères innées au logiciel. D’autre part, cela signifie cependant qu’au cours de la période de transition qui s’amorce chez les Productions d’OZ comme chez toutes les maisons d’édition utilisant Finale, Dussault devra consacrer du temps à reproduire leur feuille de style dans l’environnement du nouveau logiciel avant de pouvoir commencer à s’en servir pour l’édition et la publication de nouveaux ouvrages.
Au moment de nous parler, Dussault venait de télécharger Dorico afin de commencer à l’explorer. « Il n’y a pas vraiment moyen de se protéger contre une situation comme la fin du dévelopement d’un logiciel : les technologies évoluent trop rapidement. C’est sûr que l’idéal aurait été de faire le changement de façon organique, avant d’être forcé de le faire, mais avec un catalogue étendu comme le nôtre, ce n’est pas une entreprise dans laquelle on se lance sans avoir une raison majeure de le faire! » explique Dussault, dont les premiers pas sur Finale remontent à 1997.
Malgré la tâche herculéenne à laquelle lui et son équipe doivent maintenant faire face, Éric Dussault reste optimiste : « Finale va continuer de fonctionner sur les ordinateurs où il est déjà installé. Si on imagine qu’on réussisse à le maintenir sur au moins un de nos appareils encore une bonne année après la fin du soutien technique, cela nous donne deux ans pour faire la transition complète. »
De plus, même s’il n’a encore jamais utilisé Dorico, il en a suivi de près la conception. « Ça paraît que c’est un produit développé par des gens qui comprennent les besoins des musicien·ne·s. Je sais que les gens qui ont fait la transition sont enthousiastes envers le produit. »
En récupérant une partie des client·e·s de Finale, Dorico vient clairement d’affirmer son statut comme nouveau chef de file dans le marché des logiciels de notation musicale. Jusqu’à l’arrivée de la prochaine innovation …
Inscrivez-vous à notre infolettre! La musique classique et l’opéra en 5 minutes, chaque jour ICI
- CRITIQUE | Une envolée réellement flamboyante à l’OM - 14 février 2025
- NOUVELLE | Changement à la direction générale d’Orford Musique - 13 février 2025
- IN MEMORIAM | Bernard Lagacé (1930-2025) - 12 février 2025