Au début juin, Jean-Marc Léveillé quittait prématurément la direction générale de l’Orchestre symphonique de Longueuil, qui opère depuis juillet 2023 sous le nom Orchestre philharmonique du Québec. Les raisons de ce départ précipité reposent sur des différences de priorités et de style de gestion de plus en plus apparentes entre Léveillé et le directeur musical Alexandre da Costa.
Impliqué auprès de l’orchestre depuis 14 ans, d’abord comme bénévole et mécène, puis comme membre et président du conseil d’administration, occupant finalement le poste de directeur général dans le cadre d’un mandat entrecoupé par une campagne électorale à la mairie de Longueuil, Jean-Marc Léveillé avait déjà annoncé en septembre dernier au président du conseil d’administration Jean-Jacques Rainville qu’il s’agirait de sa dernière saison et qu’il quitterait ses fonctions le 31 juillet 2024. Les difficultés exacerbées vécues au cours des derniers mois l’ont cependant poussé à précipiter son départ.
« Alexandre da Costa était moins à l’aise avec mon style de gestion, » nous affirme Jean-Marc Léveillé en entrevue. « Mon style, c’est d’amener les gens à être responsable de leurs livrables. J’ai besoin que chacun se responsabilise et soit autonome. »
La planification de la saison 2024-2025 et du dévoilement de sa programmation se sont avérées les pierres d’achoppement ultimes. Selon les informations fournies par Léveillé, un premier lancement prévu le 13 mai a été reporté une première fois au 10 juin. Malgré des invitations lancées pour cette deuxième date, ce second événement n’a pu non plus avoir lieu puisque la programmation n’était toujours pas finalisée. Chaque report a engendré des coûts au niveau des communications, du marketing, de la sollicitation avortée des commanditaires et de l’ensemble de la planification, en plus d’avoir un coût sur le moral de l’équipe qui porte le stress de ces changements. Malgré ce prix élevé, « il n’y avait pas de collaboration de la part de la direction artistique, » affirme Léveillé.
Au moment de rédiger ces lignes, la programmation 2024-2025 de l’OSdeL/OPQ n’avait d’ailleurs toujours pas été annoncée. Nous avons appris cependant qu’un courriel contenant l’horaire de la prochaine saison a été envoyé aux musicien·ne·s membres de l’orchestre le 28 juin, démontrant que la planification en a été complétée. Bien que tard en comparaison aux autres orchestres, cela ne déroge cependant pas tangiblement du calendrier de l’an dernier, la programmation de la nouvelle saison ayant également été dévoilée en juillet. La date de l’annonce de l’an dernier était cependant contingentée par celle du changement de nom de l’ensemble et de l’image de marque correspondante.
Changement de nom
Au sujet de ce changement de nom ayant suscité des réactions dans toutes les sphères, dont cet éditorial fréquemment consulté de notre ancienne rédactrice en chef Caroline Rodgers, une consultation de la fiche de l’orchestre au Registre des entreprises révèle que celui-ci n’a pas déposé de nouvelles lettres patentes pour changer officiellement de nom, mais a simplement ajouté, le 13 juillet 2023, l’appellation « Orchestre philharmonique du Québec » aux Autres noms utilisés au Québec, ce qui suffit pour opérer sous ce nom. Le Registre des entreprises nous a confirmé par courriel qu’une telle démarche n’annule cependant pas l’appellation précédente, qui reste fonctionnelle au même titre que le nouveau nom.
Précisons que le changement de nom opéré en 2003 avait lui été fait par dépôt de lettres patentes, annulant officiellement l’appellation Orchestre symphonique de la Montérégie pour la remplacer par celle d’Orchestre symphonique de Longueuil.
Mandat houleux
Additionnellement à ce changement de nom contesté, le passage de Jean-Marc Léveillé à la direction générale de l’orchestre a été marqué entre autres par un processus de médiation entre la direction et les musicien·ne·s, représenté·e·s par la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ). Dans les mots de l’ancien directeur général, « une remise en question par les musicien·ne·s de la vision artistique et du plan d’affaires de la nouvelle direction artistique » se trouvait au coeur de ce conflit. Au terme du processus guidé par une médiatrice du Ministère du travail, Léveillé s’est dit « très heureux du dénouement », qui a pris la forme d’un plan de réussite signé par l’orchestre et la GMMQ.
Le dépôt de ce rapport a malheureusement donné lieu à une gaffe diplomatique de la part de Jean-Marc Léveillé, qui a terni ses relations avec les membres de l’orchestre et qu’il continue de regretter aujourd’hui. Dans un article d’Étienne Paré paru le 10 juillet 2023 dans Le Devoir au sujet du changement de nom de l’orchestre, dans un paragraphe soulignant la conclusion du processus de médiation, Léveillé a réitéré son soutien au chef Alexandre da Costa, disant « Ce sont seulement quelques musiciens de l’orchestre qui voulaient lui attribuer des erreurs. Mais si je prenais chacun de ces musiciens et que je relevais chacune de leurs erreurs en concert, ça pourrait aussi être intéressant. »
Lors de notre entrevue, Léveillé avoue que ses paroles ont dépassé sa pensée et qu’il voulait simplement dire que tout le monde fait des erreurs. Il admet cependant que la réaction outrée des musicien·ne·s de l’orchestre, qui l’ont perçu comme une critique de leur travail et possiblement une menace, était légitime. Il s’est rétracté devant les musicien·ne·s de l’orchestre en leur offrant ses excuses et, apprenant de ses erreurs, a par la suite pris le temps de discuter davantage avec les membres de son orchestre.
La gestion de situations conflictuelles ne s’est pourtant pas terminée là pour Léveillé. Des signalements récents, dont la nature ne nous a pas été révélée, ont mené à l’ouverture d’une investigation interne, que Jean-Marc Léveillé s’est engagé à mener à terme même au-delà de son départ officiel. Le rapport de cette investigation a été déposé le 10 juillet dernier.
Nouvelle convention collective
À travers toutes ces démarches de gestion de conflits, l’orchestre se trouvait également en négociation d’une nouvelle entente collective. L’entente de principe, négociée d’une part entre la GMMQ et le comité de négociation des musicien·ne·s de l’orchestre et d’autre part par un comité de négociation représentant la direction de l’orchestre, a reçu l’aval des musicien·ne·s lors d’un vote le 28 juin dernier. Cette nouvelle entente collective, en plus de hausser les cachets des prestations de concerts et de la contribution de l’employeur à la caisse de retraite, prévoit l’instauration de nouveaux éléments d’ordre normatif, de la création d’un comité de programmation et de mécanismes favorisant la communication entre les parties.
Les deux parties se sont entendues pour en appliquer les conditions dès le 28 juin, sans attendre la ratification officielle, qui pourra compter parmi les premiers gestes officiels de la nouvelle direction générale.
Nouvelle directrice générale
En effet, le 27 juin, l’orchestre dévoilait avoir choisi Véronique Bugeaud pour succéder à Jean-Marc Léveillé. Bugeaud occupait auparavant le poste de cheffe du développement des commandites à l’OSM. Dans un message partagé sur LinkedIn, Bugeaud affirme entamer son mandat à l’OSdeL/OPQ avec « beaucoup de motivation, de détermination et de fierté ». Elle poursuit en faisant référence à un objectif maintes fois mentionné par Alexandre da Costa, « Contribuer à rendre accessible la musique classique à tous les publics est le moteur de mes actions professionnelles des dernières années, et je suis honorée de poursuivre cette mission si importante aux côtés de ce bel orchestre et de son directeur artistique et chef attitré Alexandre da Costa. »
L’équipe de Véronique Bugeaud, qui hérite d’un orchestre en bouleversement perpétuel, n’a pas réagi à nos demandes d’entrevue pour le moment.
Nouveaux locaux
Finalement, pour ajouter aux nouveautés auxquelles doit faire face l’orchestre, le siège de l’administration devait quitter cette année les locaux de la Ville de Longueuil et sera hébergé pour les trois prochaines années à Saint-Bruno.
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