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CRITIQUE | Naomi Woo et l'OSL à la découverte d'un nouveau monde

Par Béatrice Cadrin le 18 avril 2024

L'OSL et Lorraine Desmarais sur la scène de la salle André-Mathieu le 17 avril 2024. (Photo : Annie Diotte)
L’OSL et Lorraine Desmarais sur la scène de la salle André-Mathieu le 17 avril. (Photo : Annie Diotte)

De retour pour une deuxième fois à la tête de l’Orchestre symphonique de Laval (après un remplacement de dernière minute l’an dernier), Naomi Woo a dirigé l’orchestre d’une main dynamique et assurée dans des œuvres de Jocelyn Morlock, Gabriela Lena Frank, George Gershwin et Antonín Dvořák.

Le concert ouvrait par la pièce Hullabaloo de Morlock, composée pour le 150e anniversaire du Canada. Hullabaloo signifie brouhaha : l’œuvre exploite une masse sonore rythmique installée dans le grave, de laquelle émergent à l’occasion une ligne plus distinctive aux bois ou aux violons. D’une durée de deux minutes rapidement passées – la fin non annoncée arrive abruptement -, la pièce ne compte sûrement pas parmi les compositions les plus marquantes de la compositrice canadienne décédée prématurément l’an dernier à seulement 53 ans. Elle joue cependant bien son rôle d’ouverture au sein de ce programme intitulé « Musique du Nouveau monde ».

L’Elegia andina de Gabriela Lena Frank, plus substantielle, présentait des reliefs texturaux plus variés et plus intéressants que l’œuvre de Morlock. Un long duo de flûtes, inspiré de la musique folklorique péruvienne, a été admirablement rendu par les deux flûtistes de l’orchestre, Benjamin Morency et Jean-Philippe Tanguay. Dans l’ensemble, Woo et l’OSL ont offert une interprétation bien placée, bien qu’un peu timide : les crescendos rapides répétés aux violons manquaient de conviction, certains phrasés, de direction.

Côté conviction, un élément extra-musical en avait beaucoup trop : les tournes de pages en section chez les cordes étaient exécutées avec une force dérangeante, même pour une auditrice assise presque au fond de la salle.

S’agissant d’une œuvre nouvelle, le matériel de partitions n’est probablement disponible qu’en location, ce qui est toujours un frein à l’adoption régulière d’une œuvre au sein du répertoire d’un orchestre. Ne serait-ce de cet aspect, il serait souhaitable que l’OSL ait l’occasion de reprendre cette œuvre méritoire et de se l’approprier encore plus.

 

Lorraine Desmarais au piano. (Photo : Annie Diotte)
Lorraine Desmarais au piano. (Photo : Annie Diotte)

Suivait la Rhapsody in Blue de Gershwin, interprétée par Lorraine Desmarais. « Interpréter » est un verbe bien choisi dans ce cas-ci, car la soliste, rompue à l’exercice de l’improvisation par une longue et remarquable carrière de pianiste jazz, imprégnait son exécution d’une touche bien personnelle en improvisant les solos de piano, comme elle nous l’avait expliqué en entrevue. Le style bebop qu’elle privilégie s’est développé après la composition de Rhapsody, créant un écart d’idiome entre les moments solistes et le retour au texte musical tel que composé par Gershwin, ce qui n’est pas nécessairement une faute : dans le cas d’une oeuvre aussi souvent jouée que la Rhapsody in Blue, il est rafraîchissant de déjouer les attentes et de l’entendre abordée différemment.

L’approche technique de l’instrument étant différente en jazz et en classique, la sonorité feutrée de Desmarais avait de la difficulté à se démarquer à travers l’orchestre dans les passages tutti.

C’est dans la Symphonie du Nouveau monde de Dvořák qu’on a pu prendre la vraie mesure de la cheffe Naomi Woo. Excellente musicienne à la gestuelle assurée, celle qui est présentement partenaire artistique de l’Orchestre Métropolitain possède un instinct solide pour les mouvements rapides, manifesté par un habile choix de tempos comme par un fin modelage des différentes couches de l’écriture.

La cheffe ne s’accroche pas aux traditions : tel ritardando non indiqué préparant l’arrivée d’un nouveau passage, très peu pour elle – au point que l’orchestre a occasionnellement de la difficulté à suivre. Est-ce attribuable à un manque de temps de préparation? Dans son allocution au début du concert, le DG Simon Ouellette a mentionné que l’orchestre avait été extrêmement sollicité cette semaine, ayant joué des matinées scolaires la veille et le jour même du concert.

 

Naomi Woo à la tête de l'OSL. (Photo : Annie Diotte)
Naomi Woo à la tête de l’OSL. (Photo : Annie Diotte)

Cependant, la cheffe est clairement très consciente de ses choix d’interprétation, et si elle aborde les répétitions avec la même vitalité et la même intégrité artistique dont elle fait preuve en concert (ce dont on n’a aucune raison de douter), il est difficile de comprendre comment ces moments délicats n’ont pas été isolés et mis en place jusqu’à faire disparaître toute hésitation. Dans le Scherzo, le tutti d’orchestre suivant la ligne descendante des cors a nécessité trois passages pour être ensemble – les deux fois du premier Scherzo, et le Da capo final, version finalement réussie. Le Largo, plus rapide qu’à l’habitude, a provoqué des incertitudes de même nature chez les membres de l’orchestre.

Je suis déchirée entre admirer la ténacité de la cheffe, qui n’a pas dévié de son intention, et regretter son manque de flexibilité. Dans la relation « donnant-donnant » d’un orchestre et de sa cheffe, il y a des moments où c’est au tour de la cheffe de donner – dans ce cas-ci, donner « du lousse ». D’un autre côté, il n’est pas non plus garanti que le résultat aurait été mieux si elle avait choisi de s’adapter à l’orchestre : on ne sait jamais qui va suivre et qui va être encore plus confus …

En prenant en considération que l’OSL est en processus de recherche pour combler le poste de direction musicale et que tous les chef.fe.s invité.e.s des deux dernières saisons sont des candidat.e.s potentiel.le.s, Woo a probablement bien fait de s’en tenir à son idée et de démontrer qu’elle n’a pas froid aux yeux. Une relation à long terme permettrait aux deux partis d’apprendre à se saisir et à grandir ensemble. Nonobstant ces passages chambranlants, la cheffe a démontré énormément de qualités permettant d’espérer des résultats intéressants, devait-elle avoir la chance d’être associée à l’OSL pendant quelques années, sa vision musicale logique et solide n’en étant pas la moindre. Le fait qu’elle prenne des risques est une force à célébrer, quitte à endurer quelques moments de confusion.

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Béatrice Cadrin
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