Critique du concert de l’OSM du 21 septembre 2023 – Symphonie Titan de Mahler
L’Orchestre symphonique de Montréal présentait son deuxième programme de la saison 2023-2024, jeudi soir à la Maison symphonique avec des œuvres de Mahler, Prokofiev et Lera Auerbach sous la direction de Rafael Payare. Trois réussites éclatantes qui ont rendu cette soirée passionnante et riche en émotions.
La pièce Icarus de la compositrice russe Lera Auerbach, qui ouvre le concert, est exceptionnellement bien écrite et imagée, amenant des ambiances de mystère, de magie, de films d’horreur en noir et blanc et de boîte à musique. La compositrice démontre une grande virtuosité dans l’orchestration et la combinaison de timbres pour créer des effets et la pièce, qui dure une dizaine de minutes, est passionnante du début à la fin.
Malofeev
Rappelons que l’an dernier, l’OSM avait annulé la présence d’Alexandre Malofeev aux concerts qu’il devait donner sous la direction de Michael Tilson Thomas, début mars. On était alors au tout début de l’invasion russe en Ukraine, commencée le 24 février. Cette décision avait évidemment suscité une immense controverse: doit-on punir les artistes russes pour la folie de Vladimir Poutine?
Réalisant que de trier les musiciens russes en fonction de leur opinion avouée ou non au sujet de cette horrible invasion s’avérait un exercice périlleux, l’OSM avait refusé de céder une deuxième fois à la pression et maintenait l’invitation d’un autre pianiste russe, Daniil Trifonov, un mois plus tard, tandis que des manifestants exprimaient leur désapprobation aux portes de la Maison symphonique. J’étais allée leur poser des questions, ce sont des moments qui ne s’oublient pas.
Un an et demi plus tard, la guerre s’enlise et le peuple ukrainien tient toujours bon, au prix de pertes irréparables. (Parenthèse: si vous voulez mieux comprendre ce conflit et ses conséquences, je vous recommande de lire ou d’écouter les conférences de l’historien et spécialiste de cette région du monde, Timothy Snyder).
À quelques exceptions près, les artistes classiques russes ont repris leurs tournées en Occident et Alexander Malofeev est revenu à Montréal nous présenter ce Concerto no 3 de Prokofiev qu’il devait jouer la première fois.
Comme pianiste, Alexander Malofeev démontre une aisance, une virtuosité et une vélocité impressionnantes, un sens du rythme et une réactivité à l’orchestre au quart de tour, et traverse le Concerto no 3 et ses mouvements rapides à une vitesse folle, tel une étoile filante. J’aurais souhaité plus de variations dans les couleurs, mais son approche bien personnelle, tout en agilité, se tient.
Il revient pour un rappel, le Prélude pour la main gauche op. 9 no 1 de Scriabine. À la fraction de seconde précise où la dernière note s’éteint, on entend la sonnerie d’un cellulaire. On aurait voulu le faire exprès qu’on n’en aurait pas été capable. Le pianiste ne peut s’empêcher de rire, et nous aussi.
Symphonie no 1 de Mahler
Après un Sacre du printemps complètement fou lors du concert inaugural, la barre était haute pour l’OSM et ce deuxième programme ambitieux en l’espace de quelques semaines.
En principe, la Titan de Mahler dure environ 54 minutes. Je n’ai pas chronométré la chose (laissons cela à d’autres) dans cette interprétation exubérante « à la Rafael » le tout semble n’avoir duré que quelques minutes. Agrippés à nos sièges, nous ne perdons rien de ce foisonnement, de ces couleurs, de ce feu qui embrase l’OSM. Malgré quelques imperfections, c’est à nouveau un coup de poing et en même temps, cette certitude que par la musique, on nous transfuse une force.
La force de vivre.
Ce début de saison de haut vol à l’OSM me donne littéralement envie d’assister à tous leurs concerts. Considérant qu’il me faut parfois jusqu’à une heure trente pour me rendre à la Maison symphonique (et j’ai fait le test, c’est le même temps avec le transport en commun), c’est tout dire.
Le même programme est présenté cet après-midi, samedi 23, à 14 h 30. Il reste des billets et je vous suggère d’y courir.