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CRITIQUE | Fidelio: coup de maître et triomphe à la Maison symphonique

Par Caroline Rodgers le 26 octobre 2019

Yannick Nézet-Séguin
De dos: Lise Davidsen et Michael Schade. Yannick Nézet-Séguin dirige l’Orchestre Métropolitain dans Fidelio, 25 octobre 2019, Maison symphonique. (Photo: François Goupil)

Je l’avoue d’emblée: normalement, je déteste les versions concert d’opéra. Même que je les fuis. Mais hier soir, à la Maison symphonique, j’ai été transportée par beauté de la musique et les chanteurs fantastiques de ce Fidelio co-produit par l’Orchestre Métropolitain et l’Opéra de Montréal. Leurs voix et le génie de Beethoven ont eu raison de toutes mes réticences.

S’il est vrai que l’absence de mise en scène, de costumes et de décors enlève une grande partie de son charme à tout opéra, il arrive aussi que ces éléments viennent tout gâcher en nous détournant de l’essentiel grâce aux « idées » pas toujours pertinentes des metteurs en scènes et de leurs acolytes.

Ici, dans la simplicité, le niveau musical est tel que l’on finir par oublier l’aspect visuel pour se concentrer uniquement sur la musique.

La partition de Beethoven est riche, débordante de rebondissements et de moments de pure beauté auxquels l’Orchestre Métropolitain rend justice avec virtuosité. Yannick Nézet-Séguin dose savamment les plans dynamiques pour atteindre un juste équilibre. Sans prendre toute la place, l’orchestre demeure un acteur très présent, mais les voix des chanteurs se détachent clairement de la masse.

 

Lise Davidsen, soprano (Photo : Ray Burmiston)
Une voix riche pour un rôle complexe : la soprano norvégienne Lise Davidsen chante Fidelio vendredi soir et dimanche après-midi à la Maison symphonique. (Photo : Ray Burmiston)

Lise Davidsen, soprano d’exception

Il faut dire qu’on l’en est ici en présence d’une distribution internationale de haut calibre. En Léonore/Fidelio, Lise Davidsen est carrément extraordinaire. Je pèse mes mots: c’est la plus belle et la plus puissante voix de femme que j’ai entendue à Montréal depuis des années. La dernière fois que j’ai été aussi impressionnée, c’était par l’Allemande Sara Wegener dans la Huitième de Mahler, il y a deux ans, mais c’était un autre style.

Digne et superbe femme de grande taille (elle semble faire six pieds), la soprano norvégienne chante avec une aisance incroyable, un timbre cuivré magnifique et une technique sans faille, aménageant des crescendos renversants. Impériale, elle peut aisément dominer l’orchestre lorsqu’elle chante à pleine puissance, mais elle n’en abuse pas. Au-delà de ce volume wagnérien, la musicalité est toujours présente.

On regrette cependant qu’elle s’abstienne de bouger et de tenter tout semblant de jeu scénique. Bien qu’il s’agisse d’une version concert, il y a toujours moyen d’être un peu plus théâtral.

L’autre belle révélation de cette soirée est la basse Raymond Aceto, un Américain, qui incarne Rocco, personnage clé de cette intrigue. Avec une superbe voix de basse et un talent d’acteur remarquable, il réussit tous ses effets comiques, bien que confiné derrière un lutrin. Ses mimiques, à elles seules, arrivent à remplacer le jeu. Espérons qu’il reviendra à Montréal.

Michael Schade en Florestan

Le charismatique ténor Michael Schade campe Florestan, mari de Léonore au cachot, qui n’arrive en scène qu’à l’acte II. Je ne suis pas convaincue, en ce qui le concerne, qu’il s’agissait du meilleur choix pour Florestan. À ce point-ci de son parcours artistique, on l’imagine mieux dans des rôles « de composition » qu’en partenaire masculin du couple central d’une intrigue.

Très théâtral, il réussit quand même l’exploit de nous faire oublier que nous sommes dans une version concert, alors que son interprétation émouvante de Florestan prend ici plus d’importance que sa voix comme telle. Plus qu’un chanteur, Michael Schade est un grand artiste.

L’Italien Luca Pisaroni, baryton-basse, est excellent dans le rôle du méchant de service, Don Pizarro, et lui aussi, très bon acteur. On regrette que l’autre baryton-basse, Alan Held (Don Fernando) n’ait qu’un rôle secondaire, car lui aussi impressionne.

Quant au ténor Jean-Michel Richer (Jaquino) et à la soprano Kimy McLaren (Marcelline) deux bons chanteurs que l’on entend régulièrement à Montréal, ils souffrent malheureusement ici d’une comparaison inévitable avec le reste de la distribution, n’étant tout simplement pas du même calibre. Leurs voix se perdent un peu dans les passages où tout le monde chante. Malgré cela, tous les duos, trios et quatuors vocaux sont sublimes.

Mention spéciale aux deux « prisonniers » du chœur: Jaime Sandoval (ténor), et Jean-Philippe Mc Clish (baryton-basse) deux très belles voix qui méritent qu’on leur confie des rôles plus substantiels. Le chœur, préparé par Claude Webster, se montre à la hauteur des attentes.

Quelques bizarreries et maladresses dignes de mention : un lutrin qui « lâche » devant Lise Davidsen au beau milieu d’un air en faisant un affreux vacarme; Leonore qui chante « je tiens mon mari dans mes bras » sans qu’elle et Florestan ne s’approchent – la chimie ne semble pas au rendez-vous entre ces deux là – et finalement, une partie du public qui semble croire que l’opéra est terminé avant la fin.

Le tout se conclut par une finale grandiose suivie d’une longue ovation triomphale. Disons-le: cette production est un coup de maître de l’Orchestre Métropolitain et de l’Opéra de Montréal, une collaboration fructueuse qui, on l’espère, aura des suites.

Pour ma part, je conclurai en citant Eric Emmanuel Schmidt qui parle de Fidelio dans son essai « Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent » car la soirée que nous avons vécue illustre bien sa réflexion:

« …par réflexe, je ferme les yeux pour écouter. Et alors je commence à comprendre ce qui arrive…En me privant de la vue, je vois enfin le théâtre: il réside dans la musique. L’action a quitté la scène pour gagner la fosse. L’orchestre est le lieu où le drame s’élabore, chaque instrument y tient un rôle, et les voix qui en sortent à leur tour participent. Les sentiments, les aspirations, les mouvements, les lumières, ils sont là, écrits par Beethoven. Au fond, il a raison: pas besoin de décor, un noir de fumée suffit; au diable, les attributs traditionnels du show, le vrai spectacle reste celui des cœurs tourmentés. »

VOUS VOULEZ Y ALLER?

Une seconde représentation de Fidelio aura lieu demain, dimanche 27 octobre, à 15 h, Maison symphonique. Au moment d’écrire ces lignes, il restait une poignée de billets. DÉTAILS

 

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