Sous le titre Jeunesse éternelle, l’orchestre à cordes I Musici donnait hier soir à la salle Pierre-Mercure un concert qui, paradoxalement, représentait une fin sous plusieurs aspects : il s’agissait non seulement du dernier concert de la saison, mais surtout, du dernier concert sous la direction du directeur musical Jean-François Rivest et le dernier concert de deux instrumentistes de l’ensemble, le violoniste Denis Béliveau et l’altiste Suzanne Careau (cette dernière poursuivant cependant sa relation avec l’ensemble en tant que directrice générale). Le public était venu nombreux saluer ce dernier projet commun avant que l’ensemble ne se lance définivitement dans l’aventure auto-gérée.
Le concert a débuté avec la Symphonie pour cordes no 3 de C. P. E. Bach, une œuvre pleine des revirements harmoniques inattendus caractéristiques de l’écriture de ce fils de Johann Sebastian. I Musici en a livré une exécution empreinte de fougue virtuose, avec des silences bien habités. Malgré tout, l’ensemble manquait un peu de relief : les intervalles mineurs et diminués auraient pu être exploités davantage pour ajouter de la couleur et étrangement, le son restait en avant plutôt que de se déployer dans la salle, alors que ça n’a plus été un enjeu pour le restant du concert
À partir du Concerto pour violoncelle en do de Haydn et pour toute la suite du concert, l’orchestre a sonné avec ampleur, énergie et élégance. Le soliste pour le concerto n’était nul autre que Stéphane Tétreault, qui a cultivé tout au long de sa carrière une grande amitié avec I Musici et en particulier avec son chef fondateur, le regretté Yuli Turovsky. Tétreault a fait dans le Haydn la démonstration exacte de ce qui manquait dans le C.P.E. Bach : il tire les possibilités expressives de chaque intervalle, ne néglige aucune note et même les accords à plusieurs sons sont soignés de façon à en faire ressortir chaque note selon son rôle. Acclamé par le public, le soliste a repris place pour joué en rappel le dansant Allegro molto du Divertimento en ré majeur de Haydn dans l’arrangement pour violoncelle solo et cordes de Turovsky.
C’est surtout la deuxième partie qui donnait au concert son titre en mettant de l’avant la neuvième des douze symphonies pour cordes écrites par le jeune Felix Mendelssohn à 13 et 14 ans, ainsi que le Divertimento en ré majeur composé par Mozart à 16 ans. La Neuvième symphonie pour cordes de Mendelssohn comporte deux parties d’altos, permettant de mettre la lumière sur cette section parfois reléguée à un rôle discret. Dans le deuxième mouvement, chantant, les parties de violons 3 et 4 ont été confiées aux altistes Elvira Misbakhova et Suzanne Careau (à qui se joignait Madeleine Messier dans les autres mouvements), qui ont poursuivi avec les parties d’altos 1 et 2 dans le passage suivant réservé aux cordes graves : il m’aurait semblé de bon aloi d’alléger la section de violoncelles à un seul joueur à cet endroit pour rétablir l’équilibre des forces.
L’inclusion du Divertimento de Mozart était pensée comme un hommage indirect à Yuli Turovsky, car il s’agit pour plusieurs membres d’I Musici de la dernière pièce qu’ils ont joué sous sa direction. Il s’agit dorénavant également de la dernière pièce qu’ils et elles auront joué, avec un dégagement et une élégance naturels et rejoints par Stéphane Tétreault discrètement assis à l’arrière de la section de violoncelles, sous la direction de Jean-François Rivest.
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