
Quelques jours après le magnifique concert de musique italienne du XVIIe siècle donné par le SMAM, la Salle Bourgie nous faisait hier soir remonter encore plus loin dans l’histoire musicale de ce pays avec le concert Le Prince de la musique : Palestrina dans la Cité Éternelle présenté par l’ensemble vocal invité Stile antico. Soulignant le 500e anniversaire de Palestrina, le programme rassemblait des œuvres de compositeurs gravitant autour de celui-ci ou ayant été comme lui maîtres de chapelle à la chapelle pontificale.
La juxtaposition de ces œuvres vocales a cappella permettait d’en apprécier les différences de styles, se manifestant entre autres dans la complexité plus ou moins grande du contrepoint, l’accent mis sur les mélismes, et l’intensité des affects (émotions). La différentiation de ces affects représente d’ailleurs une force de l’ensemble Stile antico : avec eux, un Exsultate exulte vraiment (Exsultate Deo de Palestrina, 1584) et les mots « miserere me » sont empreints d’une supplication désespérée (Peccantem me quotidie, 1572). Contrairement à une esthétique prévalente chez les groupes vocaux britanniques, les sopranos de Stile antico (Helen Ashby, Kate Ashby et Rebecca Hickey) ne diminuent pas automatiquement l’intensité des notes aigues, mais s’y lancent plutôt avec assurance. Le groupe, dont les autres membres sont Emma Ashby, Cara Curran, Rosie Parker, Jonathan Hanley, Matthew Howard, Benedict Hymas, James Arthur, Nathan Harrison et Gareth Thomas, n’hésite pas non plus à appuyer et à s’épancher dans les dissonances (début très réussi du Christus factus est de Felice Anerio).
Les consonnes adoucies du Sicut cervus (1584) donné en ouverture de concert m’ont moins plu, mais il s’agissait d’une approche spécifique pour cette pièce qui n’a pas été reprise par la suite. Au contraire, une des grandes satisfactions du concert se trouvait justement dans la prononciation vigoureuse, même dans Nigra sum sed Formosa (1584) de Palestrina et Musica Dei donum de Roland de Lassus, aux phrases plus suspendues.
À travers ce répertoire du XVIe siècle, le groupe a ajouté une commande passée à la compositrice Cheryl Frances-Hoad (née en 1980), dont le résultat est la remarquable pièce A Gift of Heaven. La compositrice s’est tournée vers les écrits de Palestrina pour y puiser l’inspiration, qu’elle a trouvée dans la dédicace de la Missa Papae Marcelli rédigée à l’intention du roi Philippe II (dans une traduction en anglais). L’idée de mettre en musique une de ces dédicaces fleuries d’un compositeur souhaitant s’attirer les bonnes grâces d’un souverain est absolument délicieuse. Musicalement, la composition de Frances-Hoad réussit à être moderne tout en évoquant des éléments du répertoire entendu tout au long du concert. Cette inclusion a permis au public de découvrir la polyvalence du groupe au-delà du répertoire principalement sacré de la Renaissance.