
L’Orchestre Philharmonique et Chœur des Mélomanes (OPCM), sous la direction de son chef et co-fondateur Francis Choinière, présentait ce vendredi soir dans une Maison Symphonique presque complètement remplie le dernier concert de sa saison. Au programme, la création mondiale du Requiem de François Dompierre et le Requiem de Gabriel Fauré, une œuvre familière à l’ensemble (elle a déjà été jouée deux fois dans la jeune existence de l’orchestre). Ce concert sera repris au même endroit ce samedi puis au Palais Montcalm à Québec, chaque fois à guichets fermés!
François Dompierre n’a plus besoin de présentation et son allocution avant la création de son œuvre témoignait parfaitement des liens que sa prolifique carrière ont tissé avec le public. Débordant de chaleur et de franche camaraderie, le compositeur d’une soixantaine de trames sonores de films a fait rire la salle comme s’il était dans son salon. Visiblement heureux, serein même, il nous a partagé la genèse de cette création qui l’a mené dans des eaux qu’il n’a pas souvent fréquentées : la musique de concert pour chœur et orchestre.
Ses propos sur la pertinence ou non de composer aujourd’hui un requiem sur les textes de la liturgie catholique nous ont laissé confus. Si le sens sacré de sa démarche n’est pas le même que « les grands maîtres » parce que le rapport de l’humain à Dieu n’est pas le même à notre époque, pourquoi ne pas avoir choisi d’autres textes qui expriment les mêmes sentiments humains? Il n’aurait pas été le premier à le faire… C’est en voyant ces textes comme « une trame musicale cinématographique » qu’il se permettra finalement leur utilisation. Alors, s’agit-il d’une œuvre religieuse ou séculière? Difficile de savoir où se situe le compositeur.

En fait, ce que Dompierre nous annonce, c’est qu’il veut s’inscrire dans la lignée directe de Mozart, Verdi et Fauré à travers le prisme de sa grande expertise, c’est-à-dire celle de la musique à l’image. Car il n’y a aucun doute : le langage et les techniques musicales de Dompierre s’adaptent très bien à la structure du requiem classique et elles vont même jusqu’à lui donner un nouveau souffle.
Parmi ses plus grandes réussites, une écriture pour les voix, tant solistes que chorales, tout-à-fait exemplaire. Ses dons pour la mélodie ne le trahissent jamais et ils se déploient à travers des solistes de grand luxe (Myriam Leblanc, Andrew Haji, Geoffroy Salvas), toute et tous impeccables, et un chœur relativement bien équilibré (les basses n’ont pas la même présence que les autres registres). Pour ce dernier, il aurait été préférable de le disposer sur scène, comme dans le Requiem de Mozart présenté par l’OCM le mois dernier.

L’écriture demeure simple : il y a bien quelques jeux de réponses, des procédés d’imitation qui rappellent la strette ou encore des superpositions mélodiques qui vont jusqu’à quatre voix, mais il n’y a pas de véritable travail contrapuntique. En général, plus la texture chorale s’épaissit, plus l’harmonie stagne, ce qui est une contrainte considérable si l’on cherche à multiplier et à varier les niveaux de tension dans la musique tonale.
L’orchestration diffère un peu de celle du Fauré qui suivra : un orchestre à cordes auquel se joignent deux cors, une harpe, un piano et des percussions (timbale, marimba et bongos). L’écriture des cordes est riche et variée et son rôle d’accompagnement aux mélodies est sans faute. La harpe et le marimba, utilisées perspicacement avec beaucoup d’économie, ravissent et ajoutent une vraie dimension aux cordes.
Les choses se compliquent un peu avec les cors, immense partition rendue avec panache et bravoure par Laurence Latreille-Gagné (1er soliste) et Guillaume Roy. Dès l’Introït, l’idée de leur assigner un contre-chant s’impose, mais elle est si souvent reprise dans des contextes différents que l’on se prend à rêver à un basson ou un cor de basset, question de varier les timbres. Ailleurs, à l’évidence, Dompierre avait en tête soit des trompettes, soit des trombones, pour plusieurs traits qui ne convenaient que partiellement au caractère déployé (Recordare, Sanctus).
N’empêche, François Dompierre signe avec son Requiem une œuvre d’envergure et il convient de souligner sa réussite, notamment sur le plan de l’équilibre formel qui émane de l’ensemble. Francis Choinière a démontré un engagement total pour cette partition, une offrande où les sensations de déjà-vu (formules mélodiques, enchaînements harmoniques) se succèdent avec un naturel qui apprivoise l’écoute et qui nous permet de retrouver le compositeur qui nous a tous accompagnés à un moment ou à un autre de notre vie.
Requiem de Fauré
Malheureusement, peu de choses à dire sur le Requiem de Fauré. L’esprit de l’œuvre ne nous a jamais semblé pouvoir s’installer, probablement parce que tous les tempos étaient plutôt cavaliers et que le pédalier de l’orgue nous a rappelé le système des basses fréquences des cinémas IMAX. Malgré tout, le Pie Jesus de Myriam Leblanc était absolument sublime.
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