We have detected that you are using an adblocking plugin in your browser.

The revenue we earn by the advertisements is used to manage this website. Please whitelist our website in your adblocking plugin.

CRITIQUE | Bach dans une boîte bento : La Passion selon saint Jean à l'OSM

Par Béatrice Cadrin le 28 mars 2024

Masaaki Suzuki, spécialiste de la musique de Bach, dirigeait l'OSM et les solistes invités dans la Passion selon Saint-Jean (Photo : Marco Borggreve)
Masaaki Suzuki, spécialiste de la musique de Bach, dirigeait l’OSM et les solistes invités dans la Passion selon saint Jean (Photo : Marco Borggreve)

Hier soir avait lieu à la Maison symphonique la première de deux représentations de la Passion selon saint Jean par l’OSM sous la direction du réputé spécialiste Masaaki Suzuki. Sans prendre place parmi les versions de référence, la soirée a permis de découvrir une vision différente, avec de grands moments et des passages indifférents, de cette oeuvre de Bach.

Les boîtes bento sont les boîtes à lunch japonaises dans lesquelles sont servis des repas complets de façon à la fois esthétique et fonctionnelle, chaque élément proprement placé dans son compartiment alloué. Un monde de fantaisie peut se déployer à l’intérieur d’une boîte bento, mais cette fantaisie doit respecter le cadre imposé par les compartiments rigides.

Comme un repas soigneusement placé dans une boîte bento, l’interprétation de la musique de Bach proposée par Masaaki Suzuki s’insère dans des paramètres rigoureux : une fois un tempo établi, le chef japonais n’en déroge pas. Pas question de s’épancher sur un enchaînement harmonique particulier, sur une dissonance évocatrice ou sur un saut d’intervalle éloquent. Ce qui n’est pas pour dire que le chef n’ait pas conscience de ces occurrences : considéré comme un grand spécialiste de Bach depuis la fondation du Bach Collegium Japan en 1990, il connaît cette musique comme le fond de sa poche.

Dans sa version, c’est à l’auditeur avide de ces subtilités que revient la responsabilité de les chercher avec l’oreille, plutôt que ce soit le chef qui attire l’attention du public sur un aspect en particulier. Ça aiguise les sens!

Reste que contrainte par les tempos stricts de Suzuki, la magie n’opérait pas toujours : dans les passages plus exigeants, les voix du chœur ou les lignes instrumentales n’avaient pas le temps de fusionner ensemble, occupées qu’elles étaient à creuser leur propre sillon dans le roulement accéléré imposé par le chef.

Mauro Peter à la rescousse

Chez tous les intervenants, la deuxième partie a révélé une plus grande aise, musicalement et dramatiquement.

Il faut dire que le début avait été marqué d’imprévu : le ténor qui devait chanter l’Évangéliste, Werner Güra, était indisposé par un rhume. Coup de chance, un remplacement se trouvait à portée de main puisque Mauro Peter, engagé pour les trois airs de ténor, connaissait bien la partie pour l’avoir chantée pas plus tard que la semaine dernière à Amsterdam. Après des premières interventions manquant un peu d’aise, Peter a livré une narration dramatique prenante en tant qu’Évangéliste et une interprétation fluide et souple des airs de ténor.

Son évolution semble avoir eu des répercussions sur son vis-à-vis, Bernhard Hansky dans le rôle de Jésus. Hansky a aussi eu un début légèrement timide et tranquillement gagné en présence, pour malgré tout plafonner avant d’atteindre le degré d’autorité souhaitable pour camper un Jésus au caractère divin convaincant.

Parlant de caractère divin, paradoxalement, le contre-ténor Reginald Mobley pêche par l’excès inverse : il possède un timbre remarquable, cristallin, pur comme une eau de glacier – mais désincarné au point de créer un détachement, une distance par rapport à l’expérience humaine. Ne serait-ce de cette distance, son Es ist vollbracht avec le jeu sensible de Mélisande Corriveau à la viole de gambe était très beau. Au tout dernier « es ist vollbracht », sa voix s’est enrouée de façon pratiquement imperceptible, ce qui a ajouté de l’émotion et de la finalité au moment.

Le timbre de la soprano Sherezade Panthaki s’apparente à celui de Mobley pour l’aspect cristallin, mais avec plus de prudence et de statisme côté interprétation.

Non crédité dans le programme, le Montréalais Geoffroy Salvas a livré un Pilate convaincant et bien timbré, en faisant un interlocuteur à la hauteur pour ses échanges avec Jésus et l’Évangéliste.

Le chœur réduit a brillé particulièrement dans les chorals, riches en variété de phrasés, de nuances et de couleurs. L’air de Jésus Mein teurer Heiland, superposé au choral Jesu, der du warest tot chanté en retenue par un chœur resté assis, a formé un grand moment de la deuxième partie.

Les grands chœurs contrapuntiques étaient aussi réussis, défendus également dans toutes les voix. Dans les interventions ponctuelles, les entrées plus faibles peuvent être mises sur le compte d’une préparation tardive de la part du chef (« Wohin, wohin » dans Eilt, eilt, ihr angefochtnen Seelen).

Dans les mouvements avec chœur, où elle était employée au complet, la section des graves de l’orchestre était souvent trop lourde, avec ses deux basses, trois violoncelles, deux claviers (clavecin et orgue), basson et contrebasson. Dans les mouvements à l’instrumentation plus légère cependant, le continuo s’est bien acquitté de sa tâche, au sein du cadre serré établi par le chef.

La Passion selon saint Jean est reprise ce soir à 19 h 30 à la Maison symphonique.

Inscrivez-vous à notre infolettre! La musique classique et l’opéra en 5 minutes, chaque jour ICI 

 

 

Béatrice Cadrin
Partager cet article
lv_montreal_banner_high_590x300
comments powered by Disqus

LES NOUVELLES DU JOUR DANS VOS COURRIELS

company logo

Part of

Conditions d'utilisation & Politique de vie privée
© 2024 | Executive Producer Moses Znaimer