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CRITIQUE | Le cas Mäkelä, ou Du danger de consacrer nos héros trop tôt

Par Béatrice Cadrin le 21 mars 2024

Klaus Mäkelä et l'Orchestre de Paris à la Maison symphonique le 19 mars 2024. (Photo : Mathias Benguigui)
Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris à la Maison symphonique le 19 mars 2024. (Photo : Mathias Benguigui)

Le concert tant attendu de l’Orchestre de Paris et de son chef attitré Klaus Mäkelä a eu lieu mardi soir dernier à la Maison symphonique. Avant Montréal, l’ensemble s’était arrêté à Ann Arbor, New York et Boston. Partout sauf à New York, il a joué son programme de Debussy, Stravinsky et Rachmaninov avec le soliste Yunchan Lim. Le concert au Carnegie Hall de New York, capté pour la chaîne spécialisée medici.tv, laissait tomber Debussy et Rachmaninov en faveur d’un programme 100 % Stravinsky, soit l’Oiseau de feu maintenu du premier programme, auquel venait se greffer le Sacre du printemps.

 

Le soliste acclamé Yunchan Lim au piano, accompagné par l'Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä. (Photo : Mathias Benguigui)
Le soliste acclamé Yunchan Lim au piano, accompagné par l’Orchestre de Paris sous la direction de Klaus Mäkelä. (Photo : Mathias Benguigui)

Le soliste

Une grande partie de l’assistance s’était déplacée pour entendre Yunchan Lim, le plus jeune lauréat du concours international Van Cliburn. Le pianiste d’origine coréenne a pu mettre son impressionnante virtuosité en valeur dans le Concerto pour piano no 2 de Rachmaninov. Son timbre épuré et concentré se jumelait bien au timbre de l’Orchestre de Paris, lui aussi plus incisif qu’expansif – un mariage de sonorité portant un peu à regretter qu’ils n’aient pas interpréter le Concerto pour piano no 2 de Prokofiev, annoncé à l’origine. Lim privilégie une articulation détaillée, ne laissant la pédale rien embrouiller, et une structure ferme. Malgré qu’il aurait pu laisser respirer certaines phrases, cela a pour avantage qu’il ne perd jamais de vue les grandes lignes. Les mêmes qualités et inconvénients ont transparu dans l’Étude op. 10 no 3 de Chopin jouée en rappel, les couleurs tendres et touchantes qu’il élicitait voulant vivre légèrement au-delà du temps qu’il leur accordait.

L’orchestre et le chef

Klaus Mäkelä laisse beaucoup de liberté aux instrumentistes qu’il dirige, ce qui contribue à le faire aimer de ceux-ci. C’est une approche consciente, qui lui a été impartie par son professeur Jorma Panula, le grand maître de la direction d’orchestre en Finlande et à travers le monde. L’ancien disciple l’applique à l’extrême, abandonnant souvent complètement les gestes de direction. Avec les remarquables musicien.ne.s de l’Orchestre de Paris, cela donne d’excellents résultats dans les solos : celui de la première flûte dans le Prélude à l’après-midi d’un faune, limpide et langoureux, mais également ceux, tout aussi sublimes, du premier hautbois, du premier cor et du premier basson dans les autres oeuvres.

 

Klaus Mäkelä dans un moment d'intériorité avec l'Orchestre de Paris. (Photo : Mathias Benguigui)
Klaus Mäkelä dans un moment d’intériorité avec l’Orchestre de Paris. (Photo : Mathias Benguigui)

Et quand surviennent des ponctuations rythmiques, Mäkelä prend l’orchestre en main, soulevant le bras avec énergie et le rabattant avec assurance pour faire émerger des accords incisifs, colorés de juste ce qu’il faut de timbre cuivré de la part des trombones. Le son de l’orchestre s’en trouve soudainement plus compact, plus percutant. Les crescendos sont également parfaitement dosés, comme si Mäkelä tournait progressivement un bouton de volume contrôlant tout l’orchestre.

Les passages problématiques surviennent entre ces deux extrêmes. Makelä dit lui-même en entrevue qu’évidemment, pour pouvoir laisser autant de liberté, il faut aussi savoir intervenir au bon moment – mais à entendre de nombreuses entrées de groupe peu soignées chez les bois et des passages au flou rythmique inattendu, il semble que ses critères pour déterminer ces bons moments ne soient pas les mêmes que les miens. Même en admettant que ces faiblesses aient été causées par la fatigue de fin de tournée, le chef devrait y réagir et intervenir immédiatement pour offrir aux instrumentistes le guide dont ils ont besoin pour donner le meilleur d’eux-mêmes à ce moment précis.

Bref, je dois avouer que je suis sortie plus perplexe qu’enthousiaste du concert. Peut-être qu’écouter le documentaire Klaus Mäkelä : Vers la flamme, réalisé par Bruno Monsaingeon, n’était pas la bonne façon de m’y préparer. L’affirmation du réalisateur comme quoi il considère Klaus Mäkelä « tout simplement comme le plus grand chef d’orchestre du XXIe siècle » ne peut être que de l’hyperbole (mis à part le concept absurde de pouvoir déterminer LE meilleur chef, il reste quand même plus que les trois-quarts du XXIe siècle devant nous) – mais je ne peux nier qu’elle a contribué à hausser mes attentes. Après tout, le jeune Finlandais a été nommé à la tête de l’Orchestre philharmonique d’Oslo à 22 ans, a pris la direction de celui de Paris à 25 ans, et n’aura que 31 ans quand il deviendra le directeur musical de l’Orchestre du Concertgebouw en 2027 (il est pour l’instant « partenaire officiel » de l’orchestre). Comment ne pas s’attendre à de grandes choses?

Ces attentes ont-elles été satisfaites? Pas tout à fait.

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Béatrice Cadrin
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