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COMPTE-RENDU | The Exterminating Angel à l’Opéra de Paris : récit d’une soprano époustouflée

Par Ludwig Van le 6 mars 2024

La mise en scène déjantée de Calisto Bieito pour The Exterminating Angel de Thomas Adès à l'Opéra de Paris. (Photo : Agathe Poupeney)
La mise en scène déjantée de Calisto Bieito pour The Exterminating Angel de Thomas Adès à l’Opéra de Paris. (Photo : Agathe Poupeney)

The Exterminating Angel, de Thomas Adès… Une œuvre magistrale qui m’a laissée complètement pantoise.

par Catherine St-Arnaud, collaboratrice invitée

Cet article n’est ni un compte rendu ni une critique (je ne prétends pas avoir l’érudition que cela exige!). Non, je voudrais plutôt que ceci soit un plaidoyer pour les opéras qui nous bouleversent, pour l’art en ébullition, pour des productions lyriques – qu’elles soient contemporaines ou traditionnelles – qui nous ébahissent.

Par où commencer?

Imaginez le plateau : nous voyons la salle à manger du couple Nobile, qui a invité plusieurs membres de la haute société pour une réception après une représentation de l’opéra Lucia di Lammermoor. Les femmes sont vêtues de couleurs vives, qui contrastent avec le blanc immaculé du décor. Les sourires des personnages sont exagérés. Tout le monde est faux, léché, insupportable.

Le livret – inspiré du film surréaliste de Luis Buñuel (1968) – consiste en une critique acide de la bourgeoisie. On a l’impression d’atterrir au cœur d’un jeu de Clue déjanté d’où, en raison d’une force obscure, les convives ne pourront ressortir qu’après plusieurs jours (et dans quel état!). L’ajout des ondes Martenot dans l’orchestre ajoute une touche « Hitchcock » au tout.

Impossible de tout raconter. La mise en scène de Calixto Bieito est dense : il y a toujours plusieurs actions simultanément sur le plateau. Ce formidable huis clos dégénère chaque minute en un magistral chaos au cœur duquel l’hommerie prend une place prépondérante. On assiste, par exemple, à de nombreux ébats sexuels, on aperçoit une femme essayant de se pendre avec sa robe, Frédéric Antoun marchant sur ses mains, un contre-ténor qui fait dans sa culotte, une colorature armée de fourchettes, les bras en croix, debout sur la table, portée comme un corbillard par ses collègues en une marche solennelle, des protagonistes à bout qui creusent le sol à la recherche d’eau (ils réussissent : un conduit d’eau jaillit du centre de la scène) et plusieurs personnages qui meurent devant nos yeux (dont celui interprété par Philippe Sly)… C’est la maison des fous dans Astérix version bourgeoise! À la fin, tout est détruit, le plancher est déconstruit par endroits, les invités, en sous-vêtements, ont touché le fond du baril.

C’est à Thomas Adès qu’est confiée la direction musicale. Après tout, qui de mieux que le compositeur lui-même pour diriger ce mastodonte à l’impressionnante orchestration?

Que dire de la musique? Elle est extraordinaire! Une partition qui n’a pas dû être facile à mémoriser pour les chanteurs! Lorsque j’entends ce genre d’œuvre, j’ai souvent le réflexe de me demander « Mais pourquoooooiiiiiiiiiii? » (avec une expression faciale rappelant vaguement Le Cri de Munch). Ce n’est évidemment pas le cas de tout le répertoire contemporain, bien loin de là (rassurez-vous, chers amis compositeurs : je vous adore!). Cependant, le niveau de difficulté de certaines partitions n’apporte parfois rien de concret à l’action. Ici, c’est tout à fait le contraire : Thomas Adès offre une merveilleuse leçon de composition.

Les lignes vocales reflètent exactement l’état psychologique des personnages. Il y a beaucoup de « décousu », des intervalles pas possibles, certes. Cela fonctionne très bien dans ce contexte de folie. D’ailleurs, le personnage de la chanteuse d’opéra (Leticia) chante presque strictement des contre-notes (jusqu’à des sol dièse / la) et c’est fabuleux! Mais il y a aussi des envolées vocales d’une grande beauté qui viennent contraster avec la cacophonie ambiante et créer des moments magiques. J’ai particulièrement été touchée par le duo d’amour de Beatriz et d’Eduardo qui chantent « Fold your body into mine ».

J’ai vu autour de moi un public captivé, des gens assis au bout de leurs sièges comme s’ils assistaient à un match de football : ils ont ri et ont réagi, un exploit à l’opéra!

L’Opéra de Paris présente une œuvre fantastique interprétée par une excellente distribution (solistes, choristes, orchestre) dans une mise en scène et une scénographie éclatées. C’est plus qu’un opéra, c’est une expérience! Voilà ce qui peut arriver quand l’art lyrique se permet d’être aussi palpitant. Et ça fait un bien fou!

La représentation de The Exterminating Angel du samedi 9 mars est transmise en direct à 14 h heure de Paris – 8 h heure de Montréal sur la plateforme Paris Opera Play.

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