S’il y a un compositeur occupé au Québec par les temps qui courent, c’est bien Simon Bertrand. Cette semaine, l’Orchestre Métropolitain présente la création de son Concerto pour thérémine, projet ambitieux qui s’inscrit à un carnet de commandes bien rempli.
Intitulée Cinq moments dans la vie trépidante de Léon Thérémine, l’œuvre retrace la vie de celui qui a inventé cet instrument à la fois insolite et fascinant en 1920, Lev Sergueïevitch Termen, mieux connu sous le nom de Léon Thérémine. L’œuvre porte bien son titre puisqu’en plus d’avoir inventé le premier instrument électronique, le compositeur, avant tout ingénieur, a eu une vie remplie de péripéties dignes d’un film d’espionnage.
« Je voulais souligner le centenaire de l’invention du thérémine en 2020, mais la pandémie est venue mettre certains projets sur la glace », dit Simon Bertrand.
« Le concerto est un récit biographique musical qui raconte des moments importants dans la vie de Thérémine. Cette vie a été assez exceptionnelle. L’invention du Thérémine est arrivée par accident. Il faisait des recherches sur les ondes électromagnétiques et a réalisé qu’en bougeant la main, il pouvait produire des notes de musique. Par la suite, il est allé aux États-Unis pour essayer de faire connaître l’instrument, avec Clara Rockmore (née Rosenberg), une violoniste qui est devenue la première joueuse de thérémine. »
Thérémine tombe amoureux de Clara, qui refuse de l’épouser. Il se marie alors avec une danseuse de ballet afro-américaine, Lavinia Williams.
En 1938, Thérémine disparaît mystérieusement.
« Plusieurs histoires circulent. Selon une version, des agents du KGB l’auraient capturé et ramené de force en URSS pour l’envoyer au goulag, mais d’autres versions disent qu’il est retourné au pays de son propre gré. La version la plus crédible est celle de l’enlèvement. Le régime soviétique s’est ensuite servi de lui pour inventer des outils d’espionnage pour les services secrets. Il a inventé le premier micro sans fil de l’histoire, un outil d’espionnage surnommé « The Thing », qui a été caché pendant vingt ans dans un tableau offert par l’URSS à l’Ambassade américaine en URSS. »
Les cinq mouvements suivent dont ces épisodes: 1-La naissance d’un instrument; 2-Le voyage en Amérique; 3-Romance (en mémoire de Lise Beauchamp); 4-Le goulag, la fausse mort et « The Thing« ; 5-Autoportrait sur un banc public (une vie bien remplie).
Ce concerto n’est pas la première pièce pour thérémine de Simon Bertrand. Auparavant, il a composé The Invisible Singer, pour quatuor à cordes et thérémine, créée et jouée régulièrement un peu partout dans le monde par Thorwald Jorgensen, théréministe et soliste invité de l’OM, cette semaine.
« Le thérémine n’est pas un instrument virtuose comme le violon, mais ce qui m’intéressait beaucoup, et ce que je voulais mettre en valeur, c’est que le thérémine peut à la fois imiter la voix humaine, ou les instruments à corde. Quand on écoute Thorwald Jorgensen, il y a des moments où ça sonne comme du violon, ou comme une voix. Ce sont les qualités sonores, ce côté très chantant du thérémine que j’ai voulu exploiter, et non le côté virtuose que l’on a habituellement dans un concerto, alors que l’artiste fait une tonne de notes pour démontrer ses prouesses techniques. Mais le thérémine est un instrument extrêmement difficile, car il n’y a aucun repère visuel. La main est dans le vide. On n’a que son oreille et sa main. »
Une grosse année pour le compositeur
Au début de la pandémie, Simon Bertrand s’inquiétait des répercussions possibles que cette épreuve pour le monde culturel sur les commandes potentielles aux compositeurs. Les orchestres hésiteraient-ils à programme de la musique contemporaine? Apparemment, pour Simon Bertrand, les choses ont bien tourné, c’est le moins qu’on puisse dire.
« Il s’avère que la saison 2022-2023 est devenue la plus chargée de ma vie, avec, notamment, des commandes ou des pièces jouées à l’OM, au NEM, à l’OSM, à l’OSQ, à l’OSL et à la SMCQ, en plus d’une commande de musique de film importante. Même si, dans cette liste, il y a des pièces des saisons antérieures qui avaient été reportées à cause de la COVID-19, je pense que la soif de créer de la nouvelle musique est encore présente. Il y a encore un intérêt de la part des orchestres, des interprètes et des festivals. »
En janvier 2022, la SMCQ présentait d’ailleurs un survol de ses œuvres, avec le concert Carnets de voyages, qui donnait un aperçu de son catalogue qui compte maintenant près de 80 œuvres.
Parmi les projets récents, il signe aussi la musique du film Balestra, de la réalisatrice Nicole Dorsay, une production de la société Item 7. Les Violons du Roy et plusieurs solistes d’ici ont enregistré cette musique pour le long-métrage, qui inclut également du thérémine.
« C’est un thriller psychologique qui fait un peu penser à Black Swan, une personne qui veut performer au maximum, au point d’en perdre la raison. C’est l’histoire d’une escrimeuse qui trafique son cerveau avec un appareil qui continue à fonctionner dans son sommeil. La date de sortie n’est pas encore déterminée. »
Pour 2023, de nombreux projets de musique de chambre sont sur la table. Dans les prochains mois, le Festival Montréal Nouvelle Musique (MNM) de la SCMQ présentera également, le 1er mars, une pièce de Simon Bertrand: Reibo – in memoriam José Evangelista, un pièce pour alto et bols chantants tibétains, dédiée au regretté compositeur, décédé il y a quelques semaines, et qui fut son mentor et professeur.
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Concert Révolution électrique, Orchestre Métropolitain, soliste Thorwald Jorgensen, direction Daniela Candillari.
PROGRAMME
Le Vaisseau fantôme, ouverture, Richard Wagner
Cinq moments dans la vie trépidante de Léon Thérémine, Concerto pour thérémine, Simon Bertrand
Symphonie no 7 en ré mineur, Antonín Dvořák
Le 9 février, Église St-Joachim DÉTAILS ET BILLETS
Le 10 février, Maison symphonique DÉTAILS ET BILLETS
Le 11 février, Théâtre Mirella de Saint-Léonard. DÉTAILS ET BILLETS