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DOSSIER | L'étonnante renaissance d'un violon endormi pendant un siècle

Par Caroline Rodgers le 26 août 2022

Elsie Reford (Photo: collection Notman du Musée McCord), Oliver Pérot, luthier (Photo: Charlotte Garneau), Mathieu David Gagnon/Flore Laurentienne (Photo: ME Mongrain)
Elsie Reford (Photo: collection Notman du Musée McCord), Oliver Pérot, luthier (Photo: Charlotte Garneau), Mathieu David Gagnon/Flore Laurentienne (Photo: ME Mongrain)

Après avoir passé cent ans à dormir dans son étui, le violon d’Elsie Reford, fondatrice des Jardins de Métis, renaît. Restauré par les bons soins du luthier montréalais Olivier Pérot, il sera joué pour la première fois en concert le 28 août par la violoniste Élise Lavoie et permettra la création d’une pièce du compositeur québécois Mathieu David Gagnon. 

Dans le cadre du 150 anniversaire de naissance d’Elsie Reford, les Jardins de Métis ont organisé une multitude d’activités incluant une série de concerts dont celui de dimanche, qui sera capté partiellement par Radio-Canada.

Qui était Elsie Reford?

Née en 1872 à Perth, en Ontario, au sein d’une riche famille d’industriels, Elsie Reford (née Meighen), a grandi et vécu à Montréal. Son père, Robert Meighen, devient président de la Lake of the Woods Milling Company, qui produit, entre autres, la célèbre farine Five Roses. Durant sa jeunesse, Elsie apprend le français, l’allemand, le piano et le violon, avant d’épouser Robert Wilson Reford, lui-même héritier d’une grande entreprise maritime.

Elsie Reford maîtrise le piano et le violon, qu’elle étudie avec Paul Letondal, également professeur du compositeur Calixa Lavallée. À 14 ans, elle participe à un concours de diplômes de l’Académie de musique du Québec. Bien qu’elle ne se destine pas à une carrière musicale, elle donne plusieurs concerts.

Au cours de sa vie, Elsie s’intéresse aussi à la politique et aux bonnes œuvres, elle devient philanthrope et passe ses étés à la Villa Estevan, à Métis, sur le domaine légué par son oncle, Lord Mount Stephen. Elle s’adonne avec plaisir à la pêche au saumon.

« Avec ses frères et sœurs aussi musiciens, elle souhaitait faire construire une salle de concert à Montréal, mais le projet a été abandonné en raison de la guerre », raconte Alexander Reford, arrière-petit-fils d’Elsie Reford et directeur des Jardins de Métis.

M. Reford fait également partie d’un collectif d’auteurs d’un livre qui paraîtra cet automne, Elsie Reford, 150 objets de passion, en collaboration avec les éditions Umanium.

« Je l’ai connue à l’âge de cinq ans, quand nous sommes allés la visiter, en 1967. C’était une femme très importante dans la famille, un personnage, une femme qui prend des décisions et qui a de la prestance », dit-il.

Passé cinquante ans, Elsie troque sa passion de la pêche au saumon pour le jardinage. C’est ainsi qu’elle entreprendra l’aménagement de ce qui deviendra plus tard Reford Garden, ou les Jardins de Métis, au prix de grands efforts et de défis considérables. 

Le violon d’Elsie est toujours resté dans la famille, mais selon Alexander Reford, il n’a pas été joué depuis la Première Guerre mondiale. Il a donc nécessité une restauration complète.

EN SAVOIR PLUS SUR ELSIE ET SON VIOLON

BIOGRAPHIE D’ELSIE REFORD SUR L’ENCYCLOPÉDIE CANADIENNE

 

Olivier Pérot, luthier et fondateur de La Maison du violon, a restauré le violon d'Elsie Reford, inutilisé depuis un siècle. (Photo: Charlotte Garneau)
Olivier Pérot, luthier et fondateur de La Maison du violon, a restauré le violon d’Elsie Reford, inutilisé depuis un siècle. (Photo: Charlotte Garneau)

La restauration du violon d’Elsie

Le violon d’Elsie Reford provient de l’atelier Klotz, en Haute-Bavière, et aurait été fabriqué autour de la fin des années 1600. L’archet, pour sa part, est le travail du maître archetier français réputé J.A. Vigneron, et date de 1885. Pour confirmer sa provenance, on a fait appel à l’expertise de l’historien en archets parisien Jean-François Raffin.

Olivier Pérot, luthier et fondateur de La Maison du violon, à Montréal, s’est chargé de la grande restauration de l’instrument.

« Depuis qu’il a été fabriqué par Matthias Klotz, le violon d’Elsie a subi les affres du temps, dit Olivier Pérot. Tous les événements qui lui sont arrivés ont pu faire en sorte qu’il se soit dégradé, qu’il se soit usé. Après qu’Elsie ait décidé de moins en jouer, elle l’a fait réparer, mais par quelqu’un qui n’avait pas nécessairement une formation telle que nous avons aujourd’hui, et qui a posé des gestes qui ont eu des conséquences physiques et sonores sur l’instrument. Le fait qu’il n’ait pas été joué pendant une centaine d’années lui a fait perdre de la souplesse et des qualités harmoniques. En ce moment, le travail d’Élise Lavoie est de le jouer le plus possible pour faire en sorte qu’il reprenne ses vibrations, que la table et le fond vibrent bien, que les masses sonores se placent et que l’on puisse avoir le plus d’harmoniques possibles, afin d’obtenir un son plus complexe et le plus riche. En cent ans, l’instrument peut d’une certaine façon, s’éteindre. »

 

Olivier Pérot a passé trois semaines sur l’instrument. Il a dû l’ouvrir pour procéder à des restaurations majeures. Parmi les opérations effectuées, mentionnons le collage de fracture de table et la pose d’un nouveau manche.

EN SAVOIR PLUS SUR LA RESTAURATION

Pour le luthier, cette restauration s’est avérée très touchante, car grâce aux informations disponibles et aux photos d’époque, il a pu reconstituer une partie de l’histoire de l’instrument. Pour un luthier, il est rarissime d’avoir accès à autant d’informations.

« Nous avons pu déterminer que quand Elsie Reford a acheté l’instrument, il était en bon état et n’avait pas de fractures visibles, dit-il. Il a pu se détériorer par la suite de mauvaises manipulations d’une autre personne. Il a aussi perdu une partie de son vernis original qui a été remplacé par un autre vernis. Avec toutes ces photos, on peut comprendre ce qui s’est passé. De plus, en ouvrant l’instrument, on pouvait voir qu’il y avait trois taquets, qui sont en quelque sorte des points de suture, des petites pièces de bois posées pour recoller des fractures. »

Pour Olivier Pérot, il s’agissait donc d’une restauration pas comme les autres, mais ce sera aussi le cas pour le public qui entendra l’instrument, selon lui.

« Ce qui est fondamental quand on restaure un instrument qui n’a pas été joué depuis un siècle, c’est que le public qui aura le bonheur d’écouter ce violon sera en mesure de l’entendre tel qu’Elsie le jouait il y a cent ans. C’est un des rares instruments qui permet de reproduire la sonorité d’une autre époque, d’avoir cette émotion, de se dire qu’on entend un instrument comme il était joué par une personne d’un autre temps. C’est fabuleux, quand même! »

 

Mathieu David Gagnon, compositeur et créateur du projet Flore Laurentienne (Photo: ME Mongrain)
Mathieu David Gagnon, compositeur et créateur du projet Flore Laurentienne (Photo: ME Mongrain)

Elsie, la création d’une œuvre hommage

Mathieu David Gagnon, est l’artiste derrière le magnifique projet instrumental Flore Laurentienne, qui donnait justement un concert au Théâtre de Verdure, le 20 août dernier, attirant près de 2000 personnes venues entendre sa musique envoûtante. C’est à lui que l’on a confié la commande d’une œuvre en hommage à Elsie Reford pour le concert.

« C’est une pièce pour quintette à cordes avec une partie de violon solo, dit-il. Ma commande était de mettre en valeur le violon d’Elsie, alors j’ai écrit un dialogue équilibré entre le violon et les autres instruments. Elle est en deux parties. La première s’appelle Elsie, et la deuxième est intitulée Fleur. La pièce dure sept minutes et il n’y a aucun traitement électronique. Je garde mes expérimentations pour Flore Laurentienne. »

Originaire de la Gaspésie, Mathieu David Gagnon a étudié l’écriture musicale à l’Université de Montréal, puis en Europe, au Conservatoire de Bordeaux, où il a obtenu ses prix d’harmonie, de fugue et de contrepoint.

« Ma particularité, c’est que je ne me suis jamais senti très attiré par la musique plus contemporaine, bien que je l’aie beaucoup étudiée, dit-il. Je n’ai jamais senti que c’était ma voie et j’ai préféré aller faire des études en écriture pour apprendre l’harmonie. Je ne peux pas me passer de l’harmonie. J’ai un très grand intérêt pour l’orchestration et quand j’enregistre des albums, même si ce n’est pas avec des instruments classiques, j’applique souvent des techniques d’orchestration classiques. »

Lui-même a étudié la guitare classique et le piano. Dans une pièce comme Fleuve no 1, extraite de son premier album, on entend de vrais instruments à cordes dont les sons sont traités par une machine créant des échos (delay).

 

 

« C’est une pièce assez représentative de mon esthétique musicale, dit le compositeur. C’est un bon point de départ pour comprendre ce que je fais. Elle incorpore des notions classiques avec un orchestre à cordes, tout en amenant des éléments de la musique moderne ou du rock progressif avec le traitement qui est fait de cet orchestre à cordes. J’ai enregistré les instruments et j’ai fait jouer les sons et mixé les deux pistes. Quand on joue en concert, ce traitement est fait en temps réel. Au Théâtre de Verdure, j’ai joué avec un quatuor à cordes et deux multi-instrumentistes. »

Ce premier album, tout simplement intitulé Volume 1, qui compte huit pièces, a récolté sept nominations et deux Félix à l’ADISQ en 2020. Son second album, Volume 2, sortira le 21 octobre prochain sous l’étiquette américaine RVNG Intl. ainsi que sous la bannière montréalaise Costume Records.

Et pourquoi appeler son projet Flore Laurentienne?

« Le livre Flore Laurentienne du frère Marie Victorin fait référence à toute la flore présente dans la vallée du Saint-Laurent avant la présence de l’Homme. J’ai appelé mon projet ainsi pour laisser toute la place à la musique, pour détourner l’attention du compositeur derrière la musique. Flore Laurentienne évoque également la diversité de la nature québécoise, au cœur de l’inspiration du projet. »

Concert aux Jardins de Métis, le 28 août, 13h30. DÉTAILS ET BILLETS

Musiciens: Élise Lavoie (violon d’Elsie Reford), Hugues Bouchard Laforte (violon), Art Brunelle (violon)
Steve St-Pierre (alto), James Darling (violoncelle), Annie Vanasse (contrebasse).

Programme

Paladio, Jenkins

Danses Roumaines, Bartok

Cinéma Paradiso

Schindler List

Quatre saisons – Été, Vivaldi

Suite St-Paul, Holst

Elsie, Mathieu David Gagnon

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