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ENTRETIEN | Pierre-Laurent Aimard, Messiaen et l'amour des oiseaux

Par Caroline Rodgers le 21 juillet 2022

Pierre-Laurent Aimard, pianiste. (Photo: Julie Wesely)
Pierre-Laurent Aimard, pianiste. (Photo: Julie Wesely)

Une aventure musicale inusitée et fascinante prendra place au Festival international de Lanaudière ce week-end : Pierre-Laurent Aimard interprète l’intégrale du Catalogue d’oiseaux d’Olivier Messiaen en quatre récitals.

Contacté par téléphone à Berlin, le pianiste nous parle de ce projet et de sa relation avec le grand compositeur français.

La dernière fois que Pierre-Laurent Aimard est venu au Québec, il a joué le Concerto no 1 de Bartok avec l’OSM à la Maison symphonique, une prestation saisissante. 

LVM: « Vous avez étudié avec Yvonne Loriod, qui fut l’épouse de Messiaen et à qui il a justement dédié ce Catalogue d’oiseaux. Ce sont déjà de bonnes raisons d’interpréter ce cycle, que vous avez d’ailleurs enregistré, mais vous avez sûrement d’autres raisons. 

Pierre-Laurent Aimard: « Je crois que c’est un cycle capital dans l’histoire du piano et dans l’histoire de la musique en général, pour plusieurs raisons. Or, il est peu présent sur les scènes, surtout en tant qu’ensemble. Il n’est presque jamais donné dans son entièreté, et je trouve important de le donner. D’abord, c’est un monument du piano. Il y a là une écriture pour l’instrument qui a une virtuosité et une coloration qui sont complètement spécifiques et originales, et qui ont un grand pouvoir d’évocation pour l’auditeur.

Ensuite, c’est une œuvre ancrée dans les années 50, qui sont des années d’avant-garde, et c’est une œuvre dans une langage et une esthétique très personnelles mais qui sont éminemment d’avant-garde, parce que la langue est complètement nouvelle, la source est complètement nouvelle. On n’a jamais écrit une musique intégralement inspirée ou basée sur des musiques de la nature, avec des chants constants qui ne sont pas des chants, et avec des formes qui viennent aussi de la nature et non pas de la culture humaine. On a donc une sorte d’audace de création, des recherches sur le timbre, sur le temps, sur l’acoustique avec des situations sonores, ainsi qu’une intégration du silence comme composante musicale. Cela en fait une œuvre très novatrice.

C’est également une œuvre très prophétique puisque c’est un hymne à la nature. En faisant un catalogue des chants d’oiseaux il y a un désir méthodologique, presque scientifique, de faire entendre un ensemble de représentants de la nature. Or, on sait ce qui est advenu à la nature depuis, et notamment aux oiseaux. Les ornithologues nous disent que l’on ne peut plus, aujourd’hui, entendre un tiers des oiseaux qui chantent dans ces catalogues. C’est une œuvre, qui, comme témoignage et comme annonce, prend aujourd’hui un sens important. Je remarque que le public, de nos jours, est touché plus profondément par l’œuvre qu’il ne l’était il y a quelques décennies. »

LVM: chaque oiseau représente aussi une province française? 

Pierre-Laurent Aimard: « En effet, il y a une volonté de réunir, dans un paysage, un certain nombre d’oiseaux participants, de façon à caractériser les pièces qui, même si elles sont basées sur le même principe, sont d’une extraordinaire variété. »

LVM: selon le programme du festival, il semble que vous avez modifié l’ordre des pièces?

Pierre-Laurent Aimard: « Oui et non. Oui, si vous parlez de l’ordre de publication, mais l’ordre de publication n’est pas nécessairement l’ordre d’exécution car ce ne sont pas des oeuvres qui ont été pensées pour le rituel traditionnel du concert post-romantique. Leur forme, leur dramaturgie ne correspond pas à ce cadre, et l’ensemble de ces pièces, qui constitue un corpus de deux heures et demie, n’est pas du tout destiné aux proportions du concert traditionnel. C’est pour cela que je propose un événement particulier qui est éclaté dans le temps, et nous fait voyager dans le temps, dans la journée, comme les pièces nous invitent à le faire. C’est pour trouver une forme pour cet ensemble pièces – qui n’est pas vraiment un cycle, du reste – correspondant mieux à son esprit et faire sentir ce voyage dans le temps qu’est ce catalogue, soit une espèce de mise en ordre d’écoute de la nature par l’humain. »

LVM: vous avez bien connu et côtoyé Messiaen. Pouvez-vous nous en parler? Qu’est-ce qui vous a le plus marqué chez lui? 

Pierre-Laurent Aimard: « Je l’ai connu depuis l’âge de 12 ans, donc depuis 1969, alors c’est un long parcours. Ce qui m’a toujours frappé, chez lui, c’est sa paix intérieure. C’était un être très paisible. Et sa capacité d’écoute. Des phénomènes acoustiques, bien sûr, mais aussi des humains, et c’est ce qui en a fait un très grand professeur. C’est quelqu’un qui avait une capacité d’observation, par l’ouïe, très frappante. Il était très à l’écoute des gens. »

LVM: êtes-vous, vous-même, un amoureux de la nature, des animaux, de la forêt? 

Pierre-Laurent Aimard: « Comme tout être humain, oui, je suis relié à la nature. À l’origine, mes premières promenades d’observation dans la nature et particulièrement d’observation ornithologiques, je les dois à Messiaen, car pour essayer de comprendre ces catalogues d’oiseaux et bien les jouer, j’ai essayé de faire ce qu’il a fait tant de fois. Et ce que j’ai observé, c’est que la nature nous dicte un autre temps, un autre temps de l’écoute. Un temps basé sur la patience. On doit parfois attendre un chant d’oiseau très longtemps. Et aussi, un temps basé sur l’inattendu, car on ne sait jamais qui va chanter, quand, et de quelle direction. C’est un type d’écoute qui n’est pas du tout celui qu’on a dans nos habitudes occidentales.

De ce point de vue, Messiaen nous enseigne beaucoup à écouter. La nature nous invite à l’observation, à la méditation et là encore, nous sommes à ce moment-là des êtres d’écoute beaucoup moins actifs et volontaristes que quand on écoute d’autres musiques. Quand vous allez dans la nature, vous ne savez jamais ce qui va se passer et ce que vous allez entendre, mais quand vous décidez d’aller écouter telle ou telle symphonie, c’est un choix, et vous savez à quel type de forme ou de dramaturgie vous allez vous exposer. Il faut avoir une forme d’acceptation. D’ailleurs, le meilleur auditoire que j’ai eu pour le Catalogue d’oiseaux, ce n’était pas un public de concert traditionnel, mais bien le public présent dans un sanctuaire d’oiseaux, avec des observateurs qui faisaient des marches. Ils ont compris immédiatement le sens de cette musique, et comment l’écouter. J’ai trouvé que c’était un auditoire idéal. »

LVM: aimeriez-vous ajouter un mot de conclusion?

Pierre-Laurent Aimard: « Je suis heureux d’aller à la rencontre d’un public qui accepter de venir à des heures inhabituelles pour vivre une aventure musicale. La scène n’est pas un endroit pour la routine et la démagogie culturelle, c’est un endroit pour la découverte et l’aventure, parfois audacieuse. De voir que les gens sont prêts à partager cela, ça me touche beaucoup. »

Horaire des récitals de Pierre-Laurent Aimard à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay: 

Récital 1: Vendredi 22 juillet, 22 h. Avant le concert, dès 20 h, on propose une projection sur écran sur le chant des oiseaux, suivie d’une sieste musicale avec harpe. DÉTAILS ET BILLETS

Récital 2: Samedi 23 juillet, 8 h du matin. Petit déjeuner, café et viennoiseries, dès 7 h. DÉTAILS ET BILLETS

Récital 3: Samedi 23 juillet, 14 h. Balade musical en sentier offerte après le concert. DÉTAILS ET BILLETS

Récital 4: Samedi 23 juillet, 20 h. DÉTAILS ET BILLETS

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