Hier soir, le jeune trio vocal Lyrico et l’orchestre FILMharmonique, dirigés par Francis Choinière, nous offraient le concert « Une soirée de rêve ». N’ayant jamais assisté aux prestation de l’un ou de l’autre, la curiosité m’avait amenée à la Maison symphonique pour les entendre. Impressions.
Le concert est présenté par GFN Productions, qui s’investit depuis un peu plus de trois ans dans la production de ciné-concerts (leur premier grand coup étant d’avoir obtenu les droits du Seigneur des anneaux, en 2018) et de musique de jeux vidéo, mais aussi, de concerts classiques plus conventionnels.
Au programme de cette soirée « de rêve »: un peu de répertoire opératique orchestral, des chansons napolitaines et des airs célèbres de comédies musicales. C’est le genre de soirée où l’on se rend tout simplement pour le plaisir d’entendre des pièces agréables que l’on connaît, et pourquoi pas? Il ne faut pas bouder son plaisir, et si jamais ce concert est repris, je le recommande à ceux qui aiment le genre.
Le tout commence avec l’Ouverture Il barbiere di Siviglia (Le Barbier de Séville) de Rossini, très bien amenée et bien choisie.
L’orchestre FILMharmonique, dirigé par Francis Choinière (l’un des trois fondateurs de GFN) se décrit comme étant « le premier orchestre de musique de film du Canada). Il ne s’agit pas d’un orchestre « de jeunes » ni d’étudiants, mais bien de musiciens professionnels chevronnés, parmi lesquels on pouvait repérer, hier soir, quelques musiciens de l’OM. Le calibre est donc élevé, et cela s’entend. Je serais d’ailleurs curieuse de les réentendre dans l’un des nombreux concerts qu’ils proposent ce printemps, notamment Host: Les Planètes, le 30 avril.
Francis Choinière, pour sa part, démontre un aplomb impressionnant comme chef, une gestuelle fluide, un solide ancrage dans la musique et un talent indéniable. Inspiré et inspirant. Il ira loin.
Lyrico est composé de trois jeunes chanteurs formés dans nos facultés de musique, et qui font carrière avec un pied dans le chant classique et l’autre pied dans le monde des variétés et de la comédie musicale. Il est composé de Marco Bocchicchio (ténor), Sam Champagne (ténor) et Matthew Adam (baryton).
Comme ils chantent avec des micros, il m’est difficile d’évaluer et de décrire leurs voix de façon juste, le micro ayant pour effet de filtrer bien des détails et de voiler le timbre. Qu’il suffise de dire qu’ils ont assez de voix pour bien chanter les pièces au programme, avec une justesse impeccable, une diction correcte, expression et musicalité. C’est déjà beaucoup.
En première partie, on entendra donc Mamma, Torna a Surriento, Core n’grato et bien sûr, l’inévitable O Sole Mio. Chaque membre du trio aura sa pièce en solo. En deuxième partie, nous avons droit à des extraits de West Side Story, à Over the Rainbow, à J’avais rêvé d’une autre vie, des Misérables, interprété avec sobriété, ainsi qu’à Le Temps des cathédrales, de Notre-Dame de Paris, qui manque aussi d’intensité.
S’ils veulent s’attaquer à ces incontournables, il leur faut mettre un peu de côté le décorum du récital classique et se mettre davantage dans la peau des personnages qu’ils incarnent, le temps d’une chanson, car ceux-ci vivent des drames et des émotions déchirantes. Mais peut-être étaient-ils intimidés par le fait de chanter à la Maison symphonique.
L’ensemble des prestations est fort apprécié du public, et le trio reviendra en rappel pour chanter The Prayer, une chanson écrite pour Celine Dion et Andrea Bocelli.
Ce programme est de nature à attirer un public amateur de « grands succès » du classique et des comédies musicales. Toutefois, la salle n’est qu’à moitié remplie, ce qui s’explique facilement par un ensemble de facteurs: ces deux ensembles ne sont pas encore très connus, la jauge à pleine capacité n’est autorisée que depuis peu, la compétition est grande, les gens sortent moins qu’avant la pandémie (nous y reviendrons dans un autre article) et GFN Productions, qui existe depuis trois ans, dont deux de pandémie, n’a pas encore une force de vente à la hauteur de ses ambitions. Saluons leur audace de présenter des concerts à la Maison symphonique, dans un contexte aussi adverse.
Des améliorations possibles
Que l’on me pardonne cette métaphore culinaire, mais dans une salade, même si on utilise des ingrédients frais de première qualité, c’est la vinaigrette qui fera toute la différence. Avec un excellent orchestre, trois bons chanteurs et un programme d’airs adorés du public, la vinaigrette manquante, hier, ce qui aurait dû servir de « liant » pour ajouter plus de saveur à tous ces ingrédients, ce sont de courts textes de transition avec du punch entre les pièces de la part des chanteurs.
Pour conquérir le public, je suis convaincue qu’ils ont besoin d’ajouter quelques blagues de bon goût, des interactions entre eux et avec l’auditoire, qui nous démontreraient une complicité, un sens du spectacle et la création d’une ambiance au-delà du simple tour de chant. On ne leur demande pas de se transformer en clowns ou en humoristes, mais de concevoir des enchaînements dignes de ce nom (non, il ne suffit pas de dire que Les Misérables est un roman de Victor Hugo), bref, de réfléchir à une forme de mise en scène.
Quand je repense à d’autres spectacles conçus autour du même répertoire, par exemple les premiers grands concerts symphoniques de Marc Hervieux (cela me semble presque dans une autre vie tellement d’eau a coulé sous les ponts) ce qui créait la touche magique, c’était la capacité du ténor à raconter des histoires autour de chaque chanson, à nous faire rire et à nous émouvoir.
Pour ce faire, ils n’ont pas besoin d’emprunter un style Las Vegas comme Forever Gentlemen, ni d’être constamment survoltés comme Qw4rtz, mais ils gagneraient à aller chercher quelques idées chez les autres. Dans un registre plus classique que Qw4rtz, je pense aussi à Quartom, ou encore à Cantabile – The London Quartet dont l’humour et les textes apportent énormément à leurs spectacles. Évidemment, je sais que le trio en est à ses premières armes, et n’a pas, comme les artistes que je viens de nommer, des années d’expérience. Ces commentaires se veulent donc constructifs.
En bref, Lyrico démontre le talent pour réussir dans un créneau qui a énormément de potentiel, mais pour y arriver, il doit développer une véritable personnalité, mieux définir son identité, démontrer plus d’aisance et de présence sur scène, oser être un peu plus « crooners » et moins figés. À mon avis, c’est ce qu’exigent le répertoire qu’ils chantent et le public qu’ils peuvent attirer dans ce créneau.