L’Ensemble contemporain de Montréal (ECM+) cessera ses activités à la fin de la saison 2021-2022, a appris Ludwig van Montréal. Le concert Montréal vue par… du 4 mai prochain sera le dernier de cet ensemble très important pour le milieu de la création musicale depuis 1987.
Véronique Lacroix, directrice artistique et fondatrice, a annoncé cette nouvelle avec émotion aux spectateurs présents au concert du 23 novembre dernier, Génération PLUS, qui avait lieu à la salle de concert du Conservatoire de musique de Montréal.
Contactée par téléphone, elle m’a expliqué sa décision plus en détails, revenant sur ces années de création qui lui ont permis, selon elle, de réaliser son rêve. Plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte, dont évidemment la difficile période de pandémie que nous venons de traverser.
« Cela fait quand même 35 ans que nous sommes là, dit Véronique Lacroix. Nous avons fait 300 créations, plusieurs tournées internationales, 11 tournées canadiennes, et 70 concerts partout au pays juste pour Génération. La liste de nos accomplissements est très longue et couvre tous les aspects de la discipline. Nos forces ont été le projet Génération, qui a des qualités pédagogiques indéniables, et les concerts thématiques, ou multidisciplinaires, où nous avons développé une grande expérience. Ceux-ci ont été notre première motivation, avec des productions très élaborées. Nous en avons fait une trentaine. Avec L’Outre-rêve, présenté en septembre, nous avons atteint l’apothéose. On peut difficilement aller plus loin. »
Dans les semaines précédant le concert du 23 novembre, Véronique Lacroix se demandait comment elle allait annoncer la nouvelle. Elle a décidé de le faire spontanément durant le concert.
« Il n’était pas question, pour nous, d’ajouter une autre saison. Notre énergie, à Natalie Watanabe, qui est la directrice générale et ma compagne, et moi, a atteint ses limites. C’est très exigeant de mener une compagnie comme la nôtre, quand on est complètement engagé. Notre situation financière est impeccable, notre conseil d’administration est en place depuis longtemps, nous sommes bien soutenus, mais nous deux, on ressent de la fatigue et on a dit ce qu’on avait à dire. »
La pandémie et ses contraintes ont évidemment pesé dans la balance.
« En ce qui me concerne, revenir à une seule représentation, et en plus, la filmer pour les webdiffusions, ce qui nécessite une toute autre approche, ce n’est pas ce que j’ai choisi comme métier, ajoute Véronique Lacroix. J’ai besoin du public, de ce contact, car c’est pour eux qu’on fait cela, pour leur parler et pour qu’ils rencontrent cette musique. À travers un écran, cela ne me satisfaisait pas, même si je suis capable, comme les autres artistes, de m’y prêter. J’ai perdu, petit à petit, ce qui me motivait, ma flamme. J’ai été très passionnée toute ma carrière, mais on a beaucoup donné et je pense que c’est le bon moment d’arrêter. Déjà, en 2020, on savait qu’on s’approchait de la fin, mais on n’avait pas prévu la pandémie. »
La cheffe d’orchestre ne se retrouvera pas à la retraite pour autant, puisqu’elle enseigne la musique contemporaine au Conservatoire de musique de Montréal, où elle a une classe d’une trentaine d’élèves chaque année. Ensemble, ils créent les pièces composées par leurs collègues étudiants en composition.
« L’enseignement m’apporte énormément de satisfaction et j’ai l’intention de continuer, dit-elle. Nos élèves sont de jeunes musiciens incroyablement talentueux. »
Génération Paramirabo
Les jeunes compositeurs canadiens, dont la carrière était encouragée, soutenue et bien souvent lancée par le programme Génération de l’ECM+, ne se retrouvent pas orphelins pour autant, puisque le flambeau est passé à l’ensemble Paramirabo, qui prend la relève et pilotera désormais Génération, avec un soutien financier de l’ECM+.
« Génération joue un rôle très important dans l’équilibre du milieu de la musique contemporaine canadienne, explique Véronique Lacroix. Le programme existe depuis 1994 et se déroule à l’échelle nationale depuis vingt ans. Cela a été extraordinaire pour développer des talents à travers le pays et nous permettre d’approfondir les œuvres, en les jouant jusqu’à dix fois, dans des tournées formidables. Il m’a semblé que ce projet ne pouvait pas disparaître sans que cela crée un trou béant. J’ai trouvé très difficile d’annuler les tournées que l’on avait organisées, à cause de la COVID-19. Cela a été crève-cœur, car c’est un travail énorme que d’organiser des tournées. »
La relève existe en musique contemporaine, et Paramirabo en est un bel exemple, dit Véronique Lacroix.
« C’est un groupe de mes anciens élèves à qui j’avais donné la pièce Paramirabo, de Claude Vivier, et ils étaient tellement bons que je leur ai suggéré de former un ensemble, dit-elle. C’est comme ça qu’ils ont commencé et ils ont un beau succès. Jeff Stonehouse, de Paramirabo, joue au sein d’ECM+ depuis plusieurs années. C’est donc tout naturel de leur passer le flambeau. Ils vont reprendre le concept des ateliers et des tournées, avec Génération, et nous allons les financer pendant six ans avec un montant appréciable qui va les aider à continuer. Je suis très fière de cela. »
L’Ensemble contemporain de Montréal (ECM+) laisse aussi en héritage quelque 300 œuvres créées au fil des ans.
« On a travaillé tellement fort, dit Véronique Lacroix. J’ai fait exactement ce dont je rêvais. J’ai été habitée par cela et je le suis encore, et j’ai encore la flamme. C’est l’énergie qui ne suit pas. Auparavant, le mot « fatigue » n’était même pas une réalité en ce qui me concerne, mais le temps fait son œuvre. »
C’est toute une page d’histoire de la création contemporaine qui se tourne au Québec et au Canada avec la fin des activités de l’Ensemble contemporain de Montréal. On souhaite à Véronique Lacroix, à Natalie Watanabe et à tous les musiciens et collaborateurs de l’ECM+ une belle continuation dans leur vie personnelle, leur vie professionnelle, et du succès dans tous leurs projets à venir.
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