Deux musiciens classiques ont lancé une pétition pour demander aux gouvernements fédéral et provincial de compenser de façon urgente la perte de revenus occasionnée par les annulations d’événements culturels en raison du COVID-19. Au moment d’écrire ces lignes, la pétition avait déjà recueilli 18 000 signatures en quelques jours.
En effet, la plupart des concerts, pièces de théâtre et autres événements culturels ont été annulés depuis une semaine, et les salles de spectacle sont fermées, la plupart jusqu’à la fin mars. Avec l’incertitude reliée à la pandémie, on ignore encore si et quand les activités culturelles pourront reprendre leur cours normal.
Pour les artistes pigistes qui comptaient sur ces cette période de l’année riche en événements pour regarnir leur compte en banque, c’est la catastrophe. Des musiciens pigistes se retrouvent sans le moindre revenu. Même les services religieux sont annulés, ce qui touche de nombreux chanteurs, choristes et musiciens d’église. De plus, leur statut de travailleur autonome ne leur permet pas de toucher à l’assurance-emploi.
Jeffrey Stonehouse, flûtiste, et Stéphanie Pothier, mezzo-soprano, ont décidé de mettre une pétition en ligne afin de demander aux deux paliers de gouvernement de venir en aide à ces travailleurs précaires en difficulté.
« Pour nous, les musiciens, il y a deux périodes cruciales dans l’année, soit celle qui va de la mi-octobre à la mi-décembre, puis celle de la mi-mars à la mi-juin, explique Stéphanie Pothier. En ce moment, j’ai neuf engagements d’annulés et d’autres en suspens, si ça continue, je vais perdre une quinzaine de contrats en tout, ce qui représente environ la moitié de mes revenus annuels.
Nous sommes nombreux dans la même situation. Si les annulations de concerts vont jusqu’à un mois, on parle facilement de 300 à 400 concerts de musique classique qui vont être annulés. C’est pourquoi nous avons rapidement lancé la pétition, notamment parce qu’on a peur que bien des engagements tombent dans une zone grise, notamment les promesses d’engagements qui n’étaient pas encore signées.
On sait qu’il y aura énormément de besoins, dans tous les secteurs, mais on ne veut pas tomber en bas de la liste. Nous sommes des travailleurs très précaires, on vit tous d’un contrat à l’autre, sans filet de sécurité. On ne remet pas du tout en question les mesures gouvernementales, on est d’accord, mais avec tout ce qui arrive, on est à bout de souffle et on ne veut pas être oubliés. »
La pétition se lit comme suit:
« Nous, artistes pigistes du milieu culturel sous-signés, demandons aux gouvernements provincial et fédéral de compenser de façon urgente la perte de revenus occasionnée par les annulations d’événements culturels en raison du COVID-19. En effet, les plus récentes mesures sécuritaires annoncées par les gouvernements ont des répercussions économiques dévastatrices pour les travailleurs autonomes du milieu culturel.
Nous en sommes tous et toutes convaincu.e.s: ces mesures pour limiter la propagation du COVID-19 sont essentielles à la santé publique. Cependant, il est nécessaire que le gouvernement tienne compte des besoins urgents des artistes pigistes qui en subissent les conséquences et sur qui les répercussions financières seront dramatiques.
À l’heure actuelle, cela signifie que la totalité des cachets promis aux artistes pigistes concernant les événements annulés ne sera pas versée. En cas de force majeure comme celui-ci, les diffuseurs et producteurs ne sont pas tenus de remplir leurs obligations financières : les contrats ne sont plus valides et aucun montant n’est versé aux artistes. Les conséquences financières d’une telle situation auront non seulement des répercussions dans l’immédiat, mais aussi à long terme. Pour la majorité des artistes pigistes, la période de mars à mai est très chargée en spectacles, représentant entre 20 et 50% de leur revenu annuel: les annulations ayant cours représente donc une perte substantielle dans l’année fiscale de ceux-ci.
Une grande part d’entre nous n’ayant pas accès à l’assurance-emploi, notre statut particulier de pigistes précaires nous place dans une situation très difficile et hautement anxiogène. Nous réitérons qu’un soutien financier gouvernemental immédiat et sans délai tenant compte des besoins urgents des artistes pigistes est indispensable : les conséquences et les répercussions financières de cette crise seront dramatiques pour nous. Beaucoup d’artistes vivent déjà dans une situation financière précaire, où la possibilité de faire face à une perte de revenus d’à peine 4 à 6 semaines est insoutenable.
Le premier ministre Trudeau annonçait en début de semaines des mesures pour que les travailleurs subissant les contrecoups des mesures sanitaires ne subissent aucun délai avant de percevoir une aide financière telle l’assurance-chômage. Par cette lettre, nous exigeons les mêmes mesures d’urgence pour les travailleurs autonomes du secteur culturel, un milieu, rappelons-le, hautement précaire. »
LIRE AUSSI:
