We have detected that you are using an adblocking plugin in your browser.

The revenue we earn by the advertisements is used to manage this website. Please whitelist our website in your adblocking plugin.

CRITIQUE | Motezuma de Vivaldi par l'Ensemble Caprice: la résurrection d'un opéra oublié

Par Michel Joanny-Furtin le 5 février 2020

L’Ensemble Caprice présentait l’opéra Motezuma de Vivaldi, le 4 février 2020, à la salle Bourgie. (Photo: courtoisie)

Pour cette production, présentée hier soir à la salle Bourgie, le chef Mathias Maute a entrepris un incroyable travail de recomposition de l’opéra original de Vivaldi dont la partition était incomplète. Nous y étions.

« On connaissait le livret, mais une partie de la partition manquait à l’appel soit 12 arias sur les 22 décrits dans le livret originel », peut-on lire dans le programme.

« Le chef d’orchestre a composé de la musique en suivant ce qu’il savait des méthodes de composition de l’époque. Cette reconstruction de l’opéra fut présentée la première fois à Montréal en 2013. »

Dans cette partition, les arias sont composés de trois ou quatre phrases seulement, répétées sur différentes lignes mélodiques, montrant ainsi tous les paradoxes que traverse une seule et même émotion et laissent toute liberté à l’ornementation riche du « Prêtre roux » de Venise. La virtuosité vocale exigée par les compositions de Vivaldi sont systématiques dans cette œuvre. Tout un sport pour la respiration et le diaphragme!

Un effort physique qu’on a pu voir lorsque le baryton Marduk Salam (Motezuma) a enlevé sa chemise. Selon le baryton, le personnage enlevait ses habits d’empereur, montrant la fragilité du guerrier face aux combats à venir. Son étole alors en écharpe glisse du cou aux épaules pour se nouer dans le dos. Par ailleurs, et bien que les costumes actuels illustraient notre 21e siècle, les Aztèques portaient des étoles de couleurs vives alors que les Espagnols restaient sobres… et sombres.

Très expressive dans le chant, la voix de la soprano Lisa Maria Rodriguez (Teutile, fille de Motezuma) est pleine de nuances émotives, bouleversante de vérité.

Tout aussi expressive dans son jeu dramatique, la mezzo-soprano Nerea Berraondo (Mitrenda, épouse de Motezuma) nous a offert un talent vocal, enraciné et puissant même dans les pianissimi. Les douleurs psychologiques du personnage prenaient ainsi toute leur dimension.

Le ténor Nicholas Chalmers a servi un Fernando Cortés, droit, froid et manipulateur avec un timbre stable, posé, mettant juste ce qu’il faut de couleur dans les moments heureux et d’impériosité dans les instants plus sombres.

La soprano Nelle June Anderson a su donner par sa voix toute la sensibilité d’un Ramiro Cortés déchiré entre son devoir et ses sentiments amoureux pour la fille de Motezuma. Les variations de la voix de la soprano Nayelli Acevedo ont enrichi les contradictions du général aztèque Asprano, piégé entre sa loyauté et l’effondrement de l’empire.

Enfin, grâce à son timbre chaud et rond, le baryton Marduk Salam a chanté un Motezuma aussi fort empereur qu’homme fragile, broyé par l’Histoire.

Deux Motezuma

Qu’on l’écrive Motezuma en italien, Moctezuma en français, ou Montezuma en anglais, l’opéra est présenté en version concert et les récitatifs sont remplacés par des textes récités par un acteur. Ainsi, le comédien Pedro Juan Fonseca incarne un Motezuma narrateur, un conteur goguenard, moqueur, désabusé et parfois cynique. Quelques apartés avec le public étayaient cette dichotomie du temps. Mais l’insistance, notamment sur les rôles masculins interprétés par des femmes (un fait connu dans l’opéra baroque) a nui à l’écoute.

Toutefois, voici un rôle écrit à l’image d’un voyageur du temps qui survole et décrit à la fois les faits historiques, l’œuvre de Vivaldi et l’opéra baroque, la production actuelle… et leurs trois époques. Les peintures de guerre que ce narrateur ajoute sur son visage en cours de spectacle induisent l’inéluctable combat entre deux civilisations.

La diction claire du comédien en anglais dénotait face à sa prononciation défaillante du français. Or, alors que je suis plutôt du genre exigeant en ce qui concerne ma langue maternelle, cette imperfection servait selon moi le propos de l’œuvre! Je m’explique : l’Histoire est écrite par les vainqueurs, dit-on, mais ici, elle est racontée par les vaincus. L’imperfection de cette prononciation illustrait à merveille la fragilité du discours et de la vérité qu’il énonce, parce qu’il est toujours difficile d’expliquer, défendre une autre version, montrer une autre vision que celle imposée par les forces du pouvoir. Dire une autre vérité n’est pas chose aisée…

Si ces événements se passaient en 1519, Vivaldi les a mis en musique en 1732, et Mathias Maute et l’Ensemble Caprice, excellent au demeurant, les relatent en 2020, soit 500 ans plus tard. Cette relecture fait le parallèle entre les Chrétiens versus les « Sauvages », aussi sanguinaires et cruels les uns que les autres, soit dit en passant, mais n’est-ce pas le fait de tout belligérant, peu importe sa rive ?

En collaboration avec la Bach Society Minnesota (dont Mathias Maute est le directeur artistique depuis 2016) et Early Music Seattle, l’Ensemble Caprice entame avec cette production, une tournée de huit dates entre Seattle, le Minnesota, la Floride, Washington DC et l’Ontario, avec une distribution qui met en vedette des artistes de Montréal, du Mexique et des États-Unis.

LIRE AUSSI:

 

NOUVELLE | L’OSM dévoile quatre concerts de sa prochaine Virée classique

 

 

Partager cet article
lv_montreal_banner_high_590x300
comments powered by Disqus

LES NOUVELLES DU JOUR DANS VOS COURRIELS

company logo

Part of

Conditions d'utilisation & Politique de vie privée
© 2024 | Executive Producer Moses Znaimer