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CRITIQUE | L'OSM et la Symphonie no 4 de Bruckner : à la mesure d'une immense musique

Par Caroline Rodgers le 28 novembre 2019

Kent Nagano, 27 novembre 2019. (Photo: Antoine Saito)
Kent Nagano, 27 novembre 2019. (Photo : Antoine Saito)

Rien n’est simple. Je couvre la musique classique depuis dix ans, et dans cette décennie, c’est la première fois que nos deux orchestres jouent la même symphonie à quelques jours d’intervalle et que j’assiste aux deux. C’était au tour de l’Orchestre symphonique de Montréal de jouer la Symphonie no 4 de Bruckner, hier soir, 27 novembre, à la Maison symphonique. Critique.

En sortant du concert, j’étais heureuse de ce que j’avais entendu, mais j’ai tout de même pensé : « Ce ne sera pas facile ».

En effet, je déteste comparer des artistes et j’estime que l’on devrait rédiger des critiques sans avoir à le faire. Il existe des comparaisons injustes et absurdes, par exemple, de comparer une pianiste en début de carrière à des vétérans qui ont cinquante ans de métier.

Mais comme l’Orchestre Métropolitain vient de jouer la Symphonie no 4 de Bruckner cinq fois, dont quatre en tournée, et que j’étais présente à tous ces concerts, je connais maintenant sa version par cœur et il m’est impossible de ne pas comparer les deux interprétations, d’autant plus que dans ce contexte, s’en abstenir serait faire preuve d’une rectitude politique exagérée.

Je dois avouer qu’en tergiversant sur ce sujet épineux, je me suis surprise à penser : « Qu’aurait-fait Claude Gingras? ». La réponse est qu’il aurait comparé les deux versions en disant clairement ce qu’il pense sans se soucier des réactions que sa critique provoquerait. » Laissons la politique de côté et allons-y, dans le plus grand respect.

Résultat d’ensemble

Je confesse d’emblée que je suis amoureuse de la sonorité des cordes de l’OSM. Je l’ai écrit souvent : rien n’est comparable à cette transparence, à cette précision, à cette justesse, à ce jeu d’ensemble si unifié qu’il les fait sonner comme un seul merveilleux instrument.

Le fait de les entendre apporte chaque fois une telle satisfaction, voire un émerveillement devant cette perfection, qu’il compte énormément dans toute appréciation de l’OSM. Sans rien enlever au reste de l’orchestre, ce sont avant tout les cordes de l’OSM qui lient et magnifient chacune de ses prestations.

Kent Nagano aborde la Symphonie no 4 de front avec une esthétique qui équilibre et unit judicieusement nuances et plans sonores dans une palette appropriée au côté grandiose de la symphonie, mais sans débordements superflus.

Sa vision d’ensemble démontre une compréhension profonde de Bruckner et Kent Nagano, en pleine forme, est en contrôle et démontre qu’il sait parfaitement ce qu’il veut et ce qu’il fait. Ses intentions musicales sont faciles à suivre et ne suscitent pas de grandes questions pour l’auditeur. Nous n’avons qu’à nous abandonner au grand plaisir de la musique.

Toutefois, le chef n’a pas apporté autant de soins à certains petits détails qui ont donné à la version de l’OM son côté très « décortiqué », voire chirurgical. Les articulations et nuances des cuivres sont moins soignées. J’admire généralement Paul Merkelo, mais dans cette symphonie, ses attaques abruptes et ses interventions demanderaient plus de délicatesse. Il semble souvent surgir à brûle-pourpoint et le résultat détonne avec le reste de l’orchestre. En revanche, chapeau, hier soir, pour les superbes passages à la flûte traversière de la part d’Albert Brouwer.

Quant au son des cors, si le rendu est satisfaisant, il n’était pas aussi constant que ce que nous avons pu entendre toute la semaine dernière.

Deuxième mouvement

Si les vastes premier et quatrième mouvement font ressortir à divers endroits les forces de nos deux orchestres, dans l’ensemble, ils sont réussis des deux côtés, bien qu’avec un résultat complètement différent. Ces différences sont fascinantes, en soi. Ce sont toutefois le second et le troisième mouvement qui les démarquent le plus.

En ce qui concerne le deuxième mouvement, je préfère nettement la version de l’OSM, plus harmonieuse et plus chantante. Le tempo légèrement plus rapide aide à la cohésion de ce mouvement très difficile musicalement. On se laisse bercer et fasciner.

Toutefois, le troisième mouvement était mieux réussi, à mon goût, par l’Orchestre Métropolitain, notamment par son côté plus articulé et dynamique, ses attaques détachées et bien rythmées, et le contraste plus marqué entre les parties martiales et les parties lyriques, auxquelles Yannick Nézet-Séguin donnait un côté pastoral séduisant.

Il n’y aura pas de « verdict » final : j’ai apprécié les deux versions de cette Symphonie no 4 pour leurs qualités respectives et elles ont toutes les deux des petits défauts. Nous avons deux chefs qui nous ont apporté des visions personnelles et valables de cette oeuvre, aussi passionnées et « romantiques » à leur façon l’une que l’autre, et deux orchestres qui ne sonnent pas du tout de la même façon. J’ai passé la semaine à me torturer pour chercher des métaphores afin de décrire et de comparer leurs sonorités respectives.  Si je trouve un jour les mots justes, soyez assurés que je ne manquerai pas de vous en faire part.

Ma conclusion serait plutôt que nous avons une chance inouïe, à Montréal, d’avoir deux orchestres symphoniques de haut niveau, dont la présence nous permet de vivre des moments de bonheur intense. S’ils nous procurent à l’occasion le plaisir de comparer des interprétations, profitons-en pour mieux comprendre les œuvres en question, car c’est à cela qu’a servi, avant tout, cet exercice, pour ceux qui ont entendu les deux. C’est la musique qui gagne.

Cela dit, en cours de route, je suis devenue complètement accro à Bruckner.

 

Andrew Wan, Kent Nagano, OSM, 27 novembre 2019. (Photo: Antoine Saito)
Andrew Wan, Kent Nagano, OSM, 27 novembre 2019. (Photo : Antoine Saito)

Bernstein

Il ne faut évidemment pas oublier la première partie : la Sérénade pour violon solo, cordes, harpe et percussions de Leonard Bernstein (d’après Le banquet de Platon).

Il s’agit d’une pièce rarement jouée de 31 minutes en cinq mouvements portant le nom de philosophes grecs et dont le solo revient ici à Andrew Wan. Disons que si l’oeuvre n’est pas facile à aimer au premier abord, elle est heureusement bien servie par un grand musicien, puisqu’Andrew Wan rend intelligible tout ce qu’il joue, et embellit toute musique.

Les deux derniers mouvements sont les plus intéressants, et le dernier, « Socrates« , emprunte quelques éléments à Gershwin. Tout le concert sera gravé sur disque, mais je ne peux pas dire que j’ai très envie de réécouter cette Sérénade de Bernstein, et ce n’est pas la faute des musiciens.

Ceux qui seront au concert ce matin, à 10 h 30, auront plutôt la chance d’entendre à la création mondiale du Concerto pour violon « Adrano » de Samy Moussa, que je suis triste de rater.

En terminant, rappelons que le 80e Concours OSM bat son plein toute la semaine. Cette année, le violon et le violoncelle sont à l’honneur. On peut assister aux épreuves gratuitement aujourd’hui et demain à la Chapelle historique du Bon-Pasteur, et à la finale samedi à la Maison symphonique. HORAIRE. On peut aussi les voir en direct par webdiffusion sur le site de l’OSM.

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