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LISZT | Douze musiciens classiques affectés par les guerres et les dictatures

Par Audrey Gauthier le 7 novembre 2019

Les musiciens n’échappent pas aux horreurs de la guerre et des dictatures. Quelques portraits.

Les musiciens et les compositeurs classiques n’échappent pas aux horreurs des guerres et des dictatures. Voici quelques portraits d’artistes qui ont souffert dans les pires circonstances de l’histoire.

 

Chostakovitch
Dmitri Chostakovitch a mis en musique les souffrances liées à la guerre et au régime communiste.

Dimitri Chostakovitch (1906-1975)

Occupation : pianiste/compositeur

Enfant de la Révolution russe, Dimitri Chostakovitch compose pas moins de quinze symphonies qui laissent transparaître les traits autobiographiques et sombres d’une époque de terreur. À la suite de son opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk vers 1936, le journal Pravda déclare le compositeur ennemi du peuple, qualifiant sa musique d’« épouvantable fatras rempli de tintamarres, de grincements et de glapissements ».

Menacé, humilié et persécuté par le régime stalinien et ses purges, il est officiellement exclu du cercle des compositeurs soviétiques et voit amis et famille disparaître. Chostakovitch sombre alors dans une progressive descente aux enfers alliant dépression et insomnie constantes. La peur de se faire arrêter par le KGB en pleine nuit l’a même poussé à dormir dans la cage d’escalier de son immeuble.

Les « Symphonies de guerre » captent à jamais les idéaux du compositeur sur fond de souffrance : sa Cinquième symphonie traduit la survivance de l’art, tandis que sa Septième symphonie est considérée comme un symbole de résistance face à l’invasion nazie, une image musicale d’un peuple qui se bat. Sa Huitième symphonie grave quant à elle la souffrance liée à la guerre et aux purges staliniennes. « Même s’ils me coupent les deux mains, je continuerai à écrire de la musique, la plume entre les dents » déclare le pianiste. Frissons garantis à l’écoute de ces témoins musicaux.

 

 

Zhu Xiao Mei (née en 1949)

Occupation : pianiste/professeure

La pianiste chinoise Zhu Xiao-Mei garde encore des traces de la « grande révolution culturelle prolétarienne » chinoise des années 1960, dont les images des scènes d’exécutions visant l’élimination de l’opposition au pouvoir de Mao Ze Dong. Envoyée dans un camp de rééducation, elle survit en se plongeant dans la pratique du piano et dans la copie de partitions sur du papier à musique que sa mère lui fait parvenir. Son autobiographie La rivière et son secret raconte d’ailleurs comment elle use d’ingéniosité pour garder son instrument intact en volant du charbon pour déjouer la température.

 

The Pianist, Wladislaw Szpilman
L’histoire de Wladislaw Szpilman a fait l’objet du film The Pianist en 2002.

Wladyslaw Szpilman (1911-2000)

Occupation : pianiste/compositeur/interprète

Héros du célèbre roman autobiographique Le pianiste adapté au cinéma par Roman Polanski, Wladyslaw Szpilman est un des rares juif polonais déporté à avoir survécu au ghetto de Varsovie pendant la Seconde Guerre mondiale. Sauvé in extremis d’un camp d’extermination grâce à sa position de musicien, il survit au froid et à la faim grâce à sa musique. Il restera marqué à jamais par cette effroyable période et abandonnera sa carrière de concertiste.

 

Rostropovitch, violoncelle, chute du mur de Berlin
Mstislav Rostropovitch, ayant lui-même souffert sous le régime communiste en URSS, célèbre la chute du mur de Berlin en y donnant un concert.

Mstislav Rostropovitch (1927-2007)

Occupation : violoncelliste/chef d’orchestre/compositeur/interprète

Violoncelliste et chef d’orchestre russe, Mstislav Rostropovitch s’exile en France puis aux États-Unis en 1974, peu avant la chute de l’URSS, à cause de ses idéaux politiques. Ancien élève de Dimitri Chostakovitch, ami de Benjamin Britten et de Henri Dutilleux, il joue les Suites pour violoncelle seul de Bach devant le mur de Berlin, détruit deux jours auparavant en novembre 1989. Cette image symbolique à la revendication de la liberté qu’il chérit lui a valu la perte de sa nationalité en 1978.

 

Olivier Messiaen
Olivier Messiaen a composé le Quatuor pour la fin du temps alors qu’il était prisonnier durant la Seconde Guerre mondiale.

Olivier Messiaen (1908-1992)

Occupation : pianiste/compositeur/interprète/ornithologue

Organiste et pianiste français, Olivier Messiaen a, en plus de la musique, les oiseaux pour passion. Il découvre et apprend le piano durant la guerre de 1914-1918. Fait prisonnier dans un camp durant la Seconde Guerre mondiale, il analyse des pièces pour contrer la faim et compose une œuvre témoin de sa foi catholique : le célèbre Quatuor pour la fin du temps. Messiaen et d’autres compagnons de fortune musiciens, à savoir un violoniste, un clarinettiste et un violoncelliste, en donnent la première représentation par une glaciale nuit de janvier.

 

Maurice Ravel
Maurice Ravel a été ambulancier durant la Première Guerre mondiale.

Maurice Ravel (1875-1937)

Occupation : pianiste/compositeur/interprète

Maurice Ravel est déjà un compositeur français reconnu à l’international lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Tout d’abord exempté de service militaire pour des raisons de santé, le musicien-patriote réussit à se faire déclarer apte au service en 1915. Affecté à une unité d’ambulancier à Verdun (France), il restera quelques jours en forêt dû à la panne de son camion et vivra selon ses dires comme « un Robinson plus moderne », comme en témoignent les lettres qu’il a laissées derrière lui. Hébergé dans un château transformé en hôpital, d’une santé chancelante, il reprend le piano et compose Le Tombeau de Couperin, une œuvre hommage à ses compagnons décédés au front.

 

Viktor Ullmann
Le destin de Viktor Ullman s’est tragiquement achevé au camp de concentration d’Auschwitz.

Viktor Ullmann (1898-1944)

Occupation : pianiste/compositeur/chef d’orchestre

Pianiste et compositeur de talent d’origine juive, Viktor Ullmann est tout d’abord déporté en 1942 au camp de concentration Terezin au sein duquel il exerce en tant que compositeur, chef d’orchestre, critique musical, pianiste, et pédagogue. Il y compose entre autres son opéra Der Kaiser von Atlantis ou Le refus de la mort en 1944, symbole de la mémoire des générations juives décimées. Quelques mois plus tard, Ullmann est transféré à Auschwitz, où il meurt dans les chambres à gaz. La majorité de ses œuvres ont malheureusement été perdues pendant la guerre, à l’exception des manuscrits de Terezin.

 

Rachmaninov, Steinway piano
La Révolution russe, puis la Seconde Guerre mondiale, ont poussé Rachmaninov à s’exiler aux États-Unis malgré son attachement à sa patrie.

Sergueï Rachmaninov (1873-1943)

Occupation : pianiste/compositeur/interprète/chef d’orchestre

Pianiste romantique russe fortement marqué par la musique de Tchaïkovsky, Sergueï Rachmaninov balance entre dépression, succès et l’idée de la mort qui le hante. Il quitte son pays natal en 1917 suite à la Révolution russe pour s’exiler aux États-Unis avec sa famille, abandonnant tout derrière eux.

Devenu pianiste de concert, il revient en Europe pour retrouver l’inspiration et compose notamment sa Rhapsodie sur un thème de Paganini en 1934, mais se voit de nouveau contraint de quitter le Vieux continent à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Profondément russe, Rachmaninov continuera de se produire sur les scènes américaines pour s’éteindre en 1943, au cours d’une ultime tournée, des suites d’un cancer des poumons .

 

Arnold Schoenberg
Le compositeur Arnold Schoenberg, qui a fini sa vie aux États-Unis, a traversé les deux guerres mondiales.

Arnold Schoenberg (1874-1951)

Occupation : violoniste/compositeur/peintre        

Peu après la création du Pierrot Lunaire en 1912, le compositeur viennois Arnold Schöenberg  est mobilisé à plusieurs reprises au cours de la Première Guerre mondiale. Son œuvre pour piano et quatuor à cordes Die eiserne Brigade de 1916 dépeint d’ailleurs de manière tragique la vie de caserne. La montée du nazisme oblige le compositeur d’origine juive à quitter l’Allemagne en 1933 comme beaucoup d’autres artistes. Il préfère s’exiler et se rend aux États-Unis où il devient citoyen américain en 1940. En hommage à ces années sombres, Schöenberg compose un oratorio dramatique Un survivant de Varsovie en 1947.

 

Benjamin Britten
Le compositeur Benjamin Britten a composé un des grands monuments musicaux du XXe siècle avec son War Requiem.

Benjamin Britten (1913-1976)

Occupation : altiste/pianiste/compositeur/chef d’orchestre 

Leonard Bernstein disait à propose de la musique de Benjamin Britten : « Si vous l’entendez réellement, et ne l’écoutez pas simplement de manière superficielle, vous prenez conscience de quelque chose de très sombre ». Le compositeur britannique est contraint de s’exiler aux États-Unis à l’aurore de la Seconde Guerre mondiale en 1939 avec son compagnon Peter Pears. Il rentre au pays vers 1942 après avoir écrit de nombreuses œuvres. C’est dans une volonté de commémoration et de défendeur de la paix que Britten compose le War Requiem. Inspirée des écrits du poète Wilfred Owen qui avait vécu l’horreur dans les tranchées de la Première Guerre, l’œuvre met en musique l’indicible douleur des pertes associées aux guerres.

 

Fritz Kreisler
Le violoniste Fritz Kreisler

Fritz Kreisler (1875-1962)

Occupation : violoniste

À 39 ans, Fritz Kreisler est un célèbre violoniste autrichien, patriote de son pays. Surnommé « le violoniste militaire », Kreisler reçoit l’ordre de se rallier aux troupes de son pays en 1914. Déclaré mort dans un premier temps, c’est un homme déchiré par les horreurs du front, blessé à la jambe et à l’épaule droite que sa femme retrouve. Un compte-rendu complet de son mois de guerre, intitulé L’histoire de guerre d’un violoniste, est publié en novembre 1914 par le Times de Londres dans lequel il mentionne qu’il a pu survire grâce à son oreille musicale lui permettant de déceler la distance des canons d’après le son que produisaient les obus. Témoin des scènes de cauchemars mais aussi d’humanité envers ses compagnons, le violoniste reste avec un usage limité de sa jambe blessée.

 

Maurice Maréchal
Maurice Maréchal et son violoncelle, baptisé Le poilu.

Maurice Maréchal (1892-1964)

Occupation : violoncelliste 

C’est comme timbalier du 74e régiment d’infanterie de Rouen que le violoncelliste Maurice Maréchal effectue son service militaire en 1912. Il passera près de 6 ans au service de l’armée à combattre l’ennemi. Après avoir délaissé la musique, c’est en sympathisant avec des soldats musiciens qu’il recommence à jouer, mais sur un curieux violoncelle bricolé à partir de caisses de munitions. Muni de son instrument baptisé « Le poilu », Maréchal rejoint ainsi le Quatuor du général Mangin. « Le poilu » est aujourd’hui exposé à Paris au Musée de la Cité de la Musique.

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