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CRITIQUE | Philippe Jaroussky à la salle Bourgie : quand Orphée traverse le XVIIe siècle

Par Benjamin Goron le 20 novembre 2019

Philippe Jaroussky. (Crédit: Simon Fowler - Warner-Erato)
Philippe Jaroussky. (Crédit : Simon Fowler – Warner – Erato)

Avec La Storia d’Orfeo, le contreténor Philippe Jaroussky nous invite à redécouvrir le mythe d’Orphée à travers un collage de divers airs d’opéras de Monteverdi, Rossi et Sartorio.

La proposition, originale et audacieuse, nous permet d’apprécier la filiation dans le langage des trois compositeurs italiens à une époque où sont inventés les codes musicaux liés aux situations et aux émotions, des codes que l’on pouvait pleinement ressentir lors de ce concert.

Si l’album issu du projet, sorti en mars 2017, met en avant le célèbre contreténor français, le projet est en fait axé autour du couple Orphée-Eurydice, des réjouissances du mariage à venir à la mort d’Eurydice mordue par un serpent, puis à la tentative d’Orphée de braver les Enfers pour la reconquérir.

Art du contraste, respirations, inflexions et ornementations, le mythe repensé par Jaroussky a pris des allures de leçon de musique ancienne à la salle Bourgie en compagnie de la soprano Amanda Forsythe et du Boston Early Music Festival Chamber Ensemble.

Les musiciens, d’une grande homogénéité, ont porté les solistes avec brio tout au long de la soirée et révélé leur grande maîtrise du répertoire dans les pièces instrumentales, sélection qui couvrait tout le XVIIe siècle. Les différentes pièces sont enchaînées, presque sans transition, assurant une trame narrative continue et homogène grâce à des choix de tons voisins.

Un léger sentiment de conformisme émane de la première partie, sans doute dû à la barrière des partitions qui gardent une distance entre solistes et public, ainsi qu’une timidité dans les ornementations et l’engagement émotionnel. Aussi, la composante essentiellement pastorale de cette première partie se trouve amoindrie sans la présence de chœurs.

Heureusement, tout cela s’estompe après l’entracte, avec une partie plus animée, intense et virtuose. Le propos est alors centré sur la perte humaine, le déchirement et la solitude, ce qui est beaucoup plus propice à la formule solo ou duo. En tout point, la soprano Amanda Forsythe a conquis l’auditoire : une grande maîtrise vocale, des lignes aux phrasés d’une immense puissance émotive… Son « Orfeo, tu dormi? » est un délice de subtilité.

Philippe Jaroussky nous séduit dans son étonnant « Possente spirto » et le merveilleux « Lasciate Averno » qui clôt le mythe de la plus tragique des manières : « Mourir, mourir, mourir, mourir. »

La mise en espace, subtile mais très efficace, apporte une réelle plus-value au concert. Eurydice aux Enfers chante du balcon, avant de revenir se placer en arrière d’Orphée lors de la remontée vers la terre ferme. Cette spatialisation du son est une idée excellente, d’autant plus qu’elle est déjà exploitée par Monteverdi qui fait notamment jouer les cordes en écho pour représenter la vastitude des Enfers. Il ne nous manquait plus que quelques cuivres pour dépeindre le domaine de Pluton!

Leçon de musique et d’histoire, duo envoûtant, orchestre vivant… Ce concert original, qui mettait en lumière l’évolution du mythe d’Orphée dans l’opéra italien du XVIIe siècle, aura permis au public de découvrir l’exceptionnelle Amanda Forsythe, qu’on souhaite réentendre bientôt!

La proposition de Jaroussky nous séduit : le mythe d’Orphée, bien que condensé en une série d’airs entrecoupés de pièces instrumentales, sans mise en scène opératique, n’en révèle pas moins son intensité dramatique. Le pari est une franche réussite.

La Storia d’Orfeo
Philippe Jaroussky, contreténor
Amanda Forsythe, soprano
Boston Early Music Festival Chamber Ensemble
Paul O’Dette et Stephen Stubbs, direction musicale
Salle Bourgie, 19 novembre 2019

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