C’est devant une salle quasi comble de 1400 spectateurs, hier soir, que le chef Jean-Philippe Tremblay a dirigé l’Orchestre de la Francophonie, dont il est le directeur artistique, lors d’une présentation de West Side Story en version concert au Centre Pierre-Charbonneau dans le cadre de la 55e édition des Concerts Populaires. Une soirée mémorable, mais aussi de découvertes.
Tout d’abord, une précision : la partition interprétée hier soir respectait scrupuleusement la partition originale de Léonard Bernstein composée en 1957 et reprise en 2012 à San Francisco.
Si certains spectateurs ont eu l’impression qu’on avait bousculé l’ordre des airs, c’est que le film produit en 1961 s’est inscrit dans les mémoires. Or, comme l’explique Alexis Pitkevicht, directeur général de l’Orchestre de la Francophonie:
« Pour les besoins du scénario de ce film, ils ont adapté l’ordre des pièces, de certaines scènes et mêmes certaines paroles. »
« Il fut très difficile d’obtenir les droits, rappelle-t-il, parce qu’une nouvelle production complète de la comédie musicale verra le jour à Broadway dans les prochaines années et qu’une seconde adaptation du film sera réalisée par Steven Spielberg en 2020. Il s’agit donc d’une dernière présentation publique avant la fermeture des droits pour un bon moment… », a conclu Alexis Pitkevicht avant de laisser la parole… aux instruments.
Des valeurs sures de la scène lyrique
La voix ronde, chaude, bien ancrée du baryton Hugo Laporte a « assuré », autant dans le parlé que le chanté passant de l’un à l’autre sans embarras. Cet interprète inscrit peu à peu sa marque lyrique avec bonheur et un talent à suivre.
Parfaite pour le rôle de Maria, la douceur de la voix de soprano d’Anne-Marine Suire cache toute une puissance. Une voix à l’image du personnage d’une Maria douce, mais volontaire et résiliente face au malheur. Une autre découverte ce soir-là…
Le timbre et la voix de la mezzo-soprano Rose Naggar-Tremblay m’évoquent un arbre splendide : une voix à la fois très enracinée et solide dont les aigües se déploient et s’envolent dans la canopée. Et c’est bien heureux car la carrière Rose Naggar-Tremblay s’installe peu à peu et chacun saura apprécier son talent dans de futures productions.
On retiendra le « Maria » interprétée comme une vraie prière par le ténor Jean-Michel Richer avec toute la douceur mais aussi la puissance de sa voix. Même si elle a connu un début plus fragile, juste le temps d’en ajuster la puissance à une salle… et ses micros.
Eh oui, il en fallait car le Centre Pierre-Charbonneau, on le sait, n’a pas, avec ses plafonds en structure plane et métallique, l’acoustique d’un auditorium. Mais cela n’a pas gâché notre plaisir tant la partition est riche de passions et d’émotions.
Il ne faudrait pas oublier le plus qu’honorable travail proposé par les 21 choristes, préparés par Martin Boucher, qui se sont prêtés au jeu et au chant, donnant avec prestance la réplique musicale (et parfois scénique) aux quatre solistes. Quelques belles voix, autant masculines que féminines, (notamment une soprano, deux mezzos un baryton et une basse) sortaient du lot et certains de leurs solos ont été très appréciés du public. Le chef de chœur n’a d’ailleurs pas manqué de les présenter à l’assistance afin que nous puissions acclamer leurs prestations pendant l’ovation debout à l’issue du concert.
La maestria du Maestro
Comme la plupart des œuvres lyriques, l’ouverture présente tous les thèmes musicaux des moments importants de l’œuvre, et comment une simple histoire d’amour et ses moments tendres peuvent se transformer en drame, passant du primesautier de la vie à la tension des rivalités, puis d’un dramatique combat à l’irréversibilité d’une tragédie, inspirée du Roméo et Juliette de Shakespeare.
Un jazz pur et dur nourri par moments de rythmes originels africains presque sauvages. Une écoute tout à fait roborative, toujours aussi actuelle avec le regard et l’oreille de 2019 : ces structurations mélodiques composées dans les années ‘50 annoncent la musique contemporaine, et cette composition fortement expressive de Leonard Bernstein laisse la part belle, surtout dans les temps forts, à l’orchestre.
Un vrai bonheur car rares sont les partitions qui sollicitent ainsi et autant tous les pupitres : percussions, cuivres et bois, petites et grandes cordes, apportant à part égale chacun à leur tour les sonorités nécessaires à la dramaturgie.
« La partition est si complexe que nous avons ajouté un percussionniste », confie Alexis Pitkevicht. Il est vrai que l’évocation sonore des émotions conflictuelles et des rixes était particulièrement travaillée.
Chapeau donc à Jean Philippe Tremblay pour cette direction précise, ciselée même, avec un orchestre de jeunes très investis et rigoureux, « utilisés » à leur meilleur !
« Venus de toute la Francophonie pour suivre des classes de maître pendant leur séjour, ce concert était une occasion unique pour ces 73 jeunes musiciens et 25 jeunes chanteur.ses de se présenter devant un public, et de se confronter à la scène »
Grâce à leur maestro, ces jeunes interprètes ont réellement brillé !
Bientôt aux Concerts populaires:
« La Dolce Vita » avec Marc Hervieux le jeudi 1er août à 19h30, au Centre Pierre-Charbonneau
Prochain concert de l’Orchestre de la Francophonie : la « Symphonie No 6 en la majeur » d’Anton Bruckner, dirigée par Jean-Philippe Tremblay, le mercredi 14 août à 19h30 à la Maison Symphonique.
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