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PORTRAITS DE COMPOSITEURS | Simon Bertrand, compositeur des poètes

Par Caroline Rodgers le 26 juin 2019

Simon Bertrand, dont la carrière a pris de l’essor à l’international ces dernières années. (Photo : Jan Vailhe)

Ludwig van Montréal lance aujourd’hui une mini-série de portraits de compositeurs et compositrices québécois par un entretien avec Simon Bertrand, dont la carrière a pris de l’essor à l’international ces dernières années.

En août dernier, nous nous étions entretenu avec Simon Bertrand au moment où il avait reçu confirmation d’une bourse de création conjointe du Conseil des arts et lettres du Québec et du Conseil des arts de l’état de New York pour la composition de musiques inspirées par des poèmes de l’écrivain américain Paul Auster.  Nous l’avons rejoint par écrit cette semaine afin de savoir où en sont ses projets.

LvM : Quels sont vos autres concerts et œuvres en chantier en ce moment?

SB : Je travaille en ce moment sur trois commandes, ayant toutes en commun le fait d’être basées sur de la poésie, soit des poèmes d’Hélène Dorion, de Paul Auster et de Rudy Barrichello respectivement. Dans le cas d’Hélène Dorion c’est une seconde collaboration, car j’avais déjà mis en musique trois de ses poèmes lors de ma résidence à l’Orchestre Symphonique de Longueuil de 2011 à 2013. L’œuvre avait été chantée par Marianne Lambert sous la direction de Marc David. Cette fois-ci, il s’agit d’une grosse commande des Violons du Roy (20 minutes) et les textes seront lus en synchronicité avec mon œuvre par l’auteure elle-même lors de concerts à Québec et à Montréal en mars 2020. C’est une collaboration très stimulante où l’auteure est très impliquée dans mon processus créateur, car nous recherchons un contrepoint poétique entre la musique et le texte. D’autres poèmes d’Hélène seront aussi associés à des madrigaux de Gesualdo, compositeur que j’adore, et que j’orchestrerai pour l’occasion pour les Violons du Roy.

En ce qui concerne la composition sur les poèmes de Paul Auster, c’est pour le Nouvel Ensemble Moderne avec qui je collabore depuis plus de 15 ans déjà. La première aura lieu en 2021. 

Finalement, encore de la poésie, j’ai choisi des poèmes du réalisateur Rudy Barichello pour ma nouvelle commande de Quasar (auquel se grefferont les musiciens du Stockholm Sax Quartet) qui sera créée au Québec en novembre 2019 puis en Suède à l’hiver 2020. En 2021-22, ça sera un retour à la musique orchestrale, notamment avec l’OSM , et d’autres orchestres à annoncer ultérieurement.

LvM : Depuis quelques années votre musique est de plus en plus jouée à l’étranger. Avez-vous l’impression d’avoir « fait le tour » ici?

SB : En quelque sorte, car depuis 2011, ma musique a fait le tour de presque tous les orchestres québécois ou canadiens importants (OSM, OSDL, OSQ, TSO, ESO, NSO, etc.). Pour les prestations à l’étranger, cela s’est surtout développé depuis quelques années, et il va de soi que je me réjouis de cela!  Depuis 3 ans, ça m’a littéralement fait faire le tour du monde : États-Unis, Hollande, France, Japon, Corée, avec des orchestres et des musiciens vraiment de tout premier plan. Ces voyages sont le « bénéfice marginal » plus qu’agréable d’un métier qui n’est pas toujours facile et où rien ne semble jamais acquis.

Lors d’une entrevue avec Georges Nicholoson, à l’époque de la chaîne culturelle de Radio-Canada, celui-ci avait dit qu’il y avait deux étapes dans la vie d’un compositeur, la première étant reliée à un désir « d’exister » et la seconde à celui de « durer » . Je pense que j’en suis rendu à la deuxième, et pour moi, durer, ce n’est pas simplement être joué le plus possible mais bien me renouveler sans arrêt, évoluer esthétiquement, avec des projets de longue haleine qui me stimulent et m’obligent à aller au fond des choses. D’où l’importance de bien choisir ses projets si possible. Car ce qu’il reste réellement d’un compositeur, quand il quitte ce monde, ce n’est pas son CV, c’est son œuvre, et ce qu’elle nous dit. Dans cette démarche, avoir enfin un agent (Barbara Scales de Latitude 45) est quelque chose qui m’aide vraiment à aller en ce sens.

LvM : Vous militez beaucoup pour le respect des conditions de travail des compositeurs et pour leur place dans notre culture générale. Quelle est votre perception de ce combat à l’étranger? La situation y est-elle meilleure, ou semblable?

SB : Elle m’y semble tout aussi précaire car le phénomène est mondial : face à toute l’archivation et l’édition de siècles de musique, le piège est toujours de tomber dans la muséologie musicale en ne jouant que les compositeurs du passé, qui, si géniaux puissent-ils être, ne peuvent remplacer le compositeur vivant en tant « qu’interprète de lesprit de son temps » comme le disait si bien Varèse.

Par contre,  il me semble y avoir un problème historique plus spécifique au Québec en ce qui concerne le « non-enracinement » de la musique de nos compositeurs à notre corpus culturel global, alors qu’il me semble que d’autres formes d’art (théâtre, cinéma, littérature) semblent avoir un peu mieux réussi. C’est une vaste réflexion qui occupe beaucoup mon esprit, à laquelle j’ai tenté de contribuer quand j’ai consacré un numéro de la Revue Circuit Musique contemporaine au métier de compositeur au Québec. Je suis plus intéressé ces temps-ci à trouver des solutions pour l’avenir (notamment au sein de la Société de musique contemporaine du Québec) qu’à ressasser des erreurs stratégiques potentiellement commises par les générations précédentes, mais, clairement, la « mayonnaise » n’a pas pris…

LvM : La plupart des compositeurs de musique classique au Québec survivent en partie grâce à l’enseignement. Vous n’enseignez pas officiellement dans une institution d’enseignement , est-ce un choix?

SB : Je donne quand même des stages à chaque année (Orford, Orchestre de la Francophonie) et des petites conférences à l’occasion. D’autre part, il n’est pas du tout exclu que je joigne les rangs d’une institution d’enseignement. Je ne crois pas cependant en un enseignement trop « directionnel » de la composition et je ne souhaite certes pas avoir des « émules » : je préfère guider et donner en exemple des œuvres de compositeurs que je trouve vraiment géniauxJe préfère la mentalité des maîtres zen, qui affirment que «  l’élève et le maître, ensemble, créent l’enseignement. » 

LvM: Une de vos œuvres les plus jouées depuis deux ans est « La voix invisible » pour thérémine et quatuor à cordes, dont on a pu entendre la première canadienne lors du festival MNM en mars dernier. Elle avait déjà été jouée en Hollande et aux États-Unis, et elle le sera en Croatie et en Australie cet été : quelle est l’histoire derrière cette pièce?

SB : Elle a été longue et douloureuse à sortir!  C’est lorsque j’ai rencontré le grand virtuose du thérémine Thorwald Jorgensen dans un festival que j’ai décidé que je devais absolument lui écrire quelque chose. J’avais été frappé par sa souplesse, sa précision et surtout par sa palette sonore incroyable,    au-delà de tous les clichés issus de B-movies que l’on peut associer à son instrument. En effet, il en tire des sonorités rappelant parfois de manière très convaincante la voix humaine, et pouvant aussi se rapprocher des cordes, d’où l’idée de le mélanger avec un quatuor à cordes. 

De plus, il utilise un « loop station » qui permet à l’instrument de faire des boucles mélodiques, des drones ou même des accords. C’est une œuvre où les idées musicales sont conservées dans leur plus simple état, se développant dans des formes plus proches de celles de certaines musiques issues du pop indépendant (par exemple Radiohead, Björk…) que des formes plus abstraites de certaines musiques contemporaines. Le « pacing » des 8 mouvements avait été même pensé un peu comme un petit album. Ce fut ma réponse à un ami m’avait questionné sur le fait que j’assimilais assez peu des influences de la musique pop alternative, que j’écoute pourtant beaucoup!

LvM : Vous avez signé en 2016 la musique du film « Pays » de Chloé Robichaud : avez-vous d’autres projets de musique de film en cours?

SB : Je viens justement de retravailler avec Chloé pour son dernier court-métrage, « Delphine », et aussi sur deux autres courts-métrages de Vanessa Tatjana-Beerji et Yousra Benziane, ainsi que sur un documentaire sur les femmes en politique de Kinescope. J’espère faire un nouveau long-métrage en 2020.

 

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