L’impasse dans la lutte entre les Petits Chanteurs du Mont-Royal et la Commission scolaire de Montréal est rendue à un point tel que la survie même de l’institution est menacée. On apprenait en effet cette semaine qu’une majorité de parents, soucieux de la santé de leur enfant, retireraient celui-ci du programme musical si les études secondaires devaient être suivies à l’École Roberval, tel que le propose actuellement la CSDM. Le souci des parents est provoqué par les heures de transport additionnelles, environ deux heures par jour, créant une surcharge dans l’horaire d’enfants déjà extrêmement sollicités. Ce retrait massif signalerait la fin d’une institution jouant un rôle majeur dans la vie culturelle et artistique de la métropole et au-delà.
Une centaine de parents et sympathisants se sont rassemblés ce midi sous la pluie pour manifester leur soutien aux PCMR et encourager le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, m. Jean-François Roberge, à intervenir pour éviter le pire. Quelques automobilistes se déplaçant sur le boulevard Queen Mary ont également manifesté leur soutien par des coups de klaxons. Le rassemblement se tenait devant le Collège Notre-Dame, lieu d’études au cœur de la lutte qui oppose les Petits Chanteurs à la Commission scolaire de Montréal.
En effet, la CSDM a annoncé en mars dernier qu’elle ne renouvellerait pas l’entente permettant aux membres des Petits Chanteurs de poursuivre leurs études secondaires à l’institution privée. Celle-ci est située de l’autre côté de la rue des locaux de la Maîtrise où les Petits Chanteurs répètent quotidiennement. La fin de cette entente signifie pour les enfants des heures additionnelles de transport et pour l’administration un casse-tête de gestion d’horaire.
Depuis cette annonce, qui a prise l’administration des PCMR de court, les parents des Petits Chanteurs se sont mobilisés contre cette décision unilatérale, dénonçant l’absence de consultation et de plan alternatif viable.
Lors du rassemblement, les Petits Chanteurs du Mont-Royal ont chanté un canon de Mozart avec des paroles modifiées par m. Alain Duguay.
Fondée en 1956, la Maîtrise des Petits Chanteurs du Mont-Royal est aujourd’hui une présence importante dans le paysage artistique et culturel de la ville, et au-delà. En même temps qu’ils combattent la décision de la CSDM, les jeunes et leur chef Andrew Gray se préparent à partir en tournée dans quatre jours, ce qui les amènera à chanter entre autres à Prague, à Vienne et à Dresde, trois villes phares de cette grande tradition des manécanteries de garçons.
C’est la disparition éventuelle de cette tradition que déplore Julien Proulx, directeur musical de l’Orchestre symphonique de Drummondville et du Chœur de la Montagne, lui-même ancien Petit chanteur tout au long de sa scolarisation et pendant encore trois ans de plus :
Il n’y a pas d’équivalent à ce genre de maîtrise-là. C’est carrément tout une façon de faire, une grande tradition européenne qui disparaîtrait. C’est avec les Petits Chanteurs que j’ai eu mes premières occasions de faire du répertoire avec orchestre et de voir des chefs d’orchestre au travail. J’ai pu chanter à l’Opéra de Montréal, on faisait des concerts à l’OSM. C’est ce contact-là qui m’a donné assez jeune l’envie de faire de la direction d’orchestre. – Julien Proulx
Ce n’est cependant pas le but des PCMR de former des musiciens professionnels : Nayiri Piloyan, mère de deux garçons, parle plutôt d’une formation au « bon citoyen ».
Ça leur apporte tellement dans la vie. Je trouve que la musique et la formation qu’ils reçoivent aux Petits Chanteurs fait en sorte que ces enfants-là plus tard vont être de bons citoyens pour le Québec, sans nécessairement devenir des musiciens. Il y en a beaucoup qui sont avocats, qui sont médecins, qui sont ingénieurs. C’est la société qui est gagnante, d’avoir une école comme ça, qui ne coûte pas un sou à la société. – Nayiri Piloyan
Spécifions que les frais de la formation musicale des élèves des Petits Chanteurs sont couverts par les revenus gagnés par la formation lors de ses engagements, la différence étant couverte par les parents.
Finalement, en ces lendemains de bâillon pour faire voter la loi 21 contre le port de signes religieux, Andrew Gray s’emporte – à titre personnel, il est prudent de le faire savoir – contre ce qu’il considère être l’hypocrisie de la CSDM et de sa présidente mme. Harel-Bourdon. Celle-ci souhaite en effet obtenir un délai d’un an avant d’appliquer la loi afin de procéder à des consultations pour déterminer les modifications devant être apportées à ses politiques. Consultations et délai qu’elle refuse cependant aux Petits Chanteurs, qui plaident devant une sourde oreille depuis plusieurs mois.
Les voix des Petits Chanteurs, qui ont chanté en harmonie pendant 63 ans, seront-elles forcées de rester silencieuses dans un avenir rapproché?
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