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CRITIQUE | Twenty-Seven: un mariage vocal hors conventions

Par Michel Joanny-Furtin le 24 mars 2019

Il y a eu Roméo & Juliette, Héloïse & Abélard. Désormais, il y aura Gertrude & Alice grâce à « Twenty-Seven » qui relate, sur une partition originale de Ricky Ian Gordon, un amour féminin aussi fort que toutes les histoires d’amour du monde, peu importe leur genre. (Photo: Yves Renaud)
Il y a eu Roméo & Juliette, Héloïse & Abélard. Désormais, il y aura Gertrude & Alice grâce à « Twenty-Seven » qui relate, sur une partition originale de Ricky Ian Gordon, un amour féminin aussi fort que toutes les histoires d’amour du monde, peu importe leur genre. (Photo: Yves Renaud)

Il y a eu Roméo & Juliette, Héloïse & Abélard. Désormais, il y aura Gertrude & Alice grâce à Twenty-Seven qui relate, sur une partition originale de Ricky Ian Gordon, un amour féminin aussi fort que toutes les histoires d’amour du monde, peu importe leur genre.

Christianne Bélanger (mezzo-soprano) et Élizabeth Polese (soprano) mettent en place un très beau mariage vocal à l’image du couple Stein-Toklas, ce couple féminin indissociable qui a aidé et soutenu les artistes tout en vivant – comme « mari et femme », selon le compositeur – une vie hors de conventions !

Et c’est bien hors des conventions que le compositeur Ricky Ian Gordon et le librettiste Royce Vavrek, passionné par l’œuvre de Gertrude Stein, ont bâti un opéra nouveau original, moderne. La composition s’approche de cette école moderne notamment dans les duos tendres et poétiques des deux femmes. Mais Gordon n’hésite pas à la bousculer souvent pour créer l’émotion, le doute, la peur, l’amertume, etc.

Le format « opéra de chambre » dans une petite salle comme le Centaur place le public dans l’intimité des invités de ce salon artistique du 27, rue de Fleurus à Paris. Ce samedi soir (ainsi que les 26, 28 et 30 mars), la distribution mêlait les graves de la soprano Élizabeth Polese aux aigus de la mezzo Christianne Bélanger, un choix qui exige des artistes de mettre de l’avant puissance vocale et charge émotionnelle dans leur jeu dramatique.

Une fort bonne idée que la mezzo-soprano Rose Naggar-Tremblay (Stein) et la soprano Anna Nunez (Toklas) assumeront les 24 & 31 mars.

Jeu et musique main dans la main

Cette disposition musicale démontre que Gertrude était l’élément flamboyant et meneur du couple et Alice son élément constructif et pérenne. Dans cette relation, c’est le génie d’Alice qui en a maintenu la viabilité et le souvenir. Ainsi les voix des deux seules femmes de cette œuvre se partagent la scène et sa mise en place. La voix de Christianne Bélanger prend toute la place quand Stein mène son monde et le bal. Puis c’est au tour d’Élizabeth Polese d’imposer Alice quand Gertrude se tait ou s’absente. Alors que leurs duos si amoureux et romantiques équilibrent avec douceur les deux personnages et leurs interprètes.

Dans le même sens, on remarquera l’aisance vocale de Brenden Friesen (Hemingway) pour exprimer aussi bien la colère ou le mépris que les émotions plus intimes. Idem pour la voix intéressante claire et posée de Spencer Britten (le Soldat), et la prestation autant dramatique que lyrique de Rocco Rupolo (Picasso).

Un casting par ailleurs assez ressemblant qui donne beaucoup de crédibilité à cette histoire. Surréaliste (c’est l’époque qui veut ça…), mais efficace voire ingénieux, autant dans la musique que dans la mise en scène, la collection de tableaux qui chantent parce que ces œuvres picturales sont vivantes et intimement liées au destin de leurs propriétaires.

 

Dans un décor cubiste, le metteur en scène nous offre ainsi quelques beaux clins d’œil. (Photo: Yves Renaud)
Dans un décor cubiste, le metteur en scène nous offre ainsi quelques beaux clins d’œil. (Photo: Yves Renaud)

 

Quand la voix dévoile la vulnérabilité

La seconde partie propose une partition plus accidentée, plus émotive, mêlant des airs pleins d’intériorité profonde et de doute, où la voix dévoile la vulnérabilité des personnages. La mise en scène d’Oriol Tomas sait s’adapter au rythme plus dramatique de la musique et l’utiliser comme effet scénique pour aborder les illusions effondrées de cette « génération perdue » dont parlait souvent Gertrude Stein.

Les limites de budget obligent souvent les créateurs à une mise en place sobre mais pleine de trouvailles. Dans un décor cubiste, le metteur en scène nous offre ainsi quelques beaux clins d’œil : le moment « Cabaret » qui rappelle cette grande liberté du Gai Paris de la Belle Époque, puis des Années Folles et ces fêtes parisiennes empreintes de cette folie un peu décadente des privilégiés avant chacune des guerres mondiales…

À noter que le mélange de personnages humains et de personnages actés ou actionnés n’avait rien d’anachronique dans les spectacles. Ainsi le caniche royal (Basket, puis Basket 2) du couple n’échappe pas à cette approche, personnifié ici par Spencer Britten. Quelques rires dans la salle montraient la surprise, mais le costume canin était carrément réussi pour créer et accepter cette convention.

Une mise en scène d’esprit

Dans le même ordre d’idée, les horreurs de la guerre illustrées par la faim et le froid et comment un jeune soldat parti chercher des œufs… ne reviendra jamais; les soupçons de collaboration contre Gertrude Stein après la Seconde Guerre, son sentiment de culpabilité et sa fin dans les bras d’Alice. Il n’y a rien d’appuyé dans ces évocations délicates des évènements des époques traversées : tout est dans l’esprit, pas dans la reformulation. Et c’est très bien ainsi…

Par ailleurs, chacun des artistes évoqués dans Twenty-Seven porte une part de l’histoire du monde : Picasso illustre les temps qui changent et comment les arts suivent l’évolution du monde; Matisse, les égos démesurés des grands créateurs; Hemingway, leur confrontation à la réalité; Ray, les errements de l’artiste, etc.; autant les peintres de ce salon artistique évoquent le rêve et la fuite en avant, autant les écrivains de la seconde partie se confrontent à la réalité inéluctable d’un monde au bord du prochain gouffre.

Stéphane Tétreault et Marie-Ève Scarfone assuraient avec talent et rigueur l’accompagnement intrumental. Une main d’honneur pour le duo qui, sur la scène, a joué sans discontinuer (sauf à l’entracte, bien sûr) les 95 minutes de cet opéra chanté de bout en bout ! Bravo !

« Twenty-Seven », un opéra de chambre de Ricky Ian Gordon sur un livret de Royce Vavrek (sur-titré français et anglais), mis en scène par Oriol Thomas avec les chanteurs de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal au Centaur Theatre (453, Saint-François-Xavier) les 24, 26, 28, 30 et 31 mars 2019 à 19h30 (préOpéra à 18h30). Les 24 et 31 mars, le préOpéra commencera à 13h, le spectacle à 14h (1h35 sans entracte).

DÉTAILS ET BILLETS

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OPÉRA | Twenty-Seven: dans le salon de Gertrude Stein avec ses amis

 

 

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