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CRITIQUE | Hadrian: le nouvel opéra de Rufus Wainwright sous la loupe

Par Julien Bilodeau le 15 octobre 2018

Hadrian, l'opéra de Rufus Wainwrith, est présenté à la Canadian Opera Company jusqu'au DATE. (Photo: Michael Cooper)
Hadrian, l’opéra de Rufus Wainwright sur un livret de Daniel Macivor, est présenté à la Canadian Opera Company jusqu’au 27 octobre. (Photo: Michael Cooper)

Soir de grande première, samedi, à la Canadian Opera Company (COC) alors qu’Hadrian, l’opéra de l’auteur, compositeur et interprète Rufus Wainwright et du dramaturge Daniel Macivor, foulait les planches du Four Seasons Centre en création mondiale. Premier constat : le public de Montréal ne pourra jamais entendre ce que nous avons entendu à Toronto tant cette salle sert bien l’opéra. Le retour du baseball n’a jamais paru si loin dans la liste des priorités à Montréal, pour le dire poliment !

Gravement malade, à l’aube du grand passage, l’empereur Hadrien pleure la mort suspecte de son amoureux, Antinous, retrouvé dans le Nil un an plus tôt. Le déclin de l’empire a bel et bien commencé alors que le monothéisme des Juifs et des Nazaréens révèle la caducité des panthéons grec et romain. Mais Hadrien n’ordonnera une offensive qu’en échange d’une explication sur la disparition de son bien-aimé.

Amour, complot, pouvoir, trahison et histoire, tous les ingrédients de la grande tradition lyrique du dix-neuvième siècle sont réunis dans cet argument, si ce n’est pour la place de choix qu’il réserve à l’amour entre deux hommes. Wainwright et Macivor transposent et transforment ici une histoire racontée par Marguerite Yourcenar en 1951 et qui a été pour plusieurs générations un hymne salvateur pour la communauté gaie.

Hadrian rejoint donc Les Feluettes (Bouchard-March), Brokeback Mountain (Wuorinen-Proulx) et même Champion (Blanchard-Cristofer que l’on pourra voir et entendre bientôt à Montréal) dans une volonté marquée de représenter l’homosexualité à l’opéra. Ici, l’œuvre propose même une scène d’amour explicite qui a engendré un avertissement suggérant que le public devrait avoir au moins 18 ans pour y assister.

Macivor a conçu une trame narrative très opératique en ce qu’elle établit d’emblée les paramètres du drame. D’une manière très classique, le nœud de l’action se situera dans un retour en arrière sur deux journées : la première rencontre d’Hadrien et d’Antinous, d’une part, et la mort de ce dernier alors que se révèlent les mystérieuses circonstances qui l’entourent. C’est au terme de ce voyage dans le temps qu’Hadrien, informé des causes de son infortune, posera son dernier geste d’empereur avant de mourir.

 

Une scène de l'opéra Hadrian, de Rufus Wainwright, présenté à la Canadian Opera Company jusqu'au DATE. (Photo: )
Une scène de l’opéra Hadrian, de Rufus Wainwright, présenté à la Canadian Opera Company jusqu’au 27 octobre. (Photo: Michael Cooper )

Les rôles ne manquent pas dans cet opéra résolument généreux pour la voix dans ce qu’elle nous offre de plus efficace et de plus performant, que ce soit sous la forme d’airs de bravoure, de duos, de trios ou même dans des structures de superpositions et de réponses plus complexes qui vont jusqu’à inclure un soliste, un duo et un quatuor ! Ainsi, il faut compter au moins 5 rôles principaux et quelques 9 autres complémentaires, avec une présence chorale savamment repartie à travers les quatre actes de l’opéra et qui monte en puissance pour le 4e et dernier acte. Mentions spéciales à Ambur Braid (Sabina) et Isaiah Bell (Antinous) qui ont d’ailleurs vu leur air respectif se terminer dans des salves d’applaudissements bien sentis de la part du public.

Le monde sonore imaginé par le compositeur pourra certainement plaire et, de même, en dérouter quelques uns. Tout en exploitant les forces de la ligne brisée qui permettent de propulser l’action, le récit et les états d’âmes dans des enchaînements contrastés et véloces, les factures stylistiques surprennent. Ici, une influence jazz à la Gershwin, là une séquence harmonique qui rappelle l’âge d’or d’Hollywood, plus tard une tonalité défectueuse (ou plurielle) à la Chostakovitch se terminant sur une cadence impromptue, ou alors, une mécanique ostinatoire qui, par accumulation, pointe vers une apogée sonore cherchant à rejoindre l’intensité du drame qui se joue comme lors de la scène du mouton sacrifié, particulièrement réussie. Quant aux grands airs qui ont plu, ils se construisent sur une pédale harmonique qui dégage tout l’espace nécessaire à la voix pour se déployer librement et sans contrainte. Chose certaine, la musique veut servir la voix, véritable héroïne de l’opéra.

Reste à savoir si cette forte dose de candeur, du point de vue musical, est volontaire ou non et si elle sert bien l’argument et la mise en scène (Peter Hinton), lesquels demeurent, d’une manière cohérente, campés dans une antiquité oscillant entre vérisme et onirisme. Mais enfin, tour de force que d’avoir réalisé ce projet de création. Même si l’œuvre devra sans doute connaître quelques ajustements (notamment dans le 4e acte, où tout s’étire un peu avec quelques fausses finales), on ne se surprendra pas que la production soit reprise bientôt ailleurs.

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