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CRITIQUE | Corée: l'Orchestre de la Francophonie surmonte l'adversité

Par Caroline Rodgers le 6 septembre 2018

L'Orchestre de la Francophonie en concert à Busan, en Corée, septembre 2018. (Photo: Caroline Rodgers)
L’Orchestre de la Francophonie en concert à Busan, en Corée, septembre 2018. (Photo: Caroline Rodgers)

Cette histoire aurait pu très mal se terminer. Quelques jours après un atterrissage d’urgence qui leur a fait rater de précieuses heures de répétition, les jeunes musiciens de l’OF et leur chef, Jean-Philippe Tremblay, ont démontré une fois de plus leur résilience et leur talent au Festival international de musique de Busan Maru, en Corée.

En fin de semaine dernière, 16 des 36 musiciens de l’orchestre partaient de Montréal pour un long vol vers Busan avec escales prévues à Vancouver et Beijing. Ils allaient rejoindre leurs collègues internationaux, dispersés aux quatre vents à la fin de la saison et partis pour la Corée sur des vols différents.

En plein ciel, le pilote annonce soudain que des vibrations suspectes obligent à atterrir à Winnipeg pour des vérifications. Et ce qui devait arriver arrive : les musiciens rateront leur correspondance pour Beijing. Comme il n’y a qu’un vol par jour en partance de Vancouver pour la Chine, Air Canada loge tout le monde à l’hôtel.

L’attitude responsable de la compagnie aérienne s’arrêtera là, puisqu’on leur annonce aussi que les nouveaux billets de la portion Beijing-Busan du voyage, dont la correspondance est forcément ratée, seront à leur frais. Cela représente la coquette somme de 7000 $. Pour tout organisme musical, une telle dépense imprévue serait une mauvaise nouvelle. Pour un orchestre de jeunes sous-financé, c’est dramatique.

C’est le compositeur Simon Bertrand, déjà arrivé à Busan, qui sauvera la mise en se lançant dans un épuisant marathon de négociations téléphoniques avec Air Canada et Korean Air. Pendant ce temps, Gabrielle Rodrigue, gérante d’orchestre, et Alexis Pitkevicht, directeur général, font aussi tout ce qu’ils peuvent pour trouver une solution et rassurer les musiciens.

Bien des heures plus tard, Simon Bertrand parvient à obtenir de Korean Air que les billets Beijing-Busan soient remplacés sans frais, mais Korean exige qu’Air Canada produise une lettre attestant les problèmes techniques du premier vol, et ce, en donnant à l’OF une heure de tombée. Si, à midi, la lettre n’est pas produite, tout sera perdu! Et Air Canada – on s’en souviendra – refuse d’abord d’écrire la lettre. C’est bien mal connaître l’entêtement légendaire de Simon Bertrand, qui remonte un par un les échelons de la bureaucratie.  À quelques minutes de l’échéance, le tout sera réglé. Soulagement général. Cette saga absurde n’a que trop duré.

 

De gauche à droite: Simon Bertrand, compositeur, Jin Hyoun Baek, directeur du Festival international de musique de Busan Maru, Alexis Pitkevicht, directeur général de l'OF, et Ivan Lefebvre, directeur administratif de l'OF. (Photo: Caroline Rodgers)
De gauche à droite: Simon Bertrand, compositeur, Jin Hyoun Baek, directeur du Festival international de musique de Busan Maru, Alexis Pitkevicht, directeur général de l’OF, et Ivan Lefebvre, directeur administratif de l’OF. (Photo: Caroline Rodgers)

Ce sauvetage de dernière minute n’empêchera toutefois pas l’orchestre de rater une journée essentielle pour se reposer du voyage et répéter. Les musiciens se retrouvent enfin pour la première répétition, dans une pièce minuscule sans air climatisé, épuisés et sous l’effet du décalage horaire. Leur prestation inquiète le directeur du Festival, Jin Hyoun Baek, qui se montre déçu.

Mais Jean-Philippe Tremblay, qui en a vu d’autres, ne se laisse pas abattre. Le lendemain, je me rends à la salle de concert pour assister à la générale, en après-midi. Au programme : Concerto pour violon no 5 de Mozart, Du Crépuscule à L’aube, de Simon Bertrand, et Symphonie no 7 de Beethoven. À les écouter, j’avoue que je suis moi aussi un peu inquiète. Il me semble qu’ils ne sont pas prêts.

Concert

S’il est cliché de parler de « magie » en décrivant un concert, le mot « sorcellerie » est le plus approprié pour décrire les progrès stupéfiants de l’orchestre entre la générale et le concert, une heure plus tard. Y avait-il quelque chose dans ces bols de riz qu’ils ont mangés à la sauvette avant de se changer en vitesse pour remonter sur scène? Rien de tout cela: c’est qu’ils ont beau être jeunes, ce sont maintenant des professionnels.

Le tout commence avec Du Crépuscule à L’aube, de Bertrand, une pièce très réussie, bien construite et qui captive par ses contrastes et son utilisation brillante du rythme. Elle se veut une description des tensions entre la guerre et la paix. On y reconnaît, entre autres, des citations du thème bien connu de l’Ouverture 1812, de Tchaïkovski, tandis le recours aux accents et aux percussions crée une ambiance sauvage qui n’est pas sans évoquer l’esprit du Sacre du printemps. Le grand avantage est aussi que l’œuvre permet aux instruments à vent, plus grande force de l’OF dans sa configuration actuelle, d’être mis en valeur. Et s’ils sont tous excellents, mention spéciale aux cuivres dans cette pièce en particulier.

On accueille ensuite le violoniste Mark Gothoni pour le Concerto no 5 de Mozart. La sonorité est belle, le phrasé est précis, le style est respecté. Guidé par son chef inspiré, l’orchestre démontre une belle unité. C’est toutefois dans la Septième, après l’entracte, qu’ils se surpasseront. Soulignons, encore une fois, l’excellence des musiciens, entre autres du clarinettiste Hoviv Hayrabedian et de la flûtiste Louise Bourgeois. Quant à Jean-Philippe Tremblay, on le sent parfaitement dans son élément avec ce compositeur dont il a enregistré, rappelons-le, l’intégrale des symphonies avec l’OF il y a déjà quelques années.

Est-ce la fatigue, le dépaysement, le soulagement ou le décalage horaire? La Septième est ma symphonie préférée (il y a de ces hasards…) et dès le premier mouvement, je suis submergée par l’émotion. Non, ce n’est pas la fatigue : c’est parce qu’ils font de la musique. Il y aura certes quelques fausses notes pendant le dangereux second mouvement – on ne s’en méfie jamais assez – mais qu’importe. Beethoven est avec nous. Je jette un œil à Jin Hyoun Baek, assis pas loin : il sourit.

Le public, enthousiaste, obligera Jean-Philippe Tremblay à retourner cinq ou six fois sur scène pour saluer devant d’interminables applaudissements. Mission accomplie.

Après ces jours de stress élevé, on sera heureux de se retrouver en soirée sur la plage de Busan, où les sourires, les rires et la chance semblent de nouveau au rendez-vous.

 

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