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CRITIQUE | Pelléas et Mélisande au Festival d'opéra de Québec : la langue française exaltée

Par Samuel Croteau le 31 juillet 2018

 

Samantha Louis-Jean et Marc Boucher dans Pelléas et Mélisande avec l'Orchestre de la Francophonie au Palais Montcalm. (Crédit: Louise Leblanc)
Samantha Louis-Jean (Mélisande) et Marc Boucher (Golaud) dans Pelléas et Mélisande avec l’Orchestre de la Francophonie au Palais Montcalm. (Crédit: Louise Leblanc)

On ne se trompe pas en affirmant que Pelléas et Mélisande n’est pas un opéra comme les autres. L’oeuvre était présentée dimanche soir en version concert au Palais Montcalm par l’Orchestre de la Francophonie (direction : Jean-Philippe Tremblay), dans le cadre du Festival d’opéra de Québec. Cette production avait d’abord été entendue le 8 juin à l’église de Saint-Bruno-de-Montarville, dans le cadre du Festival Classica.

L’unique opéra complet de Claude Debussy, adaptation d’une pièce de Maurice Maeterlick, est une œuvre qui m’intimide. Tout y est suggéré plutôt qu’affirmé, et il me semble que tenter de l’expliquer par l’analyse risquerait de souiller son charme mystérieux. Maeterlinck était d’ailleurs « convaincu que les acteurs tuent les héros qu’ils incarnent en les chargeant du poids de leur propre humanité. » (L’Avant-Scène Opéra, no. 266, p. 13)

C’est donc une œuvre qui laisse beaucoup de place à l’imagination des spectateurs. En cela, Pelléas et Mélisande se prête idéalement à une interprétation sans mise en scène, où chacun est libre de voir dans son théâtre intérieur les personnages du royaume d’Allemonde.

C’est un symbole fort que l’Orchestre de la Francophonie accompagne une œuvre dans laquelle la langue française brille de tous ses feux. Debussy était lui-même un passionné de poésie. Il découvre la pièce Pelléas et Mélisande après sa publication en 1892, puis assiste à une représentation parisienne en 1893. Alors que les opéras conventionnels de l’époque sont écrits sur des textes en vers (avec un agencement régulier de rimes et de syllabes), Debussy conserve intacte la prose libre de la pièce (à l’exception des coupures autorisées par Maeterlinck). La notation rythmique du texte est notée précisément par le compositeur, et reflète une déclamation assez naturelle qui favorise la compréhension par les spectateurs. Il s’agit d’un puissant exemple de symbiose mots-musique.

Selon les mots de Debussy lui-même : « les personnages de ce drame tâchent de chanter comme des personnes naturelles et non pas dans une langue arbitraire faite de traditions surannées. » (Pourquoi j’ai écrit Pelléas, dans L’Avant-Scène Opéra, no. 266, p. 68)

Tous les chanteurs, sans exception, ont livré le texte avec clarté et émotion. Il y avait plusieurs moments touchants : le noble et grave monologue du roi Arkel (Frédéric Caton); la chanson de Mélisande (Samantha Louis-Jean), toute en simplicité; les grandes envolées amoureuses de Pelléas (Guillaume Andrieux); les regrets de Golaud (Marc Boucher). Rosalie Lane Lépine a fait deux interventions remarquées dans le rôle du petit Yniold, reflétant par sa voix et son expression la candeur de ce personnage, de même que son étrangeté. Caroline Gélinas, qui jouait Geneviève, a fait entendre un magnifique timbre calme et contenu dans la deuxième scène du premier acte, lors de la lecture de la lettre. Par contre, la direction du chef lui semblait peut-être trop rigide, ce qui a quelque peu empêché les mots de se déployer avec davantage de mystère.

Les jeunes musiciens de l’Orchestre de la Francophonie ont été à hauteur du défi de cette partition chargée. Ils ont brillé lors des moments de grande intensité : la montée de tension au début de l’acte 3 (première scène de séduction), la puissante transition entre les scènes 2 et 3 de l’acte 4 (après l’accès de colère de Golaud contre Mélisande), et le cataclysme de la fin de l’acte 4, où se côtoient érotisme brûlant et violence mortelle. Les nombreux passages « aquatiques» qui dépeignent la mer ont été réussis, notamment celui de l’exploration de la grotte à la fin de l’acte 2, avec la rondeur des cuivres graves.

Un nombre de représentations plus important aurait sans doute permis d’affiner les délicats moments piano et pianissimo, par exemple les motifs liées aux cordes au début de la scène 3 de l’acte 1, avant le premier dialogue entre Geneviève et Mélisande, ainsi que les interventions lors de la rencontre entre Mélisande et Golaud.

Il régnait une atmosphère d’écoute attentive et passionnée dans la salle Raoul-Jobin, bien que le public y était un peu clairsemé. Une fois passée l’instabilité initiale devant ce langage inhabituel, nous laissions les artistes nous raconter leur histoire, nous porter leur magie, comme si nous étions pendus aux lèvres d’un conteur autour d’un feu de camp.

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