
Par Dwain Richardson
L’Orchestre symphonique de Laval (OSL) a tiré le rideau sur sa saison 2024-2025 à la Salle André-Mathieu hier soir. Le concert de fin de saison a mis en lumière des compositions de l’ère romantique, présentant des œuvres de Schumann, Marie Jaëll et Brahms. Les invités étaient le chef d’orchestre Andrei Feher et le violoncelliste Bryan Cheng.
Les artistes invités
Andrei Feher est un invité de plus en plus régulier à l’OSL, ayant dirigé l’an dernier une charmante représentation dansée du Pulcinella de Stravinsky. D’origine roumaine, le musicien est arrivé à Montréal à l’âge de13 ans et a étudié à l’École secondaire Joseph-François-Perrault. Il a ensuite poursuivi ses études auprès de Raffi Armenian au Conservatoire de musique de Montréal. Il a été l’assistant de Paavo Järvi à l’Orchestre national de Paris et celui de Fabien Gabel à l’OSQ. À 26 ans, il a été nommé directeur musicale du Kitchener-Waterloo Symphony, un poste qu’il a occupé de 2018 à 2023.
Né au Canada, Bryan Cheng est maintenant établi à Berlin. Il a beaucoup voyagé au cours de la saison 2024-2025 et, comme Andrei Feher, a fait des apparitions comme soliste invité auprès de nombreux orchestres canadiens, dont l’OSM, l’Orchestre philharmonique de Calgary et l’Orchestre du Centre national des Arts (OCNA). Il est lauréat de concours réputés, dont le prestigieux prix Virginia-Parker du Conseil des arts du Canada, qui lui a été accordé en 2023.
Œuvres au programme
La première moitié du concert présentait l’Ouverture Genoveva de Schumann et le Concerto pour violoncelle en fa majeur de Marie Jaëll, deux œuvres qui m’étaient inconnues. Schumann a composé son unique opéra, moins connu que les plus de 200 lieder allemands qu’il a composés au cours de sa carrière, en 1850 à 38 ans. L’histoire en est basée sur une héroïne médiévale du VIIIe siècle nommée Geneviève de Brabant, une femme faussement accusée d’infidélité.
Le premier aspect qui m’a frappé dans l’ouverture sont les motifs de fanfare joués par les cors et les bois vers le milieu de l’œuvre. Les attaques étaient claires et les deux sections étaient bien synchronisées. L’autre aspect marquant était le changement de mode : l’ouverture a commencé dans un do mineur calme et austère avant de moduler vers un do majeur triomphant.
Cheng a ensuite rejoint l’OSL pour interpréter le Concerto pour violoncelle de Marie Jaëll, une œuvre oubliée que le violoncelliste souhaitait faire connaître au public. Au cours de cette œuvre de 16 minutes, j’ai été particulièrement impressionné par le contact visuel régulier que Cheng maintenait avec le chef d’orchestre et avec le violon solo Antoine Bareil. Ce contact m’a donné – ainsi certainement qu’au reste du public – l’impression d’une grande synergie entre le soliste et le reste de l’orchestre. Dans l’ensemble, le jeu de Cheng était tout simplement sublime. On pouvait voir à son visage qu’il était vraiment impliqué dans la musique. Il a démontré une grande maîtrise de son instrument, tout autant que de la partition. Bien que le rôle attribué à l’orchestre dans cette œuvre se résume à celui de simple accompagnement, il y a eu des échanges que j’ai particulièrement appréciés, notamment entre un violoncelle de l’orchestre et Cheng dans le premier mouvement. Le jeu à l’unisson des sections de violoncelles et de contrebasses dans le même mouvement, ainsi que la légèreté et le caractère bondissant du deuxième mouvement représentent d’autres aspects particulièrement réussis. Dans le dernier mouvement, les triolets rapides et ardents du violoncelle solo étaient exquis.
La deuxième moitié du concert mettait en lumière la Symphonie no 1 en do mineur de Brahms. Créée en 1876 au terme de quinze années de gestation, la symphonie possèdent quelques traits parents avec le langage de Beethoven, poussant certains à lui donner le sobriquet de Dixième symphonie de ce dernier.
J’ai été frappé par le cycle de tierces qui se déploie tout au long de la symphonie : le premier mouvement commence en do mineur avant de moduler en do majeur; le deuxième mouvement, en mi majeur; le troisième mouvement, en la bémol majeur, et le dernier mouvement, de do mineur à do majeur. L’utilisation des tierces majeures était une caractéristique essentielle du style harmonique de Brahms.
Comme l’Ouverture Genoveva entendue en première partie, le dernier mouvement de la Symphonie no 1 commence dans un do mineur menaçant chez les cordes avant de laisser place à un thème imitant un cor des alpes assignés aux cors et aux trombones, ainsi qu’à un choral joué par les violons, les altos et les bois en do majeur. Toujours l’Ouverture Genoveva, la symphonie se termine dans la tonalité majestueuse et triomphante de do majeur, formant une boucle avec le début du concert.
Impressions générales
Contrairement à la Maison symphonique de Montréal, l’acoustique de la Salle André-Mathieu n’est pas des meilleures. La majeure partie du son se propage uniquement sur scène et ne se diffuse pas librement dans toute la salle. De l’endroit où j’étais assis (au quatrième rang au parterre), le son était correct.
Un autre inconvénient du concert était la brièveté des notes de programme. J’aurais apprécié des informations plus spécifiques sur les pièces (par exemple, les années de leur première représentation, la réaction initiale aux œuvres, la structure musicale globale, ce qu’il fallait écouter dans chaque pièce).
Au-delà de ces inconvénients, j’ai apprécié la qualité du jeu des musiciens de l’OSL et la direction d’Andrei Feher. J’étais suffisamment près de la scène pour observer les mouvements corporels, les expressions faciales et la gestuelle du chef : dans le premier mouvement de la Symphonie no 1, par exemple, j’ai pu voir comment il établissait un contact visuel important avec les instrumentistes pour souligner les moments de grande intensité et de drame. Chaque fois qu’il souhaitait une ligne longue et legato, il effectuait de larges gestes horizontaux avec les deux mains.
Les deux artistes invités, Bryan Cheng et Andrei Feher, possèdent cette qualité d’être vraiment en symbiose avec les œuvres présentées, permettant à l’OSL de conclure sa saison 2024-2025 sur une note triomphante.
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