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CRITIQUE | Ferveur du Vendredi Saint en compagnie des Idées heureuses et de Graupner

Par Béatrice Cadrin le 22 avril 2025

Les Idées heureuses sur la scène de la Salle Bourgie pour leur Concert de la Passion le 18 avril 2025. (Photo : courtoisie Les Idées heureuses)
Les Idées heureuses sur la scène de la Salle Bourgie pour leur Concert de la Passion le 18 avril 2025. (Photo : courtoisie Les Idées heureuses)

La musique ancienne et baroque se porte vraiment extrêmement bien à Montréal, pour le plus grand bonheur de nos oreilles. Après le remarquable concert du SMAM permettant de découvrir la compositrice Chiara Margarita Cozzolani le 30 mars, c’était au tour des Idées heureuses de transporter le public par des exécutions de haut niveau vendredi dernier. L’ensemble poursuivait à cette occasion sa présentation annuelle des cantates du Vendredi Saint composées par Christoph Graupner (1683-1760) sous la direction de sa directrice musicale émérite et fondatrice Geneviève Soly.

Les quatre cantates au programme – O Schmerz, o Leid, o Traurichkeit GWV 1127/14 (Ô douleur, ô souffrance, ô tristesse), Zerfliess, mein Herz, in Blut und Zähren GWV 1127/20 (Dissous-toi mon cœur, en sang et en larmes), Es sind Gerechte GWV 1127/50 (Il y a des Justes), Mein Gott, warum hast du mich verlassen GWV 1118/12 (Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné) –  offraient des échantillons de différents périodes du travail du prolifique compositeur, dont l’œuvre complète comprend 1418 cantates, rendant utopique une authentique intégrale!

Tous les membres du petit ensemble d’instrumentistes chevronné·e·s, mené par la violon solo Hélène Plouffe dans une de ses rares et appréciées présences sur scène, ont exécuté leurs parties respectives avec une compréhension naturelle et instinctive de la rhétorique du texte musical. Cela s’exprime dans l’uniformité de l’intention, la direction des phrases, l’appui adapté des dissonances et la charge suspendue des silences.

Par décision volontaire ou par contrainte, le continuo était réduit pas mal à sa plus simple expression, étant constitué de l’orgue de chambre joué par Dorothéa Ventura, du violoncelle d’Amanda Keesmat et de la contrebasse de Dominic Girard, tous des continuistes expérimenté·e·s et sensibles. Le timbre résultant se maintenait généralement dans des coloris sombres et mats, certes appropriés pour le sujet du jour. Les exceptions auraient cependant pu être plus fréquentes, en particulier lorsqu’il s’agissait de soutenir le timbre éclatant de la soprano Odéi Bilodeau.

Celle-ci, sa collègue Andréanne Brisson Paquin, l’alto William Duffy, le ténor Arthur Tanguay-Labrosse et la basse Dion Mazerolle ont offert de nombreux moments de grâce où le texte, la musique et l’équilibre des voix entraient tous en adéquation de façon remarquable (p. ex., le début de la dernière cantate sur Mein Gott). J’aurais souhaité des lignes plus legatos dans les divers chorals, où l’approche verticale et un peu hachurée n’était qu’occasionnellement justifiée par les virgules du texte.

Du côté des numéros solos, le numéro 6 de la cantate GWV 1118/12 (« Ach wie süss ») a permis à Andréanne Brisson Paquin de rassembler à un degré encore plus élevé toutes les qualités qu’elle avait démontrées précédemment : incarnation expressive du texte, modulation du timbre, contrôle de l’attaque même dans l’aigu et communion avec la violon solo pour modeler une fin parfaitement réussie. La forme Da Capo a par ailleurs permis à Hélène Plouffe d’ajouter au retour de gracieuses et fines ornementations.

La voix agile et lumineuse d’Odéi Bilodeau éveille l’envie de l’entendre dans un répertoire plus dramatique, peut-être un opéra de Handel. Hormis un duo avec la basse dont il s’est bien acquitté, l’alto William Duffy n’a pas beaucoup eu l’occasion de se démarquer. La présence assurée d’Arthur Tanguay-Labrosse lors de ses lignes exposées pourrait être modulée avec plus de souplesse dans les entrées fuguées, par exemple. Dion Mazerolle de son côté a contribué son timbre solide et vibrant que j’apprécie toujours, bien que cette fois je l’aurais encouragé à pousser plus loin certains appuis sur des dissonances et coloris dans les changements d’harmonie.

La présentation de ces concerts au jour et à l’heure de la célébration pour lequel les cantates au programme ont été conçues me laissait anticiper un moment d’intériorité et de réflexion. Cette attente a été quelque peu bouleversée par la longueur des interventions étoffées au micro introduisant chaque cantate. Aussi intéressantes qu’elles aient été, ces interventions didactiques venaient interrompre l’intensité du recueillement suscité par la musique. Je crois que dans ce contexte, la solution de la conférence pré-concert permettrait de profiter de l’abondance d’informations que Geneviève Soly, spécialiste sans pareil de Graupner, partage généreusement, tout en respectant la nature intérieure du moment.

Un peu dans le même ordre d’idée, les nombreux déplacements des chanteuses et chanteurs retournant s’asseoir à la moindre occasion m’ont semblé exagérés. À moins d’une raison empêchant quelqu’un de rester debout longtemps, j’aurais estimé convenable que l’ensemble des effectifs exigés dans chaque cantate reste debout  au centre du groupe des instrumentistes, et que les membres spécifiques sollicités par un numéro particulier s’avancent ou s’effacent selon leur rôle du moment.

Hommage à Geneviève Soly

L’après-midi s’est conclu par un hommage à Geneviève Soly, dont les 36 ans à la direction artistique et musicale de l’ensemble n’avaient pas encore pu être soulignés. La directrice actuelle Dorothéa Ventura a salué son travail remarquable, qui à travers plus de 400 activités et événements artistiques (concerts, conférences, enregistrements) a fait des Idées heureuses une référence en musique baroque.

Ayant donné son premier concert le 20 novembre 1987, l’ensemble commence par ailleurs à songer aux célébrations de son 40e anniversaire.

Prochaine saison

Le programme imprimé permet d’obtenir un aperçu de la programmation de la prochaine saison des Idées heureuses, dont le dévoilement officiel a lieu demain. Pour l’instant, on constate que l’ensemble maintient le nombre de concerts présentés à quatre, dont le Concert de la Passion. La formule appréciée Chaconne et chocolat et son programme centré sur une destination géographique (et esthétique) fait également un retour : surveillez nos publications de demain pour en découvrir la nouvelle destination!

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Béatrice Cadrin
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