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CRITIQUE | Premier concert réussi pour l'intégrale Schubert du Quatuor Cobalt

Par Béatrice Cadrin le 17 octobre 2024

Le Quatuor Cobalt entamait hier soir son intégrale de longue haleine des quatuors de Schubert, dont la fin en 2028 coïncidera avec le bicentennaire de la mort du compositeur. Le quatuor a posé d’emblée les balises du chemin à parcourir, juxtaposant l’inexpérience du premier quatuor, composé à l’âge de 13 ans, à l’écriture achevée du quatuor La jeune fille et la mort, composé 14 ans plus tard.

Premier Quatuor

Le premier quatuor, aussi impressionnant soit-il de penser qu’il a été composé par un enfant de 13 ans, a certainement besoin de l’aide d’interprètes chevronnés comme sont ceux et celle du Quatuor Cobalt (Guillaume Villeneuve et Diane Bayard, violons, Clément Bufferne, alto et François Leclerc, violoncelle) pour capter l’intérêt du public. Comme le jeune Mendelssohn une douzaine d’années plus tard, Schubert y emploie abondamment les dédoublements de notes en croches ou en doubles croches répétées, dans l’accompagnement comme dans les lignes supérieures, pour énergiser des mélodies et des harmonies manquant de chair.

Les membres du quatuor ont opté pour des exécutions sur instruments montés en cordes de boyaux, reflétant les moyens disponibles à l’époque, une décision dont les conséquences sur le mode d’interprétation dépassent l’ajout inévitable de séances d’accord entre les mouvements. Dès les premières notes, la maîtrise et la compréhension intrinsèque qu’ont les interprètes de cette approche est manifeste. Étonnamment, ce parti pris pour les sonorités archaïsantes – sons blancs, archet en surface de la corde, phrasés collés aux courbes de la mélodie – ajoute du relief aux efforts du compositeur adolescent. Les instrumentistes ne craignent pas non plus l’ajout de rubato bien dosé, quoique non indiqué dans la partition, toujours au profit de l’intérêt général de l’exécution.

Le désavantage créé par la combinaison cordes de boyaux + archet moderne s’est manifesté dans les accords à trois et quatre sons : la sensibilité de la corde en boyau jumelée au poids de l’archet moderne crée une situation difficile à gérer sur plusieurs cordes à la fois, forçant les instrumentistes à (trop) retenir leurs élans, menant à un affaiblissement de l’impact rhétorique de ces ponctuations résolues.

A Letter from the After-life

Entre le Schubert de jeunesse et celui de la maturité, le Quatuor Cobalt a glissé une exécution de « A Letter from the After-life », tiré des Two pop songs on an antique poem, du compositeur canadien d’origine sri lankaise Dinuk Wijeratne. Ici, le paradoxe était que le quatuor était forcé d’interpréter une œuvre contemporaine (composée en 2015) sur des instruments outillés à l’ancienne, dans un renversement des paramètres habituels. La pertinence de cette inclusion s’explique par les citations abondantes du Quatuor La jeune fille et la mort dans l’œuvre de Wijeratne, mais également par le trait d’union efficace qu’elle crée dans sa propre écriture entre l’antique – une longue mélopée modale – et le moderne – les rythmes frénétiques et inlassables.

La jeune fille et la mort

Venait ensuite la pièce de résistance. Si la question s’était posée au terme de l’écoute du premier quatuor à savoir à quel point l’approche « musique ancienne » choisie pourrait s’appliquer à l’écriture dramatique du pénultime quatuor, elle trouva rapidement réponse : le Quatuor Cobalt y a adhéré tout au long des quatre mouvements avec une cohérence d’interprétation irréprochable. Le résultat était une lecture rafraîchissante qui, plutôt que de gommer les caractéristiques originales de l’œuvre, les faisait ressortir avec plus de vivacité. La texture transparente résultant des timbres épurés mettait en lumière la sophistication des voix intérieures, dont les passages tarabiscotés ont été exécutés sans fléchir par Diane Bayard et Clément Bufferne. La gestion des nuances, que ce soit les pianissimos extrêmes autant que les crescendos parfaitement gradués, était maîtrisée et réfléchie. La conduite des voix soigneusement ciselée évoquait par moments le contrepoint de la Renaissance, dont au début du deuxième mouvement, empreint d’une atmosphère glauque appropriée. Ici encore, s’il y a une faiblesse à soulever, elle est liée aux limites des cordes de boyaux, dont la capacité de réaction a occasionnellement atteint son point de saturation dans la chevauchée du mouvement final, un inconvénient qui compte peu devant la réussite et l’intérêt global de l’interprétation offerte.

Au terme de cette première soirée, il est évident que Simon Blanchet, directeur de la Chapelle historique du Bon-Pasteur, a fait le bon choix en confiant la réalisation de cette intégrale au Quatuor Cobalt, ancien ensemble en résidence de la Chapelle. Guillaume Villeneuve et François Leclerc, prenant la parole au nom du quatuor, ont tous deux tenu à exprimer leur reconnaissance envers celle-ci, soulignant que même en absence d’un lieu assigné, son équipe garde vivant l’esprit de sa mission en continuant d’offrir une vitrine aux jeunes artistes. Choyés par la prestation d’hier soir et la perspective de celles à venir, on ne peut que joindre nos voix aux leurs.

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Béatrice Cadrin
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