par Mireille Cadrin
La saison des Grands Ballets Canadiens s’est ouverte de façon spectaculaire avec le spectacle Maestro, présenté du 12 au 15 septembre à la salle Wilfrid-Pelletier. Sous la direction artistique d’Ivan Cavallari et accompagné de l’Orchestre des Grands Ballets dirigé par Dina Gilbert, ce programme mixte sur des œuvres musicales de Mozart, Vivaldi et Beethoven réunit quatre chorégraphies portant la signature de chorégraphes contemporains reconnus.
En ouverture, Petite Mort de Jiří Kylián donne le ton du spectacle qui dès lors s’annonce magnifique. L’œuvre commence par des danseurs masculins maniant un fleuret de façon à la fois gracieuse et énergique, dansante et combative. Mis à part quelques moments où la synchronisation de l’ensemble n’est pas parfaite, particulièrement notable lorsque le fleuret est déposé bruyamment au sol et que le manque de synchronisme devient audible en plus d’être visible, les danseurs allient les qualités techniques de la danse classique aux mouvements contemporains avec justesse et passion. Les pas de deux qui suivent sont d’une musicalité extraordinaire. Les danseurs·euses semblent en symbiose avec l’orchestre, chaque moment où le rythme de la musique est souligné par des mouvements de danse étant d’un synchronisme parfait.
Pour la danse suivante, les femmes manipulent agilement de grandes robes solides sur roulettes les recouvrant entièrement, créant l’impression que les danseuses flottent. Ces grandes robes sont parfois utilisées de façon cocasse, comme lorsque les danseuses disparaissent derrière ou les enlacent, donnant lieu à des exclamations de la foule. Dès les derniers mouvements de danse terminés, le public se lève rapidement pour exprimer bruyamment son ravissement.
La chorégraphie de Stephan Thoss Tonnerre de silence est précédée d’une projection vidéo dont le sens d’abord confus se révèle au fur et à mesure du déroulement de la danse. Chorégraphie définitivement contemporaine, ignorant complètement les lignes de la danse classique, Tonnerre de silence est une suite de pièces de Vivaldi entrecoupées de trames sonores où grésillements et piano s’entremêlent. Alors que, selon la description de l’œuvre, le but du chorégraphe est de faire de cette danse une expérience méditative, ces trames sonores produisent l’effet inverse, brisant l’ambiance qui s’était installée avec la musique de Vivaldi. Point de vue danse, les Grands Ballets relèvent le défi haut la main. Les danseurs·euses démontrent leur capacité à bouger leur corps de façon éclectique, les mouvements exigeant parfois une mobilité du tronc hors norme. Le visuel, comportant des parapluies suspendus du plafond à différentes hauteurs ainsi que deux plateformes illuminées par en dessous, se révèle être un élément fort de la mise en scène. Cependant, par moment, les éclairages ne mettent pas en valeur les danseurs·euses que l’on perd dans la pénombre.
À en juger par la réaction de la foule, on peut dire incontestablement que Sechs Tänze est le coup de cœur du public. Chorégraphie humoristique où les qualités dansantes et théâtrales des danseurs·euses sont mises en valeur, ce numéro de Jiří Kylián soutire plusieurs sourires et éclats de rire au public. Les danseurs aux perruques poudrées d’un autre temps s’amusent à tirer les jupes des danseuses, à secouer leur tête pour en faire ressortir un nuage de poudre blanche et à exploiter toutes les notes de la musique pour bouger de façon légère et coquine. Clin d’œil à Petite Mort, les grandes robes refont leur apparition, manipulées cette fois par des hommes. Dans l’ambiance humoristique de la chorégraphie, il arrive que ces hommes se cognent ou que la robe habillant un danseur lui soit dérobée, le révélant presque nu. La chorégraphie se conclut sur un moment d’émerveillement provoqué par une pluie lumineuse évoquant des feux d’artifices.
Cette soirée magistrale est couronnée par Symphony No 5 (Complete) de Garrett Smith. Interprétée sur la Cinquième symphonie de Beethoven, cette chorégraphie contemporaine s’inspire grandement des mouvements et des lignes de la danse classique. Alternant les pas de deux, de trois et de quatre ainsi que les danses d’ensemble, cette chorégraphie est une célébration de la différence et de la singularité. Les moments d’ensemble sont particulièrement intéressants et réussis. Le synchronisme, l’utilisation de l’espace ainsi que les qualités techniques des danseurs·euses se combinent pour créer un visuel frappant. Les pas de deux et de trois mettent en valeur la force de l’homme puisqu’il s’agit d’une série de portés à bout de bras où la danseuse, à peine déposée, se retrouve à nouveau dans les airs, souvent tête en bas. C’est impressionnant, mais finit par être redondant. Les éclairages, simples mais efficaces, mettent en valeur l’ambiance et les exécutant·e·s. Garrett Smith relève magistralement le défi de transposer en danse la finale grandiose de la symphonie de Beethoven, agrémentant l’œuvre d’une chorégraphie à la hauteur de ses éclats musicaux, interprétée avec brio par les danseurs·euses des Grands Ballets.
Maestro est donc une soirée définitivement réussie, et même exceptionnelle. Une ouverture de saison grandiose qui donne l’eau à la bouche pour la suite!
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